fr.wikipedia.org

José-Maria de Heredia — Wikipédia

  • ️Thu Feb 22 1894

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

José-Maria de Heredia, né le 22 novembre 1842 à Cuba et mort le 2 octobre 1905[1],[2] en France, au Château de Bourdonné en Seine-et-Oise, est un homme de lettres d'origine cubaine (alors encore colonie espagnole à cette époque). Né donc sujet espagnol, il a été naturalisé français en 1893. Son œuvre poétique a fait de lui l'un des maîtres du mouvement parnassien. Il est l'auteur d'un seul recueil, Les Trophées, publié en 1893 et comprenant cent-dix-huit sonnets qui retracent l'histoire du monde, comme Les Conquérants, ou dépeignent des moments privilégiés, comme Le Récif de corail, ainsi que quatre poèmes plus longs.

José María de Heredia Girard est le fils du planteur esclavagiste Domingo de Heredia, et de sa seconde épouse Luisa (appelée Louise dans de nombreux textes) Girard d'Houville, issue d'une famille française qui avait dû quitter l'ancienne colonie de Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti) à la suite de la révolte des esclaves. Ses parents étaient tous deux sujets espagnols. Le poète naît le 22 novembre 1842 à La Fortuna, la plantation de café familiale, près de Santiago de Cuba. Il est envoyé en France à l'âge de neuf ans pour poursuivre ses études au lycée Saint-Vincent de Senlis, où il reste jusqu’au baccalauréat, en 1859. C'est un élève brillant et très apprécié. La découverte de l’œuvre de Leconte de Lisle fait sur lui une impression profonde.

Adolphe Lalauze, José-Maria de Heredia, gravure.

De retour à Cuba en juin 1859, il passe un an à La Havane, approfondissant sa connaissance de la langue et de la littérature espagnoles avec le projet d'y effectuer des études de droit. C'est là qu'il compose les premiers poèmes français qui nous sont parvenus. Mais il n'y retrouve pas l'ambiance de travail qu'il avait connue en France, et l'équivalence du baccalauréat français lui est refusée pour des raisons administratives. Il retourne donc en France en 1861 en compagnie de sa mère, qui, veuve et ayant marié ses trois filles aînées, tient à veiller elle-même à l'éducation de son fils. La mère et le fils s'installent rue de Tournon à Paris. Le jeune homme s'inscrit en octobre de la même année à la Faculté de droit de Paris.

De 1862 à 1865, il suit également, en qualité d'étudiant étranger, les cours de l'École impériale des chartes[3], où il se fait remarquer par son sérieux et sa culture. Beaucoup plus attiré par la littérature que par le droit, il continue à composer des poèmes, en particulier des sonnets, la fortune familiale, gérée avec rigueur par sa mère[4], lui épargnant pendant un certain temps les difficultés matérielles. Il fait partie de groupes littéraires tels que la conférence La Bruyère et devient un membre influent de l'école parnassienne. En 1863, il rencontre Leconte de Lisle et collabore au Parnasse contemporain[3], tout en se liant d'amitié à des auteurs comme Sully Prudhomme, Catulle Mendès ou encore Anatole France. En 1884, Guy de Maupassant lui dédie la nouvelle Garçon, un bock !...

Sa production poétique lui permet d'acquérir la notoriété dans le milieu littéraire parisien, même s'il publie peu, confiant ses poésies à des revues de faible diffusion avant de les réunir sur le tard (en 1893) en un volume de cent-dix-huit sonnets, Les Trophées, édité par Alphonse Lemerre. Il fait appel à son ami de toujours, le peintre montmartrois Ernest Jean-Marie Millard de Bois Durand, pour illustrer d'aquarelles originales son recueil, qu'il dédie à Leconte de Lisle[5], et qui est couronné par l'Académie française. Par la suite, le bibliophile René Descamps-Scrive commandera au peintre Carlos Schwabe une illustration originale en marge de son exemplaire des Trophées. L'auteur avait été déjà distingué par l'Académie pour sa traduction de l'Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle Espagne du capitaine Bernal Díaz del Castillo. Il traduit aussi l'Historia de la monja Alférez de Catalina de Erauso et collabore à la Revue des Deux Mondes, au Temps et au Journal des débats. En 1893, Lemerre commande au peintre Paul Chabas une vaste composition, Chez Alphonse Lemerre à Ville-d'Avray, où figurent tous les poètes du Parnasse qu'il éditait. Autour de José-Maria de Heredia sont notamment représentés Paul Bourget, Sully-Prudhomme et Leconte de Lisle. Ce tableau a pour cadre la propriété de l'éditeur.

