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La Convention - La Convention Thermidorienne- Juillet 1794 - Novembre 1795

  • ️Jean Yves CELLE

La réaction thermidorienne
juillet 1794 - novembre 1795
Thermidor an II - Brumaire an IV

La réaction politique et économique

La réaction politique et la chute des Jacobins

La victoire du Centre
Le matin du 28 juillet (10 thermidor), les députés de la Convention sont accueillis par des acclamations à leur sortie des Tuileries et les moins acclamés ne sont pas Tallien, Barras ou Fréron. Ces bourreaux d'hier sont aujourd'hui les coqueluches de la foule parisienne. Derrière eux, le "Ventre" de la Convention allait enfin prendre le pouvoir. Tout ce centre qui était resté tapi et silencieux depuis bientôt deux ans, tous ceux qui avaient suivi la Montagne contre la Gironde il y a 12 mois puis qui s'étaient prononcés contre Robespierre quelques jours auparavant reprenaient courage. Un parti nouveau se constituait écartant d'une part les Montagnards les plus impliqués dans la Terreur et d'autre part la droite de la Convention. Lindet et Cambacérès dans des discours différents justifieront cependant la Terreur passée mais la réprouveront pour l'avenir, tous deux parleront d'unions et annonceront la fin de la Révolution. La Convention ne reniait pas l'œuvre accomplie, Marat allait être transféré au Panthéon le 21 septembre 1794.

Le remaniement gouvernemental
Le 29 juillet (11 thermidor), sur proposition de Tallien, la Convention décrétait que les différents comités révolutionnaires seraient renouvelés par quart chaque mois. Prieur de la Côte d'Or et Jeanbon Saint André furent les premiers écartés remplacés par Tallien et Thuriot. Attaqués par le pamphlet "La Queue de Robespierre" Billaud-Varenne, Collot d'Herbois et Barère démissionnèrent peu après du Comité de salut public qui voyait ses attributions réduites à la diplomatie et à la guerre, David était exclu du Comité de sûreté générale. La Terreur abandonnée, le Tribunal révolutionnaire n'était plus occupé qu'à juger les terroristes et ceux-là même qui y siégeaient hier encore. Fouquier-Tinville lui-même est emprisonné, les comités révolutionnaires disparaissent trop occupés à sauver leur propre tête. Début août plus de cinq cents suspects sont libérés, des milliers de personnes sujettes à caution sortent de leur cachette.

Les derniers Jacobins et les muscadins
Certains Montagnards moins souples refusent ce retournement de situation et tentent de résister à ce reflux. Paradoxalement ce sera Tallien qui mènera campagne contre ces Jacobins, pressé qu'il était de présenter à la foule des boucs émissaires dont il ne serait pas. En effet après une période de calme et de joie retrouvée, un mouvement de réaction populaire allait aiguillonner la Convention. Depuis fructidor une campagne de presse était lancée contre les Jacobins et les sans-culottes par "l'Orateur du peuple" de Fréron ou "l'Ami du citoyen" de Tallien. Au théâtre, des pièces antijacobines étaient jouées et applaudies. Dans les rues, dans les théâtres et même dans les tribunes de la Convention on chantait "le Réveil du Peuple" de Souriguière et Gaveaux.


Peuple français, peuple de frères,
Peux-tu voir sans frémir d'horreur
Le crime arborer les bannières
Du carnage et de la Terreur ?
...
Le jour tardif de la vengeance
Fait enfin pâlir vos bourreaux !


