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Henry Rousso. Le syndrome de Vichy (1944-1987) - Persée

  • ️Coutan-Bégarie, Hervé
  • ️Sat Dec 23 2017

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Page 784

Le syndrome de Vichy (1944-1987)

Henry Rousso Le Seuil, Paris, 1987, 382 pages

Un livre consacré non à Vichy, mais au souvenir de Vichy dans la société française. Henry Rousso y voit un syndrome qui ne cesse de hanter la mémoire collective. Une première partie retrace l'évolution du phénomène, qu'il décompose en quatre phases : de 1944 à 1954, la phase de deuil avec « les séquelles de la guerre civile, de l'épuration à l'amnistie » ; de 1955 à 1971, une phase de refoulement, avec en même temps « une renaissance spectaculaire de la mémoire résistante, sous l'angle, il est vrai particulier, de la mémoire gaulliste » ; de 1971 à 1974, le miroir brisé avec le retour du refoulé et la fin des mythes ; depuis 1974, une phase obsessionnelle marquée par le réveil de la mémoire juive et l'importance des réminiscences de l'Occupation dans le débat politique interne. Une deuxième partie, beaucoup plus brève, étudie la transmission du syndrome à travers les commémorations, le cinéma et l'historiographie. Dans cette dernière section, Henry Rousso s'en prend sans beaucoup de nuances aux « pudeurs historiennes » de Robert Aron et couvre de fleurs Robert Paxton pour La France de Vichy, qui a permis d'en finir avec la thèse de la résistance de Vichy et « a rendu caduque cette référence académique (Y Histoire de Vichy d'Aron) qui arrangeait tant de monde ».

On peut accepter pour l'essentiel la pé- riodisation proposée, qui en vaut une autre. On ne contestera pas qu'il y ait un drame dès lors que le souvenir de Vichy reste beaucoup plus traumatique que

celui de l'affaire Dreyfus ou même de la Révolution. Mais il semble plus difficile d'admettre que Henry Rousso a cherché, comme il l'affirme, « à n'être pas trop prisonnier du syndrome qu'il décrit ». Son livre est le reflet fidèle de l'historiographie dominante qui se situe résolument dans le sillage de Robert Paxton sans voir tout ce que ces thèses ont de réductionniste. Vichy n'est pas un bloc et l'ouverture des archives françaises (qui étaient encore fermées quand Paxton écrivait) devrait inciter à reprendre l'ensemble du dossier. Un livre comme le superbe Pierre Laval de Fred Kupfer- man l suggère qu'une relecture non manichéenne est possible. Il est dommage que Henry Rousso n'ait aucune réflexion critique sur ce courant dominant, qu'il proclame rigoureusement scientifique (ce qui n'est pas toujours le cas et le livre de Paxton lui-même dissimule derrière d'importantes recherches une thèse toute faite a priori) alors qu'il reprend contre Robert Aron un procès injuste et à la limite peu honorable. Le syndrome est toujours à l'œuvre et le dernier mot de l'historiographie sur Vichy est loin d'être dit.

Hervé COUTAU-BÉGARIE

1. Voir le compte rendu publié dans Politique étrangère, n° 2/88.

1. Voir le compte rendu dans Politique étrangère, n° 4/82.