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Villages et maisons des B�ni-Yenni en Grande Kabylie (Alg�rie) : une architecture vernaculaire chasse l'autre - Fatiha Bennacer

L'ARCHITECTURE VERNACULAIRE

   

ISSN  2494-2413

TOME 42- 43

2018 - 2019

Fatiha Bennacer

VILLAGES ET MAISONS DES BENI-YENNI EN GRANDE KABYLIE (ALG�RIE) :
UNE ARCHITECTURE VERNACULAIRE CHASSE L'AUTRE

Introduction

Les anciennes maisons des paysans et artisans kabyles sont en voie de disparition dans les villages de montagne de la Kabylie. Lorsqu'elles n'ont pas �t� ras�es pour faire place � des pavillons ou � des immeubles modernes, elles ne servent plus que d�entrep�ts ou d�annexes ou sont laiss�es � l'abandon et finissent par s'�crouler faute d'entretien. En 2011, dans des propos rapport�s par le site Kabylie Djurdjura, l'anthropologue Ali Sayad se d�solait de cet �tat de choses : � En d�molissant les anciennes maisons, on tue notre pass� � (1).

(1) Ali Sayad, � En d�molissant les anciennes maisons, on tue notre pass� �, entretien r�dig� par Mohamed Tab�che, sur le site Kabylie Djurdjura, 15 juin 2011 (lire en ligne : http://djurdjura.over-blog.net/page/9).

Pour les ethnologues de langue anglaise, l�ancienne maison rurale de la Kabylie montagnarde � l'axxam � a cess� d��tre � vernaculaire � dans la mesure o� la p�riode pendant laquelle on en a construit des exemplaires est r�volue depuis longtemps. La maison nouvellement vernaculaire, c�est la maison moderne, � � l'europ�enne �, celle que l�on construit depuis le milieu du XXe si�cle dans les villages perch�s qui n�ont pas �t� abandonn�s. C�est ce que constatait d�j� Andr� Loecks, r�dacteur de la rubrique � Kabylie � dans l'Encyclopedia of the Vernacular Architecture of the World, publi�e il y a quelque deux d�cennies (1997) : "The dwelling tradition is still alive in Kabylie. Villages and houses, however, are subject to rapid changes now. The old house is being replaced by a more modern version with separate rooms, storeys, a concrete frame, brickwork infill and cement plastering. In many cases the transformations mutilate the village fabric. The village as a whole manages to maintain its integrity, its compactness and its privacy gradient. Shops and workshops built down the road complement the village without disturbing its intimacy. From disrupted tradition a new vernacular is emerging" (2). Une nouvelle architecture vernaculaire se fait jour sur les ruines d'une tradition interrompue.

(2) Andr� Loecks, rubrique � Kabylie � dans Encyclopedia of the Vernacular Architecture of the World, Cambridge University Press, 1996.

Fig. 1 - Villages des Beni-Yenni en 2018 : des maisons � � l'europ�enne �, voire des immeubles � plusieurs �tages ont remplac� les anciennes maisons villageoises. Une nouvelle architecture vernaculaire remplace l'ancienne. Source : l'auteur.

Au train o� vont les choses, il ne restera plus de l'ancien habitat vernaculaire rural que le t�moignage des voyageurs, instituteurs, anthropologues, sociologues, g�ographes, d'avant le grand mouvement de reconstruction ou de remplacement qui a gagn� l'habitat montagnard � partir de l'accession � l'ind�pendance. Ce sont ces t�moignages dont le pr�sent article veut se faire l'�cho, tout en y ajoutant les enseignements des travaux de recherche men�s par des �tudiants en architecture depuis le tournant du si�cle.

1. LA KABYLIE

La Kabylie est situ�e dans la r�gion c�ti�re m�diterran�enne de l'Alg�rie. �tant sur le flanc bois� de l'Atlas tellien, elle se caract�rise par un relief accident� et montagneux. Elle constitue un territoire tr�s important � l'int�rieur du tissu environnemental du pays (3), dont elle est une des r�gions les plus peupl�es.

