Paysage culturel de la Serra de Tramuntana - UNESCO World Heritage Centre
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Brève synthèse
Le paysage culturel de la Serra de Tramuntana est un important exemple de paysage agricole méditerranéen qui, après des siècles de transformations de la morphologie escarpée du terrain pour exploiter les maigres ressources disponibles, et grâce aux conditions orogéniques, climatiques et à la végétation spécifique, a été rendu productif et bien adapté à l'installation humaine.Le système des terrasses et le réseau de routes pavées, communs à beaucoup de paysages méditerranéens, sont associés à un réseau articulé de dispositifs pour la gestion de l'eau desservant des exploitations agricoles d'origine féodale. Le paysage en terrasses est ponctué de villages, d'églises, de sanctuaires, de tours et de phares, ainsi que de petites structures de pierre sèche, qui contribuent à son caractère actuel.
Critère (ii) : Le paysage de la Serra de Tramuntana est un parfait exemple d'échanges entre les cultures musulmanes et chrétiennes, caractéristique de la zone méditerranéenne, dans la combinaison d'une part, de la technologie d'irrigation et d'alimentation en eau et du savoir-faire agricole des Arabes et d'autre part, du système de contrôle territorial introduit par les conquérants chrétiens, qui s'emparèrent de l'île de Majorque au XIIIe siècle. Cette interaction culturelle a permis la création d'un paysage agricole en terrasses, constitué d'un réseau d'irrigation articulé, de vergers, de jardins potagers et d'oliveraies, autrefois organisé autour de petites exploitations, puis de grands domaines (posesiones), et qui forme aujourd'hui les caractéristiques physiques et fonctionnelles de la Serra de Tramuntana.
Critère (iv) : Le paysage culturel de la Serra de Tramuntana constitue un exemple spectaculaire et particulier de paysage cultivé en terrasses, dans lequel un réseau interconnecté et hautement spécialisé de collecte, de stockage et de distribution de l'eau à l'aide de conduits souterrains appelés qanats, de canaux, de rigoles et de bassins de stockage, est associé à un système de terrasses retenues par des murs de pierre sèche où sont cultivés des légumes, des arbres fruitiers et des oliviers, comprenant aussi un système de drainage méticuleux destiné à prévenir l'érosion des sols.
Critère (v) : Le mode d'occupation de la zone de la Tramuntana offre un bon exemple d'adaptation de l'homme à des conditions environnementales difficiles, parvenant par son ingéniosité, à rendre cultivable et vivable une région aux maigres ressources en terres agricoles et en eau. Le système féodal de subdivision des terres, appliqué à ces conditions orographiques extrêmes, combiné à une technologie d'irrigation élaborée d'origine arabe, a donné naissance à des unités agricoles complexes. Le modèle de répartition et d'utilisation des terres, qui vont des zones rocheuses situées en altitude, aux bandes forestières, aux versants aménagés en terrasses, aux prairies d'élevage extensif, aux champs de culture fourragère, aux vignes et aux cultures fruitières implantées sur des terrains moins accidentés, ont autorisé, de tout temps, la pleine exploitation des ressources existantes. La zone de la Tramuntana constitue donc un témoignage de la constante évolution des installations humaines dans une zone accidentée et escarpée de l'île.
Intégrité
Le bien se caractérise par sa grande uniformité, au sein de laquelle les différents éléments caractéristiques – la disposition en terrasses, les oliveraies, l'organisation spatiale des domaines ruraux et le système de distribution d'eau – conservent, dans des proportions considérables, leur intégrité visuelle. Toutefois, l'intégrité fonctionnelle et socioéconomique du bien se trouve aujourd'hui fragilisée du fait du développement progressif du tourisme et des pressions qui pourraient en découler. L'intégralité du district de Tramuntana, qui est passé par les mêmes processus historiques et de développement, sert de zone tampon. Actuellement, le bien ne semble pas souffrir d'une pression immédiate due au développement, bien que la zone tampon, considérablement peuplée, puisse constituer une menace. Mais l'ensemble de ces menaces devraient faire l'objet d'un suivi minutieux sur le long terme.