Rapidement on passe des paroles aux actes. Les "muscadins", représentants de cette jeunesse dorée, bas blanc, collet noir, large cravate, botte basse et oreille de chien, armés de leur "pouvoir exécutif" (un gourdin) arpentent les rues de la capitale. Malheur aux sans-culottes ou aux bonnets-rouges qui viendraient à croiser leurs chemins. Ils molestent les colporteurs des derniers journaux jacobins, fouettent les anciennes tricoteuses et brisent les bustes de Marat dans les lieux publics. Un journal jacobin "Le Journal des Hommes Libres" écrit dès fructidor "Entendez les plaintes des patriotes opprimés par l'aristocratie qu'on lâche si imprudemment !". L'aristocratie n'a cependant pas grand chose à voir avec ces muscadins, ce ne sont que des bourgeois entraînés par Fréron et Tallien. Corrompu, Fréron s'est jeté dans la réaction et manie le gourdin muscadin après avoir manié "la massue cordelière" à Marseille et à Toulon. Tallien, accompagné de sa femme la célèbre Therezia Cabarrus "Notre-Dame de Thermidor", gravite plus haut en politicien rusé. Sous ces diverses pressions, la Convention évolue. Le 21 août on évoque la nécessaire réintégration des Girondins qui sera faite le 8 décembre 1794 (18 frimaire an III).
Petit à petit la droite de la Convention se renforce et la réaction ne cesse de s'amplifier. Le 16 octobre un décret de la Convention détache le club des Jacobins de ses filiales et interdit aux sociétés populaires de se confédérer. Le 9 novembre le club des Jacobins est attaqué par les muscadins, puis le 12 novembre (22 brumaire an III) le club est fermé sur ordre de la Convention. Le 2 décembre (12 frimaire an III) une habile amnistie était offerte à la Vendée. Pour donner le change, les Thermidoriens faisaient également célébrer l'anniversaire du 21 janvier commémorant "la juste punition du dernier roi des Français". Les faubourgs ne s'y trompaient pas estimant selon les dires de la police :"qu'on ferait mieux de lui procurer de la farine que de décider des fêtes". Le 8 février 1795 (20 pluviose an III), les cendres de Marat sont expulsées du Panthéon.

Destruction des bustes de Marat

Février 1795

Les cendres de Marat furent retirées du Panthéon sur ordre de la Convention.

Les muscadins organisaient des chasses aux bustes de Marat qui étaient jetés à l'égout.

Les réactions morales, religieuses et économiques

La réaction morale
Le culte de la Vertu prôné par Robespierre et la "sainte guillotine" étaient devenus trop pesants. A partir de Thermidor on souhaitera vivre et profiter de la vie. Des fêtes de plus ou moins bon goût sont improvisées dans les lieux de mort aux Carmes ou au cimetière de Saint-Sulpice. Des "bals des victimes" sont organisés où ne sont admis que ceux ayant eu au moins un parent guillotiné. Partout ce ne sont que banquets et ripailles "la goinfrerie est la base de la société actuelle" écrit un contemporain. Les extravagances vestimentaires suivent, Mme Tallien tout juste sortie de prison parait au bal de l'opéra les orteils cerclés d'or, un autre soir elle se montre la gorge enserrée dans une rivière de diamants. Les citoyennes Hamelin, Récamier et toutes les jolies femmes, cèdent à la mode de l'antique: robe à la Diane, tunique couleur chair largement ouverte sur le flanc et au décolleté généreux. On ne se vêt plus que de tulle, de gaze ou de linon transparent et de paillettes. Le relâchement des mœurs se traduit par une augmentation des divorces, on divorce pour se remarier et divorcer au plus vite. Avant tout il s'agit de gagner et d'amasser toujours plus d'argent. On spécule, on agiote, les fortunes s'édifient avec rapidité et se dilapident encore plus vite au grand jour. Les ventres-creux côtoient les ventres pourris. Des milliers de citoyens meurent de faim, ruinés par l'inflation galopante et la chute des assignats tandis que d'autres regorgent de victuailles.

Les incroyables et les merveilleuses au
Palais-Royal

La réaction religieuse
Le 18 septembre 1794 (2eme jour complémentaire an II) un décret de la Convention supprime le paiement des prêtres et les frais d'entretien des bâtiments religieux. La Constitution civile du clergé se trouve donc supprimée de fait et il y a maintenant séparation de l'Eglise et de l'Etat. Le 21 février 1795 (3 ventôse an III) Boissy d'Anglas présente une série de mesures tendant à restaurer la liberté des cultes. La liberté était cependant toute relative puisque les processions, sonneries de cloches, et habits ecclésiastiques restaient interdits. Les prêtres constitutionnels et réfractaires se trouvaient maintenant logés à la même enseigne et pouvaient utiliser les différents édifices de cultes.

La réaction économique
Début septembre la Convention avait prorogé la loi sur le maximum mais les mesures de répression et de réquisition qui l'accompagnaient s'étaient relâchées. Les paysans n'envoyaient plus de blé et le marché noir s'était étendu. Le 24 décembre 1794 (4 nivôse an III) la loi du maximum était abolie malgré le mécontentement des faubourgs. Cette suppression entraîna l'effondrement de l'assignat et une inflation maximum. En nivôse an III le louis d'or valait 130 livres en assignats, il en vaudra 227 en germinal, 750 en prairial et 1200 en fructidor de la même année. Les paysans cessèrent de ravitailler les villes pour ne plus être payés en papier monnaie et les marchands n'acceptaient ceux-ci qu'à leur cours du jour.