Élu à l'Académie française le 22 février 1894 au fauteuil de Charles de Mazade, Heredia est reçu en séance publique le 30 mai 1895 par François Coppée[6]. Lors du voyage des souverains russes à Paris, en 1896, il compose le Salut à l'Empereur[7]. Membre de la Commission du dictionnaire, il devient en 1901 conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal. Comme Edgar Degas, Auguste Renoir, Pierre Louÿs et d'autres, il appartint à la Ligue de la patrie française, ligue antidreyfusarde modérée[8],[9]. En 1902, il fonde avec Sully Prudhomme et Léon Dierx la Société des poètes français.

Heredia et sa femme, qui, en 1901 et 1902, avaient passé leurs vacances d'été à Montfort-l'Amaury, décident en 1903 de changer de villégiature et choisissent le château de Bourdonné, près de Houdan. Le 1er septembre de la même année, Heredia est victime d'une grave hémorragie digestive, que le médecin local a beaucoup de difficultés à arrêter. Dès lors, il suit un régime recommandé par Samuel Pozzi. Malgré cela, une seconde hémorragie survient en août 1904. Dès lors, le poète envisage une fin prochaine avec sérénité. Il meurt au château de Bourdonné dans la nuit du 2 octobre 1905 des suites d'une troisième et dernière hémorragie[10]. Il est inhumé le 7 octobre au cimetière de Bonsecours (Seine-Maritime).

José-Maria de Heredia est le dernier fils de Domingo de Heredia (1783-1849), issu d'une vieille famille espagnole et de sa deuxième épouse, Louise Françoise Girard (1806-1877)[11],[12], d'une famille française émigrée de Saint-Domingue.

En 1867, il épouse Louise Despaigne, qui met au monde trois filles :

Toutes les trois firent « une carrière plus qu'honorable dans les salons de la littérature française »[13].

Pierre Louÿs parle d'elles dans son roman érotique Trois filles de leur mère[13].