(3) CNERIB/Alger et PGCHS/KULeuven, 1986, Village en transformation : les Beni Yenni. Phase 1 et 2 : inventaire de l�habitat et �tudes de cas. �tude pour la valorisation de l�habitat traditionnel en Kabylie (�tude r�alis�e dans le cadre du projet de coop�ration, Belgique), CNERIB, Alger.

Fig. 2 - Carte g�ographique de l'Alg�rie donnant la position de la pr�fecture de Tizi-Ouzou par rapport � la capitale Alger.

La Kabylie renferme 1500 villages inscrits dans un environnement montagneux, o� chaque cr�te est coiff�e d�un village aux maisons dot�es d�une architecture singuli�re. La topographie a fortement dict� et guid� l�implantation des villages, construits pour la plupart sur les cr�tes et � mi-hauteur sur les versants.

Fig. 3 - Village d'Agouni-Ahmed vers 1900. Carte postale ancienne de la premi�re d�cennie du XXe si�cle.

Ce qui retient particuli�rement l'attention, c'est l'aspect, � premi�re vue d�fensif. Les habitants l'expliquent ainsi : � Ces villages sont en g�n�ral perch�s sur des cr�tes. Les Kabyles s'�taient �tablis � ces endroits afin de pouvoir se d�fendre contre l'ennemi, l'ennemi de l'int�rieur et l'ennemi de l'ext�rieur �. La position sur les sommets leur procurait un sentiment de s�curit�, leur permettant d�observer toute incursion ou attaque �trang�re. Les populations s'abritaient, sur les hauteurs, des menaces de la plaine, plus particuli�rement � l'�poque coloniale o� il s'agissait aussi de se prot�ger de l'agression culturelle. Selon Pierre Baduel (1986), � Les Kabyles s'�taient sauv�s dans les montagnes pour abriter leur personnalit� � (4).

(4) Extrait de la recherche de Pierre Baduel, 1986, � Production et pratiques de l�espace habit� : du vernaculaire au contemporain �, in Annuaire de l�Afrique du Nord, �d. du CNRS, tome XXV.

Fig. 4 - Abords du village d'A�t-Larbaa vers 1880-1900. Carte postale de la fin du XIXe si�cle.

Ces villages abritaient des maisons de forme simple, r�pondant aux besoins des hommes et des animaux. Les maisons �taient construites en pierre et parfois en pis�, des mat�riaux disponibles dans l�environnement imm�diat. Elles �taient recouvertes soit d�une toiture � deux pans, constitu�e d�une charpente en bois et d�une couverture de tuiles rouges, soit d�une toiture bomb�e en terre. Les �difices traduisent la vari�t� des mat�riaux utilis�s (terre, pierre, bois, chaux) et la diversit� des techniques de construction.

Fig. 5 - Le village de Tigzirt, accroch� sur un versant, au tournant du XXe si�cle. Quasiment toutes les maisons sont tourn�es vers l'aval. Elles sont couvertes de tuiles demi-rondes (ou creuses) et, pour la plupart, ont leur pignon perc�, sous les rampants, de trois ouvertures �troites, celle du centre �tant la plus large. Quelques pignons n'ont qu'une ou deux fentes. L'homog�n�it� de ces maisons est, pour le sp�cialiste d'architecture vernaculaire rurale, le signe de leur appartenance � un mouvement de construction ou de reconstruction li� � une p�riode �conomique faste. Carte postale en noir et blanc de la premi�re d�cennie du XXe si�cle.

2. LES VILLAGES DES BENI-YENNI

2.1 Situation

Beni-Yenni est une commune rurale, situ�e sur le massif de la Kabylie au pi�mont de la cha�ne du Djurdjura, � proximit� du parc national. Elle s��tend sur une superficie de 3 425 km2 avec une densit� de 220 habitants au km2. Depuis la commune, il est possible de balayer du regard une large portion de la Kabylie, � l�exception de la partie sud dont la vision est limit�e par le Djurdjura.

Fig. 6 - Carte de situation de la commune de Beni-Yenni (At-Yanni) par rapport aux autres communes de la r�gion, � savoir Larbaa Nath Irathen au nord, Ain el Hamman � l'est, Tassaft au sud-est, Ouacifs au sud, Ouadihas au sud-ouest, Beni Douala au nord-ouest. Source : l'auteur.