La France de l'an III

Situation générale

"La nation paraît épuisée comme une frénétique revenue à la raison l'est par les saignées, les bains et la diète." (Mallet du Pan)
"A la fièvre chaude succéda une entière prostration de forces." (La Revellière-Lépeaux)
Ces deux témoignages, l'un royaliste et l'autre républicain témoignent de la lassitude de la France en cette troisième année de la République.
"La France est malade: la fièvre de 1789, l'effort surhumain de 1792, la saignée de 1793 et 1794, la constante famine l'ont jetée dans une sorte d'anémie, compliquée de névropathie ... Pour se guérir, elle aspire au repos qu'elle ne trouverait ni dans une nouvelle révolution ni dans une contre-révolution. N'ayant plus de passion elle a des intérêts, elle est attachée à des conquêtes faites au prix de tant de maux: malade oui, anémique oui, mais couchée sur un trésor qu'elle ne veut pas livrer." (L Madelin) Ces intérêts et ce trésor vont expliquer et justifier les orientations que va prendre la Révolution à partir de 1795. L'artisan souhaite voir renaître le travail, le peuple espère voir baisser le prix du pain, l'enrichi veut garder son gain, le paysan veut conserver sa terre, l'homme politique souhaite se maintenir et le soldat défendre sa conquête.

La misère est grande, l'or parti a été remplacé par un amas de papiers qui se dévalue de jour en jour. L'hiver 1794-1795 est particulièrement froid et long aggravant un état de famine endémique depuis 1789. La récolte de 1794 a été insuffisante et à Paris, à Lyon et dans toutes les grandes villes des queues énormes se forment devant les boulangeries. La ration de pain passe de 1 livre et demi en février à un quart de livre en mai 1795. Les prix ne cessent d'augmenter, l'indice des prix parisiens passe de 580 au début de 1795 à 900 quatre mois plus tard (sur une base 100 en 1790).

Les ventres-creux dans les rues de Paris.

Les ouvriers et le peuple des villes
Dans les villes, les principales victimes en sont les ouvriers et les artisans :les ventres creux comme ils se nomment eux-mêmes. Ceux là espèrent un régime démocratique qui leur accorde le droit de participer à la loi et un régime stable pour que les ateliers rouvrent.
Les nouveaux riches
De l'autre côté il y a les nouveaux riches, les ventres pourris, les spéculateurs, les liquidateurs de l'Ancien Régime. Si après cinq ans de liquidation des biens nationaux, le gouvernement est désargenté et le peuple meurt de faim, il faut bien qu'en cours de route l'argent ait été détourné. Cet argent initialement prévu pour le gouvernement et le peuple est allé enrichir une bande de spéculateurs qui étale maintenant cette richesse au grand jour sans honte et sans complexe. Thérézia Tallien paiera 12 000 livres pour une robe à la grecque en janvier 1795. Ces ventres pourris entendent et redoutent les revendications du peuple mourant de faim mais ne peuvent cependant pas désirer une contre-révolution car peut-être faudrait-il rendre gorge.
Les paysans
Les paysans sont eux, en majorité, contents. Ils ont par la vente des biens nationaux acquis des terres et des propriétés et se sont affranchis de la tutelle seigneuriale et des droits qu'ils devaient leur acquitter. Le monde paysan est donc attaché à cette Révolution mais en conservateur car il souhaite par ailleurs que la République lui rende ses "bons curés" mais sans les dîmes.
Les autres
Les prêtres constitutionnels durement persécutés en 1794, sont revenus du régime révolutionnaire mais ont tout à craindre d'une contre-révolution. Les soldats de la Révolution sont dans le même état d'esprit. Parvenus en deux ans à des grades que leur fermait l'Ancien Régime, ils veulent conserver les acquis de cette Révolution tout en méprisant par ailleurs les politiciens gouvernants.

Mallet écrira en décembre 1794 "La masse du peuple devenue indifférente à la République comme à la Royauté ne tient qu'aux avantages locaux et civils de la Révolution" et il ajoute visionnaire "il recevra la loi de tel maître qui saura l'enchaîner par les motifs de ses craintes et de ses espérances".

