Alain FLEIG, Étant donné l'âge de la lumière I. Photographie et sur...
- ️Grivel, Charles
- ️Mon May 01 2000
1On le dit, on le répète: une histoire de la photographie reste à écrire, qui ne serait pas globalisante, qui ne se bornerait pas à proposer l'inventaire (attendu) des oeuvres (éminentes) des photographes (reconnus) ou à passer les thèmes (obligés) en revue - une histoire, au contraire, qui prendrait sérieusement en compte avancées techniques et modes de diffusion, positionnements critiques et discours autonomes des images elles-mêmes. On aurait donc été tenté d'applaudir les yeux fermés à l'entreprise d'Alain Fleig dont le petit livre sur les rapports - difficiles et malmenés - entre surréalisme et photographie se présente avec beaucoup d'aplomb comme une sorte de première. Las! Nous ne reconnaissons pas dans l'ouvrage ce que nous avons désiré.
2Sur le surréalisme, les banalités courent; sur les rapports qu'il noue avec la photographie, c'est bien pis! Breton, qui a tant divagué sur la peinture, est ici coupable (mais avec un quarteron de ses amis et toute une tradition critique qui a repris sans examen ses affirmations malheureuses) d'avoir asséné, dans et à propos de Nadja, quelques contrevérités bien senties sur l'image photographique (comme la puissance "descriptive" du cliché). Au reste, il faut l'avouer, la critique littéraire, qui n'a pas peu contribué à la gloire du vieux Lion (Bataille dixit), est très ignorante de la chose photographique - et l'on ne peut pas dire qu'inversement les spécialistes en photographie fassent montre, à propos de littérature, de plus de connaissances. C'est une première déception: l'ouvrage d'Alain Fleig reprend à son compte trop d'idées reçues littéraires, sa bibliographie du domaine est dépassée et les pages qu'il consacre par exemple aux textes de Breton illustrés par la photographie, qui auraient mérité mieux, butent sur les apories d'un questionnement bien connu.
3Photographie et surréalisme est un historique, plus qu'une histoire de la photographie entre les deux guerres. On trouvera là un panorama plein (et même bourré) de tous les noms et les sujets qu'il faut. Toute la gamme de la production photographique étant donnée sa supposée "surréalisation" est passée en revue, toutes les questions qui touchent au rapport à l'imaginaire et que le surréalisme a voulu privilégier, aussi: Boiffard avec Breton et la question de la mise en scène; Man Ray et Lucien Lorelle, pour une érotique voilée; Tabard, Parry, Cahun et la déréalisation des matières de l'expérience; Brassaï, Cartier-Bresson, d'autres, à propos d'un Paris transmué. Le défilé est rapide, la foule qui encombre les chapitres est grande, le propos souvent cavalier ou péremptoire, le trompe-l'oeil évident. Deux chapitres clôturent l'ouvrage, sur un objet essentiel: les modes de diffusion de la photographie et les rapports qu'elle entretient avec le cinéma. Là non plus, la fouille n'a guère été approfondie, la réflexion ne s'ancre pas réellement dans le travail historique. Le chantier ouvert par Rosalind Krauss, Dominique Baqué et quelques autres est donc loin d'être refermé. Si l'on ajoute que l'ouvrage est dépourvu de sa part iconographique (pour des raisons dont le lecteur ne peut apprécier la nature et en vertu d'une urgence dont on ne lui dit pas les causes), on comprendra qu'il est loin de répondre à l'attente qu'il a voulu susciter.