Les sept villages des Beni-Yenni (formulation arabe des At-Yanni) sont situ�s sur une cr�te des montagnes du Djurjura, � 145 km � l�est de la capitale Alger et � 40 km au sud-est de Tizi-Ouzou, chef-lieu de la pr�fecture du m�me nom. Il s'agit des villages d'Ath-Lahcen (A�t-Lahcen), Ath-Larbaa (A�t-Larbaa), Taourirt Mimoun, Taourirt El Hadjadj, Agouni Ahmed, Tigzirt et Tensaout (Tensaut). Ils sont li�s les uns aux autres par des relations familiales et socioculturelles et par un m�me paysage naturel verdoyant.

2.2 Implantation

L�ensemble du territoire des Beni-Yenni se compose d�une haute cr�te principale, � laquelle diff�rents contreforts moins �lev�s viennent se rattacher comme des rameaux. Isol� par la nature, le territoire se pr�sente au milieu de la Kabylie comme une presqu��le escarp�e et sans rivage.

Fig. 7 - Organisation des sept villages de cr�te formant la tribu des Beni-Yenni. Source : l�auteur.

Fig. 8 - Mode d�implantation en cr�te des sept villages des Beni-Yenni. En raison du point de vue choisi, on ne peut pas voir le village de Tensaout (ou Tensaut) qui est sur l'autre versant. Source : l�auteur.

2.3 Caract�ristiques

La commune de Beni-Yenni s�int�gre dans le massif kabyle � une altitude moyenne de 900 m et se caract�rise par un relief accident� parcouru par quelques cours d�eau intermittents. Son territoire est bois� ; les essences qui dominent sont le ch�ne et le h�tre. D�apr�s la carte mini�re, il y a aussi du fer (dont la pr�sence explique un des artisanats auxquels se livrait autrefois la tribu, cf infra) .

Le climat de la zone est m�diterran�en de type continental avec des hivers froids, dont les temp�ratures sont inf�rieures � 10�, et des �t�s chauds avec des temp�ratures sup�rieures � 20�, mais qui atteignent des pointes de 25� � 35� en juillet-ao�t.

La r�gion re�oit une tranche pluviom�trique annuelle sup�rieure � 700 mm mais avec une forte concentration en p�riode hivernale alors que sur le reste de l�ann�e les pr�cipitations sont irr�guli�res et deviennent rares en �t�.

2.4 L'exemple du village d'Ath-Lahcen

Le village d�Ath-Lahcen (A�t-Lahcen) pr�sentait une organisation spatiale simple et fonctionnelle, guid�e par la topographie du site, et con�ue de mani�re � r�pondre aux besoins des occupants et � pr�server leur intimit�. Le village �tait compos� d�un ensemble de quartiers (Idderman, pluriel d'adroun), de ruelles, parfois d�impasses, de maisons, de sources (thala) et de lieux de rassemblement des habitants et de lieu de r�union du conseil du village (tadjmaat). Il se d�veloppait de fa�on concentrique sur un sommet occup� jadis par l�anc�tre � Lahc�ne �, d�o� l�appellation Ath-Lahcen (5).

(5) Selon �mile Masqueray (Formation des cit�s chez les populations s�dentaires de l'Alg�rie, 1886), il existait deux types de d�veloppement des villages :

- les villages allong�s, qui se d�veloppaient de mani�re lin�aire en longeant les versants et les montagnes ;

- les villages circulaires, qui se d�veloppaient de mani�re concentrique sur les sommets des montagnes ou bien sur les plateaux et qui avaient �t� con�us de fa�on � pouvoir �tre efficacement d�fendus.

Le village a �t� l'unit� politique et administrative traditionnelle, il continue d'�tre pour ses habitants une entit� vivante o� s'exerce la solidarit� (6).

(6) Camille Lacoste-Dujardin, La Grande Kabylie : r�alit�s et d�veloppement, brochure �dit�e par le minist�re de l'Information, juin 1969.