La Royauté et les régicides
Pour ne pas effrayer toute cette population, indifférente à la République mais attachée à la Révolution, il aurait fallu que l'idée de royauté s'éloigne de celle du despotisme absolu et des idées de représailles ce que justement les représentants de la Royauté, Louis XVIII en tête, refusaient. Par cette intransigeance ils faisaient le jeu des "régicides". On nomme régicides les 387 conventionnels qui avaient voté la mort de Louis XVI en janvier 1793. Une petite centaine d'entre eux avait suivi Louis XVI sur l'échafaud, il en restait environ
300, masse solidaire qui allait traverser les régimes successifs à la charnière entre deux siècles.
En 1795 ils sont confrontés à deux périls. A gauche les Jacobins non nantis, qu'ils nomment "anarchistes" parce qu'ils veulent les déloger de leurs statuts et qu'ils écraseront sans pitié. A leur droite Louis XVIII qui leur indique clairement l'échafaud en cas de restauration.
Ils n'auront donc d'autre solution de s'accrocher au pouvoir qu'ils tiennent par tous les moyens.

Les derniers mouvements populaires

Germinal an III
Le 2 mars 1795 (12 ventôse an III) Barère, Collot d'Herbois, Billaud-Varenne et Vadier étaient mis en accusation par la Convention. Dans Paris les gens disaient que si ces quatre là montaient à l'échafaud cela conduirait 80 000 personnes à la guillotine. Carrier y était d'ailleurs monté le 26 frimaire (16 décembre 1794). L'inquiétude grandissait à la fois dans les faubourgs mais aussi sur les bancs de l'Assemblée. Dès mars des revendications furent adressées à la Convention "Du pain et la Constitution de 1793".
Puis ce fut le 1 avril 1795 (12 germinal an III), des sans-culottes envahissent la salle de la Convention demandant du pain. Celle-ci est un instant submergée mais les gendarmes et un groupe de muscadins évacuent manu-militari les pétitionnaires. La Convention sauvée, elle sévit aussitôt. Paris est mis en état de siège, et la Convention décide la déportation sans jugement de Barère, Collot d'Herbois, Billaud-Varenne. Huit députés Montagnards, des "Crétois" sont également arrêtés pour avoir pactisé avec les émeutiers. Le général Pichegru qui passait par Paris est investi du commandement de la force armée de Paris et réprime le 13 germinal l'agitation dans les faubourgs. Le 10 avril 1795 (21 germinal an III) un décret de la Convention ordonnait le désarmement des sectionnaires connus comme terroristes.

Départ des ex-députés Billaud, Collot et Barère pour la déportation

2 avril 1795
(13 germinal an III)

Prairial an III
La répression n'apportait aucune solution aux problèmes de subsistance. Les derniers Montagnards comptaient sur le peuple, poussé à bout, pour rétablir la Constitution de 1793 et renverser ces Thermidoriens réactionnaires. Une nouvelle insurrection eut lieu le 20 mai 1795 (1 prairial an III). Dès l'aube le tocsin se mit à sonner appelant les faubourgs à la révolte. A midi la Convention est de nouveau envahie aux cris de "Du pain et la Constitution !" alors que Boissy d'Anglas surnommé" Boissy Famine" préside l'Assemblée. Un député Féraud tentant de s'interposer est tué puis décapité et sa tête est aussitôt présentée au bout d'une pique au président qui, dans un geste resté célèbre, la salue gravement. A 9 heures du soir il ne restait plus que les députés Montagnards qui siégeaient à la crête de la Montagne: Les Crétois. Ils se décident enfin à agir, élisent Soubrany à la présidence et votent une série de mesures concernant les subsistances et la dissolution des comités. Vers minuit, les forces fidèles à la Convention reprirent possession de la salle, la séance recommença et les décrets votés par les Crétois furent cassés. Les six responsables de ces décrets, Bourbotte, Romme, Soubrany, Duroy, Goujon et Duquesnoy, étaient mis en accusation ainsi que d'autres Montagnards comme Prieur de la Marne. Le lendemain les émeutes continuaient dans Paris puis le 3 prairial la Convention passait à l'offensive et faisait occuper les faubourgs terrorisés par des troupes armées. Le 5 prairial le désarmement des faubourgs commençait ainsi que l'arrestation des terroristes parisiens. Tallien, Fréron et Barras allaient faire arrêter 5 000 Jacobins, 62 députés Montagnards étaient décrétés d'accusation et six condamnés à mort. Le 17 juin 1795 (29 prairial an III) Duquesnoy, Goujon et Romme se suicidaient, les trois autres qui ne le purent étaient guillotinés. En ce mois de prairial de l'an III l'on avait ordonné la destruction du bâtiment des Jacobins (4 juin) et le mot "révolutionnaire" avait été proscrit (12 juin).