  • Véridique histoire de la conquête de la Nouvelle-Espagne, de Díaz del Castillo, 4 volumes, Paris, Lemerre, 1877-1887, prix Langlois de l’Académie française en 1880.
  • Les Trophées, achevé d'imprimer daté du 29 décembre 1892. - D'après Vicaire (IV, 72) : édition originale publiée à 10 fr. Tiré, en outre, à 100 exemplaires sur papier de Hollande (20 fr.), 25 ex. sur papier de Chine (30 fr.), 25 ex. sur papier Whatman (25 fr.) et 50 ex. sur papier du Japon (50 fr.). Édition : Paris, Lemerre, 1893 ; illustrateurs : Eugène Narbonne (dessins) et Ricardo de Los-Rios (gravures) ; relieurs : Georges Canape (1864-1940), Charles Meunier (1865-1948).
  • La Nonne Alferez, Paris, Lemerre, 1894.
  • Discours de réception à l'Académie française, Paris, Lemerre, 1895. [lire en ligne (page consultée le 7 avril 2024)]
  • Salut à l'Empereur, Paris, Lemerre, 1896.
  • Inauguration du monument élevé à la mémoire de Leconte de Lisle à Paris le 10 juillet 1898, 1898.
  • Les Trophées, Paris, 1907, édition de luxe posthume [les épreuves avaient été corrigées par le poète, qui a écrit aussi la préface].
  • Les Trophées avec des planches de G. Rochegrosse gravées par E. Decisy, Paris, F. Ferroud, 1914 lire en ligne sur Gallica].
  • Poésies complètes, avec notes et variantes, Paris, Lemerre, 1924.
  • Les Trophées, choix et présentation par Pierre Feuga, collection « Orphée », Paris, La Différence, 1991 (ISBN 2-7291-0481-X).
  • Œuvres poétiques complètes, édition critique par Simone Delaty, Paris, Société d'édition Les Belles Lettres, 1984 [tome 1 : Les Trophées (ISBN 2-251-36103-0) ; tome 2 : Autres sonnets et poésies diverses (ISBN 2-251-36104-9)].
  • José Maria de Heredia, Correspondance, édition établie, présentée et annotée par Yann Mortelette, collection « Bibliothèque des correspondances », Paris, Champion, 2011- [sur les cinq volumes prévus ont paru : tome 1 : Les années de formation, 1846-1865, 2011 ; tome 2 : Les années parnassiennes, 1866-1876, 2013].
Victor Ségoffin, Monument à José-Maria de Heredia (1925), Paris, jardin du Luxembourg.
  1. Sur les quatre « poèmes antiques et familiers » cités, « La Jeune morte », « Le Naufragé », « L’Esclave » et « Les Priapes » ; le dernier n'est pas identifié.
  1. Miodrag Ibrovac, José-Maria de Heredia : sa vie, son oeuvre, documents inédits, Les Presses françaises, 1923, Acte de décès, p. 568.
  2. On trouve aussi parfois la date du 3 octobre, probablement due au fait que sa mort est dans la nuit de 2 au 3 octobre.
  3. a et b « http://www.josemaria-heredia.com/intro.htm ».
  4. À l'époque, la majorité est en Espagne à vingt-cinq ans.
  5. Sur les relations entre les deux poètes, voir Charles-Marie Leconte de Lisle, Lettres à José-Maria de Heredia, édition établie et annotée par Charles Desprats, Paris, Champion, 2004, et Christophe Carrère, Leconte de Lisle ou La passion du beau, Fayard, 2009.
  6. « José-Maria de HEREDIA | Académie française », sur www.academie-francaise.fr (consulté le 25 janvier 2017).
  7. Ces stances ont été lues par Paul Mounet, de la Comédie-Française, le mercredi 7 octobre 1896, lors la pose de la première pierre du Pont Alexandre III, en présence de l'empereur et de l'impératrice de Russie.
  8. Jean-Pierre Rioux, Nationalisme et conservatisme : la Ligue de la patrie française, 1899-1904, Beauchesne, 1977.
  9. Ariane Chebel d'Appollonia, L'Extrême-droite en France : de Maurras à Le Pen, nouvelle éd. mise à jour, Bruxelles, Éd. Complexe, 1996, p. 137.
  10. Yann Mortelette, José-Maria de Heredia : poète du Parnasse, Presses Paris Sorbonne, 2006, p.25.
  11. Louise Gérard était supposée, d'après une vieille légende familiale, être la petite fille de Gérard d'Houville, président à mortier au parlement de Normandie sous Louis XV.
  12. Voir l'article de François de Vaux de Foletier intitulé Les ancêtres normands de Heredia dans la Revue des Deux Mondes, 1er janvier 1964, p. 96-108.
  13. a et b Philippe de Flers et Thierry Bodin, L'Académie française au fil des lettres de 1635 à nos jours, Gallimard, p. 279.
  14. « Prix Archon-Despérouses. », sur Académie Française (consulté le 17 novembre 2021).
  15. Maurice Barrès, « Discours de réception de Maurice Barrès », sur academie-francaise.fr, 17 janvier 1907 (consulté le 27 février 2025).
  • Paul Verlaine, José-Maria de Heredia, monographie publiée dans la revue Les Hommes d'aujourd'huino 405 ; texte sur wikisource.
  • Miodrag Ibrovac, Les sources des « Trophées », Paris, Les Presses Françaises, 1923.
  • Miodrag Ibrovac, José Maria de Heredia : sa vie, son œuvre, Paris, Les Presses Françaises, 1923.
  • Claude Barjac, José Maria de Heredia, Larousse mensuel illustré no 202, Paris, décembre 1923.
  • André Fontaine, Heredia et ses amis, La Muse française, 15 avril 1932, p. 168-182.
  • Lettres inédites de José Maria de Heredia à Alfred Morel-Fatio, publiées et annotées par Jean Lemartinel, Villeneuve d'Ascq, Publications de l'Université de Lille III, 1975.
  • Simone Szertics, L'héritage espagnol de José-Maria de Heredia, collection « Témoins de l'Espagne. Série historique », Paris, Klincksieck, 1975 (ISBN 2-252-01757-0).
  • Simone Delaty, L'œuvre fragmentaire de José-Maria de Heredia, Bulletin des études parnassiennes, no 8, (p. 71-86), juin 1986.
  • Simone Delaty, Gustave Moreau et José-Maria de Heredia : affinités esthétiques, Patterns of Evolution in Nineteenth-century French Poetry, The Tallents Press Ltd, England, 1990
  • Yann Mortelette, José-Maria de Heredia, collection « Bibliographica. Bibliographie des écrivains français », Paris, Memini, 1999.
  • Leconte de Lisle, Lettres à José-Maria de Heredia, édition établie et annotée par Charles Desprats, préface de Jean-Marc Hovasse, collection « Bibliothèque des correspondances », Paris, Champion, 2004 [119 lettres s'échelonnant du 21 septembre 1863 au 22 février 1894].
  • Yann Mortelette, Histoire du Parnasse, Paris, Fayard, 2005 (ISBN 2-213-62352-X).
  • José-Maria de Heredia, poète du Parnasse, [sous la direction de] Yann Mortelette, collection « Colloques de la Sorbonne », Paris, PUPS, 2006 [actes du colloque qui s'est tenu à la Bibliothèque de l'Arsenal le 24 septembre 2005, à l'occasion du centième anniversaire du poète].
  • Christophe Carrère, Leconte de Lisle ou La passion du beau, Paris, Fayard, 2009.