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Les racines françaises de l’École des arts graphiques et du Collège Ahuntsic

  • ️Gingras, Guy

1Louis-Philippe Beaudoin (1900-1967), directeur fondateur de l’École des arts graphiques (1942-1970), entamera sa carrière de relieur à la librairie Beauchemin dès l’âge de 17 ans. Rapidement remarqué pour la qualité de son travail, il se voit accorder une bourse pour des études en France par le gouvernement du Québec « avec pour mission d’enseigner la reliure au Canada au retour ». De 1922 à 1926, il fréquentera donc l’École Estienne de Paris, tout en élaborant les plans d’une éventuelle école publique montréalaise dédiée à l’enseignement de sa profession. Louis-Philippe Beaudoin, nous dit sa fille Suzanne Beaudoin-Dumouchel* dans sa thèse de maîtrise de 1975, réalisa cependant que l’esprit et le programme de l’École Estienne étaient propres à Paris, transmis à des jeunes imbus de tradition et n’auraient pu être appliqués intégralement à Montréal*. Beaudoin, précurseur de la notion de « réception active », repart en partie à zéro en pensant à la formule de « d’élève apprenti » dans un atelier où seraient réalisés de véritables travaux et non pas des exercices fictifs, avec un maître d’œuvre comme compagnon-animateur.

2À son retour, l’École lui est malheureusement refusée ; malgré tout, deux ans plus tard, à la veille de la pire crise économique que connaîtra le XXe siècle, il tiendra son propre établissement, La reliure Philippe Beaudoin Limitée, entre 1927 et 1936. De fil en aiguille, il en viendra à y accueillir des élèves, après s’être d’abord consacré à la production. C’est en 1937 que commenceront à se concrétiser enfin ses aspirations, alors qu’il se voit offrir la responsabilité d’un atelier de reliure qui vient d’être créé à l’École technique de Montréal (1907-1967). Bien sûr, l’année 1940 donnera lieu à de nombreuses activités commémorant les 500 ans de l’héritage laissé par Gutenberg : entre autres événements, soulignons la publication de Gutenberg et l’imprimerie, un ouvrage que le boursier de l’École Estienne de Paris, alors âgé de 40 ans, rédigea pour la circonstance, et la réalisation par des élèves de l’École technique de Montréal d’une réplique de la presse de 1440. Le 11 août 1942, procédant à la fusion des sections de reliure (1937) et de typographie (1925) de l’École technique de Montréal, le gouvernement du Québec fonde l’École des arts graphiques et en confie la direction à Louis-Philippe Beaudoin. La nouvelle École des arts graphiques met l’accent sur l’aspect technique, artistique, culturel et du développement de l’esprit de recherche en permettant l’application au Québec de la tradition et de l’esprit français du compagnon apprenti. C’est ce que remet en cause aujourd’hui la révolution numérique contemporaine.