Emeutes de prairial

20 mai 1795
(1er prairial an III)

Le député Féraud qui tentait de s'opposé aux manifestants est assassiné. Sa tête mise au bout d'une pique est présentée au président de l'Assemblée Boissy d'Anglas qui la salue.

Ces insurrections restèrent localisées à Paris. Cependant la misère augmentait, la popularité de la Convention était au plus bas mais plus personne ne bougeait, la réorganisation de la Garde nationale la mettant maintenant aux mains de la bourgeoisie. Les sans-culottes avaient perdu.

Le mouvement royaliste

La Terreur Blanche
Dans le midi surtout il y eut quelques émeutes sanglantes avec notamment la Compagnie de Jehu qui opèrait dans la région de Lyon. Elle chassera en 1795 tous les Jacobins compromis par la Terreur puis son action s'étendra aux Républicains, puis aux acheteurs de biens nationaux. On l'estime responsable de plusieurs milliers de morts à Lyon, à Tarascon et dans tout le midi de la France. Son action cessera avec l'envoi dans les provinces de représentants en mission de la Convention. L'implication du mouvement royaliste ou tout au moins des émigrés royalistes dans ces actes de terreur n'est pas prouvée.

La Vendée
En Vendée les Thermidoriens sont prêts à faire des concessions. Hoche, qui a en charge la pacification de la Vendée depuis le 14 septembre 1794, multiplie les gestes de bonne volonté et relâche ses prisonniers. Le 17 février 1795 est signée à la Jaunaye avec Charrette une amnistie garantissant aux Vendéens la restitution de leurs biens confisqués, la liberté de culte et la dispense du service militaire. Le 20 avril 1795 des conditions similaires sont accordées aux chouans. La Vendée semble vaincue pour l'instant du moins mais en Bretagne et en Normandie une guérilla se met en place.

La tentative de débarquement à Quiberon
Le 8 juin 1795 (20 prairial an III), Louis XVII meurt au Temple, son oncle, le Comte de Provence, devient Louis XVIII ne cachant rien de ses animosités et de son intransigeance vis à vis des révolutionnaires.
Le 23 juin une armée de 14 000 chouans se rassemblait dans la région de Quiberon alors que le 25 juin Charette reprenait les hostilités en Vendée et que le 26 juin une armée de 4 000 émigrés débarquait dans la baie de Carnac aidée par la flotte anglaise. Mal coordonnées, abandonnées sans soutien par la croisière anglaise, les forces royalistes sont bloquées puis capturées dans la presqu'île par Hoche le 21 juillet 1795.
6 000 prisonniers sont faits et la Convention devra statuer sur leur sort. Tallien est envoyé sur les lieux et organise une commission militaire qui fusillera près de 800 émigrés. "Il croyait laver le sang faubourien de prairial avec le sang aristocrate de Quiberon" (L Madelin).

Les opérations militaires

En 1794 le parti montagnard a exploité la guerre pour imposer le gouvernement de Salut Public, les Conventionnels en ont gardé l'habitude et maintenant on en est plus ou moins arrivé à un moment où il faut faire se battre les soldats pour occuper les généraux. Ces généraux sont admirables et les hommes leur donnent une confiance absolue. Si le Comité de Robespierre les tenait fermement sous son joug il n'en était plus de même avec les Thermidoriens. Déjà ces chefs méprisent les politiciens, les caractères évoluent et le caractère de l'armée lui-même évolue. On commence à parler des soldats de Hoche, des soldats de Bonaparte. La perpétuation de la guerre est donc un des articles fondamentaux des Thermidoriens.

Le 30 août 1794 après la reprise de Condé-sur-Escaut la totalité du territoire national est libéré de toute occupation étrangère. Le 17 septembre, Kléber débute le siège de Maëstricht et le 23 septembre Jourdan prend Aix-la-Chapelle. Le 14 décembre Kléber assiège Mayence.
Le 10 octobre 1794 la Convention décide de faire envahir la Hollande. L'offensive d'hiver est rapide et le 23 janvier 1795, fait sans précédent dans l'histoire militaire, la cavalerie de Pichegru capture la flotte hollandaise bloquée par la glace entre le Helder et l'ile de Texel. Le 3 février 1795 la République batave est proclamée, c'est le début des républiques sœurs. Le 16 mai 1795 un traité de paix draconien est imposé à la République batave portant la frontière française sur la Meuse et le Rhin par annexion de la Flandre hollandaise, de Maëstricht et de Venlo.