Fig. 9 - Le village d'Ath-Lahcen (A�t-Lhacen) au tournant du XXe si�cle. Carte postale noir et blanc de la fin du XIXe si�cle.

2.5 Activit�s �conomiques

La vie �tait rude dans les montagnes kabyles. Le Kabyle �tait cultivateur ou artisan. Chaque village avait sa sp�cialit� artisanale. Il y avait des villages de forgerons, de potiers, de tourneurs sur bois, de bijoutiers, d��b�nistes, de tisserands et de brodeurs de burnous.

La tribu des Beni-Yenni �tait l�une des plus riches de la Kabylie bien qu�elle habit�t un territoire pauvre ne produisant que peu de fruits et de grains. C�est � l�industrie des m�taux qu�elle devait sa prosp�rit� ; ses ouvriers �taient forgerons, armuriers, orf�vres (fabricants � la fois d�armes et de bijoux � Ath-Lahcen). Ils fabriquaient des canons et des platines de fusils et savaient les garnir d�ornements en argent qui rehaussaient leur valeur.

Pendant l�occupation turque, les habitants d'Ath-Larbaa s��taient adonn�s avec succ�s � la fabrication de fausse monnaie : � nombre de commer�ants [...] viennent s'y approvisionner de tous les points, du Maroc, de Tunis, du Sahara et de Tripoli � (7).

(7) M. Daumas et D. Fabar, La grande Kabylie : �tude historique, L. Hachette et Cie, 1847, p. 30.

Leurs villages �taient mieux construits que les autres villages et ressemblaient � des villes. Ce sont les produits de leur art que les marchands de curiosit�s kabyles vendaient � Alger sous le nom d�objets kabyles (8).

(8) Francis Drouet, Les Beni-Yenni, E. Cagniard, Rouen, 1887, 83 p. (chap. 5 : � Composition et administration de la tribu �).

Du fait de son pass� politique et �conomique, la tribu des Beni-Yenni a �t� probablement l�une des factions les plus notables de la Grande Kabylie. Ibn-Khaldoun, dans son Histoire des Berb�res, la pla�ait d�j� parmi les tribus zouaviennes, les plus marquantes de son �poque (9).

(9) Ibn-Khaldoun, Histoire des Berb�res, Traduction de Slane, t. I. Cet ouvrage est le plus ancien sur Beni-Yenni ; l�auteur �crivait vers la fin du XIVe si�cle. Les Zouaouas ont �t� �tudi�s par de nombreux auteurs : Hawqal (977), Hazm (1064), Edrissi (1154), Ibnkhallikan (1272), Mafaakhir (1313), Bighya (1378), pour ne citer que les auteurs arabes les plus anciens, voir G. Potiron, R�pertoire des tribus berb�res de l�Afrique du Nord, d�apr�s les historiens et les g�ographes de langue arabe.

Chaque village poss�dait une maison ouverte (djemaa) o� le conseil communal se r�unissait. On pouvait aussi s�y reposer et les �trangers y recevaient l�hospitalit�.

Fig. 10 - Village d'Ighil-Imoula, dans la commune de Tizi N'Tleta : int�rieur de la maison ouverte (djemaa). � intervalles, des poteaux de fond soutiennent les cours de pannes de la charpente. Carte postale des ann�es 1920 (�diteur SPGA).

Un march�, d�sign� sous le nom de tlata (mardi) de Beni-Yenni, se tenait tous les mardis, pr�s du village de Taourirt-El-Hedjadj, au lieu-dit Tansaout-El-Djemaa : on y vendait du bl�, de l�orge, des figues, de l�huile. Quelques fruits ou l�gumes, des ustensiles et des outils en bois, des plats, des fourches, des poteries rustiques, un mouton, une ch�vre (le paysan kabyle n�avait que peu de choses � vendre ou � acheter).

3. LA MAISON VILLAGEOISE

Les liens entre famille et maison �taient si �troits dans l�ancienne soci�t� kabyle qu�un m�me terme (axxam) servait � d�signer l�une et l�autre.

