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Georges MATHÉ

Georges MATHÉ est né le 9 juillet 1922 dans un village de la Nièvre. En 1940, il est reçu aux baccalauréats de philosophie et de mathématique. De 1941 à 1944, il fait partie des Forces Françaises de l'Intérieur.

Il travaille en qualité de technicien de laboratoire pendant l'année 1945 et s'inscrit à la Faculté de Médecine de Paris.

Externe des hôpitaux de 1946 à 1947, Interne des hôpitaux de 1947 à 1951, il est accepté par Jean Hamburger et travaille dans le laboratoire de Bernard Halpern où il rencontre l'immunologiste américain Benacerraf, futur Prix Nobel. Il est reçu Docteur en Médecine de la Faculté de Médecine de Paris en 1950.

Récipiendaire de la médaille d'or de la Société des Hôpitaux, il partage son année d'internat entre le service du Professeur Robert Debré et celui de Marcel Lelong. Le Professeur Jean Bernard, Chef de la consultation de pédiatrie, hospitalisait les enfants leucémiques dans le service du Professeur Robert Debré. Mathé s'intéresse particulièrement aux leucémies de l'enfant dont le diagnostic était à l'époque un verdict fatal. Jean Bernard envoie Georges Mathé aux Etats-Unis. Il voyagera beaucoup, assistant à des congrès, des colloques et discours. Il réalise alors, qu'il possède deux avantages déterminants pour tenter de vaincre la leucémie : ses connaissances en immunologie et en hématologie, son expérience du laboratoire et son activité clinique. L'Agence internationale atomique de Vienne accordait alors des contrats de recherche pour découvrir le traitement des sujets irradiés suite à une explosion atomique. Mathé obtient un contrat et se rend dans le laboratoire de Loutit en Angleterre puis dans celui de Van Bekkum en Hollande pour s'entraîner à la greffe de moelle osseuse. Ils avaient établi que la greffe de cellules souches protégeait les souris exposées à une irradiation corporelle totale et déterminé la dose létale à 100 % pour la souris. Cette dose était inconnue chez l'Homme. Le Professeur Küss demande à Georges Mathé de l'aider dans la compréhension de l'immunologie et de la dosimétrie de l'irradiation appliquée à la greffe de rein qu'il se proposait de pratiquer chez l'Homme. En 1963, Küss publie - première mondiale - six greffes de reins assurant une longue survie.

De 1954 à 1958, Georges Mathé est attaché de recherches à l'Institut National d'Hygiène dirigé par le Professeur Léon Bugnard. En 1958, il est reçu au concours d'agrégation en cancérologie, nommé à Paris.

La même année, il guérit des souris leucémiques par l'irradiation du corps entier suivi de transfusion de moelle allogenique. La mortalité s'élevait à 67 %. Elle était de 100 % dans le groupe irradié.

En 1959, il traite les physiciens atomistes yougoslaves irradiés accidentellement (dose de 400 à 600 rads) par infusion de cellules de moelle osseuse : 4 patients furent sauvés, ce qui eut un retentissement mondial. Les cellules greffées permirent une récupération de la moelle osseuse des sujets traités sans survenue d'une réaction greffon contre l'hôte. A partir de ces données, Mathé définit la fenêtre d'irradiation subléthale permettant de préparer les patients à bénéficier de la greffe de rein que le Professeur Küss réalisa.

La contribution suivante, publiée dans le British Médical Journal en 1963, décrit la présence de chimères hématopoïétiques suite à la greffe de moelle allogénique homologue chez l'Homme. C'est cette découverte qui vaudra l'attribution du prix Medawar 2002 à Georges Mathé et à René Küss au motif : " Première greffe de moelle humaine allogénique pratiquée chez un receveur adulte atteint de leucémie prétraité par irradiation corporelle totale supraléthale, décès sans rechute 20 mois plus tard, vraisemblablement suite à des complications de la maladie du greffon contre l'hôte ". Il s'agissait de la transposition à l'Homme du traitement de la leucémie de la souris réalisée par Mathé en 1958.

Puis Mathé prépara ses patients leucémiques par l'administration de fortes doses de globuline antilymphocyte pendant 1 à 2 semaines, préalablement à l'injection de cellules de moelle provenant de donneurs histocompatibles ou non. Il conclut que le risque de développer une maladie du greffon contre l'hôte dépend directement du niveau de cytosuppression du receveur. Il ouvre ainsi la voie aux stratégies thérapeutiques inductrices de tolérance évitant le recours aux procédés myélotoxiques.

En 1961, Georges Mathé crée l'institut du Cancer et d'Immunogénétique qu'il dirigera d'une main de fer pendant 29 ans, créant à lui tout seul un pôle de cancérologie, réalisant avec 43 ans d'avance, l'un des projets du plan cancer.

En 1966, il est promu professeur de cancérologie expérimentale de l'Université de Paris et donne à cette occasion, l'une des dernières leçons inaugurales de la Faculté de Médecine, coutume brillante, que les évènements de mai 1968 aboliront.

Avec le Ministre de la Santé Raymond Marcellin, Mathé crée l'INSERM issu de l'Institut National d'Hygiène qui sera dirigé par le Professeur Aujaleu.

Au niveau européen, il est l'initiateur de l'OERTC, association de cancérologues dédiée à l'étude clinique de la chimiothérapie, en voie de s'imposer comme l'un des traitements majeur des tumeurs malignes, à côté de la chirurgie et de la radiothérapie. Georges Mathé démontre l'intérêt du carboplatine et de la vinarelbine synthétisée par Pierre Potier à l'institut des substances naturelles du CNRS à Gif-sur-Yvette.

Avec le recul du temps, la vie de Georges Mathé prend sa vraie dimension. Elle l'a conduit à explorer des terres inconnues en contribuant de façon décisive à vaincre la leucémie. Après les années sombres de l'occupation, il a contribué au renouveau de la médecine et de la recherche biomédicale française, qui étaient alors dans un dénuement dont les chercheurs actuels n'ont pas la moindre idée. Georges Mathé est l'un des grands chercheurs qui a illustré la médecine française et qui lui a permis de reprendre la place qui lui revient dans le monde, parmi les premières.