A l'issue des négociations commencées en janvier 1795, la Prusse signe, à Bâle, le 5 avril 1795 un traité de paix avec la République reconnaissant l'annexion par la France de la rive gauche du Rhin. Frédéric-Guillaume II n'attendait d'ailleurs que cela pour participer au troisième partage de la Pologne qui allait avoir lieu en octobre 1795. Le 31 août 1795 la Belgique est découpée en neuf départements puis sera annexée le 1er octobre.

Du coté des colonies, le 11 décembre 1794 la France reprenait la Guadeloupe aux Anglais malgré le traité signé entre l'Angleterre et les Etats-Unis contre les corsaires français et recevait Saint-Domingue des mains des Espagnols le 22 juillet 1795.

La Constitution de l'an III

L'anarchie' étant écrasée dans les faubourgs et le royalisme à Quiberon, les Thermidoriens allaient s'en remettre à la Constitution de l'an III républicaine, certes, mais antidémocratique.

La discussion

Dés la fin des émeutes de germinal, le 3 avril 1795 (14 germinal an III), une commission de onze membres avait été nommée par la Convention pour rédiger une nouvelle constitution. Cette commission était composée principalement d'anciens Girondins comme Daunou, Lanjuinais ou La Revellière-Lépeaux et des modérés Boissy d'Anglas et Thibaudeau. La constitution fut discutée du 4 juillet au 17 août puis votée le 22 août 1795 (5 fructidor an III). La Convention décidait qu'elle serait soumise à un plébiscite.
La constitution très longue (377 articles contre 124 pour celle de 1793) rejeta l'élection de l'exécutif par le peuple peut être de crainte de voir un Bourbon revenir. Le législatif serait formé de deux chambres; l'échec de la Législative et la dictature de la Convention n'étaient pas étranger à ce choix du bicamérisme. Elle revient à un régime électoral restreint et censitaire à deux degrés. La propriété est de nouveau considérée comme étant le signe et le critère de la capacité politique.

Les électeurs
Les citoyens (nés et résidants en France âgés de plus de 21 ans qui paient une contribution directe, foncière ou personnelle) réunis en assemblée primaire par canton élisent les électeurs du deuxième degré à raison de un pour deux cents citoyens. Ces grands électeurs doivent avoir 25 ans et disposer d'un revenu personnel important. Ils éliront les membres du corps législatif ainsi que les différents juges.

Le corps législatif
Il est composé de deux chambres et renouvelable par tiers tous les ans. Le conseil des Cinq-Cents (l'Imagination), composé de 500 membres, avait l'initiative des lois. Les députés de ce conseil devaient avoir 30 ans au moins. Le conseil des Anciens (la Raison), composé de 250 membres, approuvait ou rejetait les propositions des Cinq-Cents, l'âge minimum requis était de 40 ans et il fallait être marié ou veuf. Le corps législatif élisait l'exécutif mais ne pouvait pas le révoquer.

L'exécutif
Il est composé de cinq membres, ce Directoire sera renouvelé par cinquième tous les ans. Les Cinq-Cents fournissaient à l'issue d'un scrutin secret une liste décuple du nombre de postes à pourvoir. Les Anciens choisissaient sur cette liste le ou les Directeurs. Les Directeurs sortants ne pouvaient être réélus avant cinq ans. Pour être valable, une décision de l'exécutif devait être prise par trois membres. Les attributions de l'exécutif étaient définies dans la constitution: la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, la disposition de la force armée, la nomination des généraux et des ministres. Le Directoire n'avait pas le droit de dissolution sur les chambres ni de droit de veto sur les lois. La trésorerie échappait au Directoire et était confiée à cinq commissaires élus de la même manière que les Directeurs.

La justice
Le judiciaire est soigneusement séparé du législatif et de l'exécutif. Les mandats sont courts, 2 ans pour les juges de paix, 5 ans pour les juges départementaux et ceux du tribunal de cassation.

