Lina Ben Mhenni — Wikipédia
- ️Sun May 22 1983
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Lina Ben Mhenni (arabe : لينا بن مهني), née le 22 mai 1983 à Tunis et morte dans la même ville le 27 janvier 2020, est une cyberdissidente, blogueuse et journaliste tunisienne. Elle a par ailleurs été assistante d'anglais à l'université de Tunis.
Lina Ben Mhenni est issue d'une famille tunisienne de la classe moyenne : son père, Sadok Ben Mhenni, travaille au ministère du Transport[1] et sa mère est enseignante d'arabe dans l'enseignement secondaire. Son père est membre du mouvement Perspectives tunisiennes et figure parmi les fondateurs de la section tunisienne d'Amnesty International[2]. Entre 1974 et 1980, il est emprisonné, en tant que militant de gauche opposé à la politique du président Habib Bourguiba, et torturé[3].
Durant son enfance, Lina Ben Mhenni contracte un lupus, maladie auto-immune qui fragilise durablement sa santé[4].
Elle étudie aux États-Unis en 2008-2009 dans le cadre du programme Fulbright et enseigne l'arabe à l'université Tufts près de Boston[1]. Elle étudie notamment la littérature anglaise[4].
À la suite de sa greffe de rein (donné par sa mère[4]) en 2007[5], elle prend part la même année ainsi qu'en 2009 aux Jeux mondiaux des transplantés, respectivement en Thaïlande et en Australie ; elle y remporte une médaille d'argent en marche athlétique.
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Alors que son blog atteint une renommée mondiale pendant la révolution tunisienne de 2011, elle est souvent vue comme « la voix de la révolte tunisienne »[6] bien qu'elle indique parler uniquement en son nom[1]. En mai 2011, elle est appelée à rejoindre les participants du Oslo Freedom Forum (en)[7]. Elle annonce également participer à l'Instance nationale indépendante pour la réforme de l'information et de la communication mais y renonce[8], déçue par le manque de volonté de changement[3]. En septembre, elle participe à un symposium de l'Ars Electronica sur le rôle sociétal des réseaux sociaux[9].
Lina Ben Mhenni est investie dans Be Tounsi, un collectif dont la mission est la promotion de l'artisanat tunisien[10]. Elle est également impliquée dans les campagnes Manich Msamah et Hasebhom.
En 2017, elle participe à la troisième édition des Mediterranean Dialogues (MED)[11].
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En 2018, après un changement de traitement, son rein transplanté cesse de fonctionner et sa santé se dégrade[4]. Elle meurt le 27 janvier 2020 à l'hôpital Charles-Nicolle de Tunis[12],[13], à l'âge de 36 ans, des suites d'une maladie chronique[14],[15],[16],[4]. Elle est enterrée le lendemain au cimetière du Djellaz après avoir été accompagnée depuis Ezzahra par des centaines de personnes[17].
Lina Ben Mhenni qui possède déjà un ordinateur durant son adolescence, commence l'écriture d'un blog en 2007, sous le pseudo de Nightclubbeuse[18]. Dans un premier temps, elle aborde des questions privées puis, influencée par ses expériences durant ses études aux États-Unis, rejoint d'autres blogueurs tunisiens qui combattent pour la liberté d'expression et les droits de l'homme[19] dans leur pays[20],[1]. Son blog, A Tunisian Girl, est par la suite interdit et censuré par le régime de Zine el-Abidine Ben Ali[21].
Pendant la révolution tunisienne, en décembre 2010 et janvier 2011, elle se rend à Sidi Bouzid, le site de l'auto-immolation de Mohamed Bouazizi, puis à Kasserine et figure parmi les premiers à rapporter les événements qui se déroulent sur place. Elle diffuse photos et vidéos des opérations de police, des blessés et des morts, les listes des victimes, visite des hôpitaux et interroge des familles qui ont perdu l'un des leurs en raison de la répression policière. Elle maintient également des contacts avec des journalistes étrangers. A Tunisian Girl devient alors un point central pour l'opposition[22],[23],[21]. Dans le cadre de ses activités journalistiques, elle subit aussi la répression : son ordinateur et ses caméras sont volés durant un cambriolage en 2010 — interrompant ainsi son travail de doctorat en linguistique[18] — et son partenaire est arrêté avant d'être libéré après une campagne de solidarité organisée sur Internet[1]. Même après la fuite de Ben Ali, elle reçoit des menaces de mort. Une année après le début de la révolution, elle exprime sa déception au vu des résultats et de la victoire électorale du parti islamiste Ennahdha ; la situation économique ne s'est pas améliorée et la révolution est encore inachevée. Ben Mhenni met aussi en garde contre une dérive de l'État vers l'intégrisme[24],[25]. Sur son blog, elle écrit : « Je n'ai jamais pensé que nous nous sommes placés dans une pluie de balles afin de réintroduire la polygamie »[26].