Les maisons �taient construites en g�n�ral sur une cr�te (taourirt), un plateau (agouni) ou un versant, perpendiculairement aux courbes de niveaux et face au soleil levant.

La maison s�ouvrait tr�s souvent sur une cour int�rieure centrale, appel�e afrag ou amrah selon la r�gion. Si des fr�res ou des s�urs cohabitaient, leurs logements respectifs, accol�s les uns aux autres, �taient r�partis tout autour de la cour int�rieure.

Fig. 11 - Lieu non pr�cis� : long�re en pierre, � toiture de tuiles m�caniques, � l'abandon. Le gouttereau-fa�ade est form� d'assises r�guli�res de moellons au parement dress� et aux faces lat�rales et de lit taill�es en retour d'�querre. Source : l'auteur, 2018.

L�agglom�ration de ces cours constitue le village. Des ruelles, en g�n�ral en impasse, relient ces cours � la voie principale.

3.1. La construction collective

L�acte de b�tir �tait fondamentalement coop�ratif et communautaire. C��tait aussi un acte rituel, technique, �conomique et juridique. On retrouve le sens coop�ratif tant dans la phase de la pr�paration des mat�riaux (de l�extraction � l��laboration) que dans celle de l��dification. � Des travailleurs assez nombreux y coop�rent : hommes, femmes, enfants, gens de m�tier, aid�s par des animaux � (10).

(10) Ren� Maunier, 1925, � Les rites de construction en Kabylie �, Revue de l'histoire des religions, Paris, p. 22.

3.2 Les mat�riaux

Les constructions en pierre sont les plus r�pandues. La pierre est g�n�ralement calcaire. Elle est extraite des oueds, de carri�res ou d�anciennes b�tisses (11).

(11) Ren� Maunier, 1925, � Les rites de construction en Kabylie �, Revue de l'histoire des religions, Paris, p. 22.

Fig. 12 - Village d'A�t-Larbaa : derri�re l'abreuvoir, s'�l�ve un pignon r�alis� en rang�es ou files successives de petites pierres plates arrondies. Photo noir et blanc de la 1re moiti� du XXe si�cle.

Les murs sont construits soit directement sur la roche affleurante, soit sur des fondations en pierre �tablies dans des tranch�es creus�es dans le sol lorsque celui-ci est meuble.

Les pierres sont li�es entre elles avec du mortier d�argile (aloudh). Utilis� avec parcimonie vers l�ext�rieur, ce mortier donne l�apparence d�un mur en pierre s�che.

Fig. 13 - Ma�onnerie de pierres de forme irr�guli�re, plac�es avec leur face plane en parement et noy�es dans du mortier de terre. Source : Tinhinan Zibouche, Outhrounen, un patrimoine � rev�rifier sur le trac� du pass�, m�moire de master, universit� de B�ja�a, 2015.

Dans certaines r�gions, l� o� la pierre n�est pas disponible, on construit les murs avec de la terre selon la technique du pis� banch� (cf infra).

Les principales essences intervenant dans la charpente (pannes, poteaux fourchus) sont le peuplier, le fr�ne et le c�dre. Des chevrons carr�s ou ronds, pos�s transversalement et oppos�s deux � deux, sont fix�s aux pannes par des cordes en diss (gramin�e vivace du tell). Des branches d'olivier et des roseaux (igunam) sont li�s avec de la corde aux chevrons. Vient ensuite une couche de mortier de terre.

Pour la couverture, on utilise des tuiles demi-rondes (ou creuses) (karmoud) fabriqu�es avec de l'argile locale ou, plus tardivement, des tuiles m�caniques, import�es de France (karmoud francis).