Considérant leur "chef d'œuvre" les conventionnels mirent en place une ultime disposition pour en rendre impossible les modifications. La procédure de révision s'étalait sur neuf ans. Les germes de conflit sont inscrits dans cette constitution, les chambres ne pouvant renverser le Directoire, et le Directoire ne pouvant en appeler à la Nation pour dissoudre les Chambres tout conflit ne pouvait déboucher que sur une épreuve de force. Quatre coups d'Etat allaient sortir de celle-ci.

Le décret des deux tiers

La Convention n'ignorait pas qu'aux prochaines élections elle serait balayée de l'échiquier politique. C'est pourquoi les conventionnels allaient décider de se perpétuer dans le nouveau corps législatif. Pour ce faire, ils allaient adopter, en même temps que la nouvelle constitution, le décret des deux tiers. Par ce coup de force parlementaire le futur corps législatif composé de 750 membres devrait, pour être valide, contenir deux tiers de conventionnel soit 500 députés. Baudin des Ardennes tenta d'expliquer ce subterfuge : "la retraite de l'Assemblée Constituante vous apprend assez qu'une législature entièrement nouvelle pour mettre en mouvement une constitution qui n'a pas été essayée est un moyen infaillible de la renverser". Un seul député, nommé Saladin, protesta. Pour faire bonne mesure le décret des deux tiers serait soumis comme la Constitution au plébiscite de la nation votant encore au suffrage universel.

Le 6 septembre 1795 (20 fructidor an III) débute le référendum constitutionnel. La consultation se déroula entachée de nombreuses irrégularités et fraudes. Les résultats officiels faisaient état de 1 057 390 voix pour et 49 978 voix contre pour la constitution de l'an III et de 205 498 voix pour et 108 754 voix contre pour le décret des deux tiers. Ces chiffres sont à rapprocher des cinq millions d'électeurs possibles et l'on obtient des taux d'abstention de 78% pour la constitution et de 94% pour le décret des deux tiers.

Le 23 septembre 1795 (1er vendémiaire an IV) la nouvelle constitution était proclamée. Les élections du corps législatif allaient se dérouler du 12 octobre au 21 octobre 1795 (20 au 29 vendémiaire an IV) mais auparavant les royalistes allaient tenter une ultime épreuve de force.

Le 13 vendémiaire

Suite aux résultats proclamés par la Convention les sections parisiennes, en parti noyautées par les royalistes, protestèrent énergiquement : on avait altéré les chiffres. Le 3 vendémiaire an IV l'agitation était telle que la Convention menaça de quitter Paris. Dans les jours qui suivirent la section Lepelletier se faisait le centre d'un attroupement beaucoup plus dangereux pour la Convention. Les membres des différents comités nommèrent une commission exécutive de cinq membres pour pouvoir diriger la résistance face à ce mouvement. Cette commission était composée de Letourneur, Barras, Daunou, Merlin de Douai et Colombel. L'épreuve de force eut lieu le 12 vendémiaire (4 octobre). Au matin, la section Lepelletier fit publier que la Convention venait de former un "Bataillon sacré" selon le mot de Barras composé en fait "d'anciens terroristes buveurs de sang" : les patriotes de 89. Et pour empêcher les massacres il fallait prendre les armes et courir aux sections. Le général Menou dirigeait les forces conventionnelles chargées de réprimer les émeutiers. Faisant preuve d'hésitation, ses colonnes se retirèrent face aux sectionnaires.

Barras destitua Menou et le remplaça par le général Bonaparte qui s'adjoignit Murat et Brune pour mener à bien les opérations. Pendant ce temps la situation s'était aggravée. Un comité d'insurrection composé de royalistes s'était constitué. Une petite armée de sectionnaires s'était organisée sous le commandement du général Danican et occupait maintenant le Pont-Neuf. Elle souhaitait encercler les Tuileries pour faire capituler sans combat la Convention.
Murat fut chargé par Bonaparte de récupérer les pièces d'artillerie qui se trouvaient au camp des Sablons. Le 5 octobre 1795 (13 vendémiaire an IV) à 6 heures du matin ces canons étaient aux Tuileries les transformant en une véritable forteresse. Danican fit avancer sa petite armée depuis le Pont-Neuf en colonnes compactes. Rapidement les rues Saint-Honoré et Saint-Florentin ainsi que tous les lieux adjacents autour de l'église Saint-Roch étaient remplis de sectionnaires. Danican envoya des parlementaires à la Convention qui ne furent pas écoutés. Soudain à 16h30 une canonnade éclata, c'était les pièces d'artillerie placées par Bonaparte qui "balayaient" Saint Roch. Une seconde colonne de sectionnaires arrivant par le quai Voltaire fut à son tour repoussée à coup de canons. A 10 heures du soir tout était fini. Le bilan de la journée s'établissait à 200 tués ou blessés de part et d'autre, la plus grande partie aux portes de Saint-Roch. Le 14 vendémiaire Paris était occupé militairement et l'émeute étouffée. Barras et la Convention triomphèrent modérément, les portes de Paris restèrent ouvertes, quelques meneurs furent arrêtés, deux seulement exécutés. Il ne fallait pas que la répression antisectionnaires fut le point de départ d'une réaction terroriste. Les patriotes de 89 étaient autant à craindre sinon plus que les sectionnaires de Lepelletier.