Authenticité
Le bien offre un témoignage crédible des processus historiques, culturels et socioéconomiques qui se sont déroulés dans la zone de la Tramuntana, modifiant peu à peu le paysage pour le rendre productif, et lui conférant son aspect actuel, bien que ces processus traditionnels dynamiques le cèdent peu à peu devant les activités touristiques. Le cadre continue de présenter une forte continuité avec les dispositions passées, et les qualités esthétiques de son paysage ont été appréciés par des artistes et intellectuels renommés qui ont contribué à amplifier sa valeur évocatrice. Les techniques traditionnelles de construction et de réparation des structures en pierre sèche ont été consciencieusement préservées, grâce à la création d'une école de maçonnerie en pierre sèche, afin de contrecarrer les changements induits par l'évolution socio-économique.
Mesures de protection et de gestion
Le bien a été déclaré « Site pittoresque » et fait l'objet d'une protection officielle par un décret de 1972 (Décret 984/1972). Suite au vote de la Loi sur le patrimoine historique espagnol en 1985 et de la Loi sur le patrimoine historique des Baléares en 1998, le bien fait l'objet d'une protection supplémentaire grâce à la désignation de plusieurs « Biens d'intérêt culturel » (Bien de interes cultural, BIC) selon la législation nationale et régionale en vigueur. D'autres déclarations au titre de BIC pour Biniaraix, Ullarò et Galilea ont été sollicitées et devraient être accordées. La Loi des Baléares de 1991 régissant les espaces naturels et la réglementation sur la planification urbaine prévoit l'identification des zones à protéger pour leurs valeurs écologique, géologique et paysagère. L'instrument essentiel de planification est le Plan spatial de Majorque de 2004, qui reconnaît les valeurs culturelles et naturelles de la zone de la Tramuntana et prévoit des règlementations sur les zones habitées et sur l'usage des terres, basé sur les caractéristiques patrimoniales, valeurs et vocations de diverses zones, ainsi que des activités et la protection de l'environnement. Les autres plans actuellement en vigueur pour des zones spécifiques sont les suivants : le Plan de réglementation des ressources naturelles de la zone de Tramuntana de 2007 et les plans spéciaux de protection du site historique du domaine de l'Archiduc Ludwig Salvator (2002), de la route de pierre sèche (2008), de la route Artá-Lluc (2008), de la valeur historique, artistique, architecturale, écologique et panoramique de la Municipalité de Deiá, des villages de Lluc et d'Escorca et du centre historique de Pollença. Il convient d'envisager de compléter et de mettre en oeuvre les autres plans spéciaux pour la protection de lieux investis de valeurs culturelles, notamment les réseaux et dispositifs de gestion de l'eau.
Le consortium « Serra de Tramuntana Paisatge Cultural » est l'entité créée en 2010 pour assurer la gestion du site et de sa zone tampon ; il devrait être rendu pleinement opérationnel. Actuellement composé du Gouvernement régional des Îles Baléares et du Conseil de Majorque, il vise à coordonner toutes les politiques culturelles et naturelles mises en oeuvre sur le territoire de la Serra de Tramuntana. Il comprend également une institution de coordination chargée d'impliquer les acteurs locaux.
Le plan de gestion du bien est issu du Plan spatial de Majorque et a été conçu comme un instrument complet et alternatif par rapport aux autres plans de la zone, en vue d'instaurer des stratégies et de coordonner l'ensemble des activités internes. Il devrait être approuvé par le consortium « Serra de Tramuntana Paisatge Cultural », chargé de sa mise en oeuvre. Il convient de réfléchir à des stratégies visant à maintenir les activités agricoles à l'intérieur du bien et de sa zone tampon et à contrôler l'impact du développement de l'activité touristique, afin de renforcer les activités agricoles traditionnelles et d'assurer la pérennité de ce paysage. Il est également conseillé de clarifier les responsabilités en matière de suivi.