Fig. 14 - Tuiles demi-rondes (ou creuses) fra�chement moul�es en train de s�cher sur une esplanade devant une long�re � fa�ade en gouttereau. Dans la continuation du pignon de gauche (par rapport � un observateur ext�rieur), on aper�oit des couples de chevrons port�s par une panne fa�ti�re et des pannes lat�rales et pendant dans le vide faute de mur pour en soutenir les extr�mit�s basses. Des poteaux contorsionn�s soutiennent les pannes. Lieu et date non indiqu�s. Source : Axxam (la maison d'antan), vid�o de Brahim Tayeb, consultable � l'adresse http://www.youtube.com/watch?v=_jOHTxKFAWc

3.3 Le plan

Le plan des habitations, qu�elles soient de pierre ou de pis�, �tait uniforme : � La maison est de dimensions r�duites, � plan rectangulaire, presque jamais � plan carr� � (12). La distance entre les pignons �tait r�gl�e sur la longueur de la poutre devant servir de panne fa�ti�re � la toiture. Les murs faisaient jusqu�� 50 cm d��paisseur. Les dimensions int�rieures moyennes �taient de 6,5 m de longueur, 4 m de largeur et de 3 m � 3,5 m de hauteur (13). L'habitation ne comportait ni fen�tres ni chemin�e. Elle n'avait qu'une seule porte, toujours en gouttereau.

(12) Ramon Basagana et Ali Sayad, 1974, Habitat traditionnel et structures familiales en Kabylie, �d. SNED, Alger.

(13) Mebarek Kaci, 2006, � L�architecture rurale traditionnelle en Kabylie, un patrimoine en p�ril �, Vie de Villes, N� 5, p. 84.

Fig. 15 - Plan sch�matique d'une habitation et de sa cour int�rieure.

L'habitation s'ouvre non pas directement sur la rue mais sur une cour dont l'entr�e est occup�e par un porche (asquif) ferm� par une porte en bois donnant sur la rue.

Fig. 16 - Village de Djebla, commune de Beja�a, habitation restaur�e : entr�e de la cour. Source : Ourida Iftissen et Thin Hinane Kaci, Evaluation du projet de r�habilitation des maisons traditionnelles de Djebla, m�moire de master d'architecture, universit� de B�ja�a, 2017.

Lorsqu'un fils ou une fille habitant la maison se mariait, un logement neuf �tait construit sur un c�t� de la cour int�rieure pour la nouvelle famille, op�ration qui, r�p�t�e, donnait plusieurs logements r�partis autour de la cour.

Fig. 17 - Exemple de groupement de plusieurs logements autour d'une cour int�rieure. Source : Ouahiba Aliane et Mohamed Brahim Salhi, Savoir-faire vernaculaire de l'architecture kabyle : A�t El Ka�d, d�partement d'architecture de Tizi-Ouzou, 10 p. (d'apr�s Germaine Laoust-Chantr�aux, Kabylie c�t� femmes. La vie f�minine � A�t-Hichem, 1937-1939, Notes d'ethnographie, �disud, Aix-en-Provence, 1990, p. 31).

3.4 Les composants constructifs

3.4.1 Les murs

Les murs porteurs sont
- soit en pierres taill�es � joints vifs,
- soit en pierres brutes hourd�es au mortier de terre,

Fig. 18 - Lieu et date non pr�cis�s : construction d'une maison en pierres hourd�es au mortier. Les arases des gouttereaux et les rampants des pignons attendent la pose de la toiture. Photo noir et blanc de la 1re moiti� du XXe si�cle.

- soit enfin en pis� banch� (mortier de terre argileuse pris entre les banches d'un coffrage mobile). La base du mur en pis� est parfois prot�g�e du rejaillissement des eaux pluviales par une sur�l�vation des fondations en pierre.

Fig. 19 - Village d'A�t-Larbaa : construction d'une maison en pis� banch�. Le ma�on et son aide sont en train de tasser la terre des derni�res assises du pignon. Source : Martial R�mond, Au c�ur du pays kabyle, �ditions Helio, Baconnier fr�res, Alger, 1933, p. 52.

3.4.2 Les charpentes

La charpente est constitu�e de trois � cinq pannes (isulas) en bois de fr�ne lanc�es d�un pignon � l�autre : la panne fa�ti�re (asalas alemmas) et les pannes lat�rales (de 1 � 2 de chaque c�t�) (isulas ederfiyen).