Le général Bonaparte, sauveur de la Convention, était nommé commandant en second de l'armée de l'intérieur.

Derniers jours et bilan de la Convention

Les élections commencèrent le 20 vendémiaire et se terminèrent le 29 vendémiaire. L'abstention fut élevée. Ces élections furent un vrai désastre pour les Jacobins. Sortaient des urnes d'ex-constituants modérés, d'anciens Feuillants ou des hommes neufs tous hostiles au régime. Malgré le décret des deux tiers et les différentes pressions qu'avaient exercées la Convention sur les électeurs, seulement 376 Conventionnels sur les 500 qu'imposait le décret étaient réélus obligeant la Convention à nommer elle-même les 124 députés manquants. Les Conventionnels réélus étaient des gens de la droite comme Lanjuinais ou Boissy d'Anglas élus dans de nombreux départements.

La Convention allait se terminer honnie de tous. Le 24 octobre 1795 avant-veille de la dissolution, la misère était telle que le député Roux proposa le rétablissement du maximum. Le 26 octobre 1795 (4 brumaire an IV) réunie pour la dernière fois aux Tuileries elle prononçait une amnistie générale dont elle excluait les complices de vendémiaire, les prêtres réfractaires et les immigrés. Elle décidait également que la place de la Révolution deviendrait la place de la Concorde. Sur ce dernier décret l'ordre du jour étant clos Genissieu se leva pour mettre fin à la session:
"Je déclare que la séance est levée. Union, amitié, concorde entre tous les Français; c'est le moyen de sauver la République !"
Thibaudeau, étonné cria:
"Déclare donc que la Convention a rempli sa mission".
Génissieu se releva:
"La Convention Nationale déclare que sa mission est remplie et sa session terminée".
Des cris de "Vive la République !" s'élevèrent de tous cotés.

Laissons le bilan de la Convention à l'historien Louis Madelin.
"... Au milieu de périls inouïs, elle avait vécu un siècle en trois ans, proclamé la République dans la France de Louis XVI et organisé, au nom de la Liberté, la plus redoutable tyrannie que le pays eût connue, jeté un roi à l'échafaud et forgé des armées qui avaient fait reculer l'Europe, couvert par ses décrets cette Terreur qui, dans ses rangs mêmes, avait creusé de sanglants sillons, étouffé la guerre civile, et, à travers des vicissitudes tragiques, porté la France vers les frontières naturelles, voté deux constitutions, chassé Dieu du Temple, ressuscité ensuite, sous un nouveau vocable, ce Dieu sans-culottisé, séparé l'Eglise de l'Etat, posé tous les problèmes et jusqu'à sa mort écrasé les factions. Il serait injuste de ne pas rappeler qu'elle avait par la loi du 3 brumaire achevé de mettre à l'ordre du jour le grand problème de l'instruction publique, se rappelant le mot du plus marquant de ses membres et de la plus illustre de ses victimes, qu' "après le pain le premier besoin du peuple est l'instruction": elle en avait été si persuadée qu'exposée aux mille dangers qui sollicitaient son attention elle avait le 7 ventôse an III, fondé les futurs lycées, les Ecoles Centrales, fondé l'Ecole Polytechnique le 7 vendémiaire an III, fondé l'Ecole Normale le 30 octobre 1793, réorganisé le Muséum d'Histoire Naturelles et le Collège de France, organisé le Conservatoire des Arts et Métiers, et enfin procédé à la création de l'Institut de France. Elle avait ainsi détruit et bâti, terrorisé et pacifié, atteint pour les uns l'extrémité du crime et pour les autres celle de la vertu ....".


La Convention montagnarde - Le Directoire

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