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Une minorité chîite en Anatolie : les Alevî - Persée

  • ️Gokalp, Altan
  • ️Thu Dec 14 2017

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UNE MINORITÉ CHIITE EN ANA TOLIE : LES ALEVÎ

« Têtes-Rouges », Bektachî, Alevî (Alides ou Alaouites dans les références françaises), c'est sous ces vocables aux définitions souvent fluctuantes qu'on désigne la minorité religieuse d'obédience chiite en Turquie. En 1826, date des massacres qui mirent fin au corps des janissaires — étroitement associés à l'ordre des Bektachî — , l'Empire ottoman comptait sept millions de ces hétérodoxes. Aucune source statistique de l'ère républicaine ne fournit aujourd'hui des indications fiables permettant une évaluation démographique de cette minorité : l'État fondé par Atatiirk en 1 923 est d'un laïcisme militant, et la loi de novembre 1925 abolit les ordres religieux de toute obédience; elle est suivie d'une modification constitutionnelle d'avril 1928 qui supprime toute référence à l'islam en tant que religion d'État. L'identité religieuse est ainsi niée comme catégorie juridique, politique, sociale et statistique.

Ce qui est occulté sur le plan institutionnel resurgit sur le plan sociologique, à la faveur d'une renaissance idéologique et politique de l'islam dans la quasi- totalité des sociétés contemporaines se réclamant de cette tradition. En Islam turc, qui se rattache à la tradition hanéfite de l'orthodoxie musulmane (sunnite), la renaissance d'une idéologie politique qui privilégie l'appartenance à la communauté musulmane se double ďun conflit confessionnel : considérés comme hérétiques sur le plan doctrinal, adeptes de l'inceste rituel selon les croyances populaires, alliés du collectivisme pour la droite, les membres de la minorité religieuse musulmane alevî se trouvent encore victimes d'un ostracisme séculaire.

Les Alevî eux-mêmes estiment leur nombre à quelque dix millions aujourd'hui, dans une Turquie de 45 millions d'habitants. Ils se signalent par des positions laïques, progressistes et populistes. Un parti politique, le Parti de l'Union (Birlik Partisi) exprime leurs positions sur le plan politique. Les membres de la communauté alevî sont organisés en confréries dont le recrutement et le rituel sont secrets. Pour des raisons doctrinales et historiques, les Alevî se rattachent au chîisme duodécimain (à travers le cinquième iman, Dja'far al- sàdiq), et à Haci Bektas Veli (1248-1337 ?), fondateur de l'ordre des Bektachî (dont la généalogie mythique remonte aussi au cinquième iman).

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