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L'Ecole des chartes et l'Affaire Dreyfus - Persée

  • ️Joly, Bertrand
  • ️Mon May 22 2017

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L'ECOLE DES CHARTES ET L'AFFAIRE DREYFUS

par Bertrand JOLY

L'affaire Dreyfus concerne l'École des chartes à plus d'un titre. En premier lieu, cette affaire d'espionnage est aussi une affaire d'archives : autour de documents mystérieux, à la provenance incertaine et dont plusieurs classements successifs n'épuisent ni la tendance continue à la multiplication ni l'équivoque, on dispute à l'infini, jusqu'à la nausée, et nul diplôme mérovingien ne fît couler plus d'encre que la dizaine de feuillets d'aspect anodin qui forment le fond du dossier. Or il s'agit, pour un archiviste, d'un beau cas d'école, mettant en cause l'identification des documents, leur classement (les archivistes militaires, Gribelin en tête, y déployèrent autant de zèle que d'incompétence) et leur statut juridique 1, ce qu'illustre aimablement Anatole France avec la satire qu'il en fit dans L'île des pingouins.

En outre et par une conséquence directe de cet état de fait, les chartistes furent au premier rang de la fastidieuse querelle d'experts qui dura autant que l'affaire elle-même. On ne trouve en effet pas moins de sept archivistes paléographes parmi les experts cités au procès Zola et ils eurent la part d'autant plus belle que les experts non chartistes ne payaient pas de mine : un fou (Bertillon), un semi-gâteux (Belhomme), un expert radié pour ses indélicatesses (Teyssonnières), etc.

Enfin, parce que plusieurs professeurs de l'Ecole avaient témoigné leur sympathie pour Zola, le milieu chartiste fut plus qu'un autre le théâtre de violents affrontements, et, comme l'indique la seule étude sérieuse sur la question, « nulle part les querelles civiques ne furent plus totalement investies dans le métier d'historien » 2. Dans le cercle numériquement restreint

Bibliothèque de l'Ecole des chartes, t. 147, 1989.