Ces pannes sont soutenues,
- soit par un poteau de fond (tigejdit) termin� par une fourche (naturelle) ou un enfourchement (creus� de main d'homme) ;

Fig. 20 - Lieu inconnu : charpente d'une maison � toit de terre dont le pignon aval est absent ou a disparu. La fa�ti�re est soutenue par un poteau de fond tandis qu'un poteau plus mince soutient la panne du versant de gauche (par rapport � l'observateur). Le versant de droite, �tant moins large, ne semble pas avoir de panne. Au fond, on distingue l'�table et la soupente au-dessus. Des enfants sont perch�s sur la toiture. Photo noir et blanc de la fin du XIXe si�cle.

- soit par des fermes rudimentaires, apparues sous l'influence des Fran�ais.

Fig. 21 - Lieu non indiqu� : ferme de charpente � arbal�triers sur poin�on et entrait. Les assemblages sont vraisemblablement � tenon et mortaise. On compte deux pannes lat�rales par versant. On peut penser que ce type de ferme va de pair avec une couverture de tuiles m�caniques. Source: site http://www.vitaminedz.com, 2015.

3.4.3 Les toitures

Les toits de tuiles sont � deux versants ou pans tr�s peu pentus. Dans ceux en terre, les versants sont remplac�s par un bombement.

Fig. 22 - Lieu non pr�cis� : long�re au toit de tuiles demi-rondes, construite parall�lement � la pente. Les fluctuations de la ligne de fa�tage et de la rive du versant trahissent la pr�sence de pi�ces de bois brutes, non sci�es, plus ou moins rectilignes. Contre le pignon aval et en contrebas de celui-ci, s'appuie une autre long�re �galement � toiture de tuiles. Photo noir et blanc de la 1re moiti� du XXe si�cle

Dans les toits de tuiles demi-rondes, des branches d'olivier ou des roseaux sont li�s aux chevrons, puis vient une couche de mortier de terre dans laquelle sont enfonc�es les tuiles de courant (pos�es sur le dos) puis les tuiles de couvert (pos�es � cheval sur deux tuiles de courant successives) (cf Les mat�riaux supra). Pour �viter que les tuiles en saillie le long des rampants et des rives ne se soul�vent lors de coups de vent, on les leste de litanies de pierres.

Fig. 23 - Village d'A�t-Larbaa : au premier plan, des toits de tuiles demi-rondes dont les parties sensibles au vent sont lest�es de chapelets de pierres. Carte postale en noir et blanc du d�but du XXe si�cle.

Dans le cas des toits de terre, une couche de 25 � 30 cm de schiste est tass�e sur une lourde armature de poutres et de rondins � peine �quarris, en olivier ou en fr�ne, recouverte de plaques de li�ge. �ventuellement, des pierres sont dispos�es sur tout le pourtour, au droit des parois, afin de prot�ger rampants et rives en saillie de l'�rosion �olienne.

Fig. 24 - Village d'Agouni Guehrane, au sud-ouest de la commune de Beni-Yenni : maisons � toiture de terre l�g�rement bomb�e et d�bordante (il ne s'agit pas de � terrasses � � proprement parler) ; des pierres blanches bordent le pourtour des toits. Le piton � l'arri�re-plan est le pic du Corbeau. Photo noir et blanc des premi�res d�cennies du XXe si�cle.

3.4.4 Les ouvertures

La maison comportait peu d�ouvertures. Quand il y en avait, elles �taient de petites dimensions pour des raisons de confort thermique et surtout d�intimit�.

Il en existe plusieurs types :

- l�ouverture compos�e d�un encadrement en trois parties (linteau, jambages, appui), g�n�ralement haute et �troite pour mieux r�sister aux contraintes ; le linteau et les arri�re-linteaux sont de petits rondins ;

- l�ouverture coiff�e d�un arc clav�, en tuiles, en petites pierres ou en briques.

Il existe �galement des claustras, qui permettent une ventilation d�air et un refroidissement de la pi�ce par �vacuation des charges thermiques concentr�es dans la maison.

Fig. 25 - Lieu non indiqu� : pignon � claustras d'une maison villageoise. Sous la lucarne (ettaq) se dessinent deux bandes de claustras r�alis�es chacune � l'aide de tuiles demi-rondes dispos�es dos � dos. Carte postale noir et blanc du d�but du XXe si�cle.