Lina Ben Mhenni caractérise Internet comme un outil précieux pour la révolution tunisienne mais ne désigne pas celle-ci comme une révolution de Facebook ou d'Internet, bien que les réseaux sociaux, la couverture d'Al Jazeera et les attaques d'Anonymous y ont joué un rôle important. Pour elle, la révolution a été menée par le peuple et a débuté dans la rue. Elle refuse par ailleurs le terme de « révolution de jasmin » qu'elle juge inappropriée au regard du bilan en termes de vies humaines[20],[3].
En 2011, Lina Ben Mhenni publie chez Indigène éditions un livre, Tunisian Girl : blogueuse pour un printemps arabe[27], où elle décrit son rôle de blogueuse indépendante et de manifestante, avant et pendant la révolution. Une traduction allemande, Vernetzt Euch!, paraît la même année chez Ullstein Verlag.
Elle y appelle les utilisateurs d'Internet et des réseaux sociaux comme Facebook, dont l'audience s'est accrue en Tunisie, à les utiliser comme un moyen de mobilisation en faveur d'une « démocratie directe et populaire » et contre des formes répressives de gouvernement. L'ouvrage est inspiré par l'essai Indignez-vous ! de Stéphane Hessel.
Son blog A Tunisian Girl reçoit le prix du meilleur blog 2011 dans le cadre du concours international The BOBs organisé par la Deutsche Welle[21].
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Kristian Berg Harpviken (en), directeur de l'Institut de recherche sur la paix d'Oslo, indique avant l'attribution du prix Nobel de la paix 2011 que Lina Ben Mhenni, en tant que représentante du printemps arabe, pouvait figurer parmi les lauréats[28],[29], sur une liste aux côtés des Égyptiens Wael Ghonim et Israa Abdel Fattah[30]. La distinction est finalement décernée le 7 octobre à Ellen Johnson Sirleaf, Leymah Gbowee et Tawakkol Karman[31]. L'annonce de cette possible distinction lui vaut de nombreuses attaques, remettant notamment en cause la légitimité de ses luttes[4].
Le 3 mars 2020, la Poste tunisienne édite un timbre à l'effigie de Ben Mhenni. Selon la Poste, cette édition rend hommage, comme d'autres émissions, « à ceux qui ont milité pour la liberté d'expression, pour la liberté d'accès à l'Internet et pour la défense des droits de l'homme »[32]. L'image utilisée est une photo d'elle disponible sur Wikimedia Commons.
En mai 2020, la délégation de l'Union européenne en Tunisie lance le Prix Lina Ben Mhenni pour la liberté d'expression pour récompenser « les meilleurs articles défendant les principes et valeurs de la démocratie, des libertés et des droits partagés entre la Tunisie et l'UE »[33].
Marie Nimier, dans son livre Confidences tunisiennes, lui consacre un chapitre en donnant la parole à une amie de la militante[34].
- ↑ a b c d et e (de) « Wie eine junge Frau Diktatoren stürzt », Die Welt, 17 juin 2011 (ISSN 0173-8437, lire en ligne, consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ (ar) « اكتشفت تونس الشباب التي لم أكن أعرفها يوم 14 جانفي أمام وزارة الداخلية » [« J'ai découvert la Tunisie des jeunes que je ne connaissais pas, le 14 janvier devant le ministère de l'Intérieur »], Essahafa, 1er juillet 2011 (lire en ligne, consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ a b et c (de) Andreas Noll, « Die Stimme der Jasmin-Revolution », sur dradio.de, 27 juin 2011 (consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ a b c d e et f Mohamed Haddad, « La mort de la blogueuse tunisienne Lina Ben Mhenni », Le Monde, 28 janvier 2020 (ISSN 0395-2037, lire en ligne).
- ↑ (it) Gianpaolo Cadalanu, « Addio Lina Ben Mhenni, simbolo della Rivoluzione tunisina », La Repubblica, 27 janvier 2020 (ISSN 0390-1076, lire en ligne, consulté le 27 janvier 2020).
- ↑ (de) Reiner Wandler, « Nachruf auf tunesische Bloggerin: Die mit den Superkräften », Die Tageszeitung, 28 janvier 2020 (ISSN 0931-9085, lire en ligne, consulté le 3 octobre 2020).
- ↑ (en) [vidéo] « Lina Ben Mhenni - Tunisia's Unfinished Revolution », sur YouTube, 3 juin 2011 (consulté le 4 octobre 2020).
- ↑ Marie Verdier, « Lina Ben Mhenni, la « Tunisian girl », est morte », La Croix, 28 janvier 2020 (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le 4 octobre 2020).
- ↑ (en) « Public square squared – how social fabric is weaving a new era », sur aec.at (consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ (en) « Lina Ben Mhenni », sur educationandgenderequality.com (consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ « Lina Ben Mhenni au HuffPost Tunisie : "Je suis révolutionnaire et utopiste à la fois" », sur huffpostmaghreb.com, 1er décembre 2017 (consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ Sarah Belien, « Tunisie : la jeune blogueuse militante Lina Ben Mhenni est décédée », sur rtl.fr, 27 janvier 2020 (consulté le 3 octobre 2020).
- ↑ « Adieu à Lina Ben Mhenni, blogueuse et militante tunisienne des droits humains », sur fr.globalvoices.org, 28 janvier 2020 (consulté le 29 janvier 2020).
- ↑ (ar) « لينا بن مهني: وفاة "أيقونة الثورة" التونسية عن 36 عاما بعد صراع مرير مع المرض » [« Lina Ben Mhenni : "L'icône de la révolution" tunisienne est décédée à l'âge de 36 ans après une lutte acharnée contre la maladie »], sur bbc.com, 27 janvier 2020 (consulté le 27 janvier 2020).
- ↑ « Lina Ben Mhenni n'est plus », Réalités, 27 janvier 2020 (lire en ligne, consulté le 27 janvier 2020).
- ↑ Mathieu Galtier, « Mort de l'activiste tunisienne Lina Ben Mhenni : « Elle courait partout pour dire la vérité » », Libération, 28 janvier 2020 (ISSN 0335-1793, lire en ligne, consulté le 24 septembre 2022).
- ↑ « Des centaines de Tunisiens accompagnent Lina Ben Mhenni à sa dernière demeure », sur kapitalis.com, 28 janvier 2020 (consulté le 28 janvier 2020).
- ↑ a et b Florence Pitard, « Lina Ben Mhenni, blogueuse de la révolution tunisienne », Ouest-France, 14 juin 2011 (ISSN 0999-2138, lire en ligne, consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ (en) « Lina Ben Mhenni – Contributor profile », sur globalvoices.org (consulté le 29 janvier 2020).
- ↑ a et b (de) Patrick Dax, « Tunesische Bloggerin: "Die Leute waren wütend" », sur futurezone.at, 7 septembre 2011 (consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ a b et c (de) « Das beste Blog ist ein tunesisches Mädchen », Die Zeit, 12 avril 2011 (ISSN 0044-2070, lire en ligne, consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ (de) Reiner Wandler, « Das tunesische Mädchen », Die Tageszeitung, 30 juillet 2011 (ISSN 0931-9085, lire en ligne, consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ (de) Reiner Wandler, « Ein tunesisches Mädchen – Blog-Award für Lina Ben Mhenni », Die Tageszeitung, 13 avril 2011 (ISSN 0931-9085, lire en ligne, consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ (it) « Lina Ben Mhenni », sur giornaliste.org, 9 novembre 2017 (consulté le 4 octobre 2020).
- ↑ (de) « Die Angst vor dem Fundamentalismus », Der Standard, 11 janvier 2012 (lire en ligne).
- ↑ Stern, no 50, 2011, p. 123.
- ↑ Marie Nimier, Tunisian Girl : blogueuse pour un printemps arabe, Montpellier, Indigène éditions, coll. « Ceux qui marchent contre le vent », 2011, 32 p. (ISBN 978-2911939877).
- ↑ (en) « PRIO Director's Nobel Peace Prize Speculations 2011 », sur prio.no (consulté le 14 janvier 2018).
- ↑ « Tunisie : rassemblement d’honneur à la mémoire de Lina Ben Mhenni », sur fr.tunistribune.com, 4 mars 2020 (consulté le 4 octobre 2020).
- ↑ Sarah Halifa-Legrand, « Et si le Nobel de la Paix couronnait le Printemps arabe ? », Le Nouvel Obs, 29 septembre 2011 (ISSN 0029-4713, lire en ligne, consulté le 4 octobre 2020).
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- ↑ « Timbres hommage à l'effigie de Lina Ben Mhenni », La Presse de Tunisie, 5 mars 2020 (ISSN 0330-9991, lire en ligne, consulté le 26 mars 2020).
- ↑ « Lancement du Prix Lina Ben Mhenni pour la liberté d'expression », sur eeas.europa.eu, 22 mai 2020 (consulté le 14 juin 2020).
- ↑ Marie Nimier, Confidences tunisiennes, Paris, Gallimard, 2024, 244 p. (ISBN 978-2073048820).