On observe �galement des trous de boulin, plac�s r�guli�rement sur le mur en pierre et ayant servi � soutenir l��chafaudage lors de sa r�alisation. � la fin du chantier, ces trous �taient soit bouch�s � l�int�rieur par des pierres, soit laiss�s ouverts pour l�a�ration de l�espace int�rieur.

3.4.5 Les portes

Elles sont en bois et diff�rent par leurs dimensions : elles sont grandes pour l�acc�s � la cour int�rieure (afrag) et moins grandes pour l�entr�e du logement. Elles comportent un ou deux vantaux ou battants.

Fig. 26 - Ville d'Ighzer Amokrane, commune d'Ouzellaguen (pr�fecture de B�ja�a) : gouttereau-fa�ade d'une habitation � toit de tuiles m�caniques. Les montants de l'entr�e alternent panneresse (pierre pos�e parall�lement au mur) et boutisse (pierre pos�e dans le sens de l'�paisseur du mur). Le couvrement est un linteau en bois sci�. Le seuil est marqu� par une bordure de pierre. La porte en bois est � deux vantaux. La largeur de l'entr�e permet le passage aussi bien des animaux que des humains. Source : http://agoumatine.centerblog.net/rub-Maisons-Kabyles-3.html

Pour les petites constructions en pis�, les portes sont en bois avec un linteau et des jambages, formant ainsi le cadre de la porte � du fait d�une mauvaise adh�rence entre le bois et le pis�. L�ouverture qui re�oit la porte est fragile, n'�tant qu'une simple interruption dans le mur.

Fig. 27 - L'int�r�t de cette photo est de montrer la fa�on dont le montant d'un vantail s'articule en haut et en bas dans un trou de crapaudine. Source : Nadia Zidelmal, Les ambiances de la maison kabyle traditionnelle. Les r�v�lations des textes et des formes, m�moire de magister en architecture, universit� de Biskra, 2012. Photo de Mohand Abouda, dans Axxam, maisons kabyles : espaces et fresques murales, Alger, 1985.

3.4.6 Les enduits et d�corations

Les enduits traditionnels permettent une bonne respiration des murs en facilitant les �changes hygrom�triques entre l�int�rieur et l�ext�rieur.

Fig. 28 - Int�rieur d'une habitation aux parois blanchies et au sol recouvert d'un enduit liss�. Sur une petite banquette sont dress�es deux grandes jarres � provisions. Un berceau rudimentaire est accroch� par une corde � une poutre. Photo de Germaine Laoust-Chantr�aux, dans Kabylie c�t� femme : la vie f�minine � A�t-Hichem, 1937-1939. Notes d'ethnographie, �disud, Aix-en-Provence, 1990.

Le sol �tait recouvert d�un enduit de gravier et de chaux que les femmes damaient avec un battoir (tamadazt) puis polissaient avec un galet, comme on le faisait pour les poteries. Parfois, on employait un m�lange d�argile, de paille et de bouse de vache.

Les rev�tements muraux �taient r�alis�s avec de la terre m�lang�e � de la bouse de vache ou � de la paille. � l�int�rieur seulement, on mettait de l�argile blanche ou du pl�tre. On finissait parfois par un chiffon imbib� d�huile, d'eau et de terre rouge.

La d�coration �tait l��uvre des m�nag�res. Les parois �taient blanchies et se terminaient par un soubassement peint � en rouge et noir sur fond blanc � de figures g�om�triques du plus bel effet.

Fig. 29 - Vestiges de d�corations murales.

3. 5 L'organisation fonctionnelle

La maison abritait les gens et les animaux sous le m�me toit, l�espace pour les animaux �tant toutefois en contrebas de celui occup� par l�homme. L��table (adaynine) occupait environ un tiers de la superficie totale et la partie r�serv�e � l�homme (taqaat) occupait les deux tiers. Une soupente (taaricht) existait au-dessus de l��table.

L�int�rieur de l�habitation pr�sentait une double division fonctionnelle bipartite :

- en longueur : le logement des gens et celui des b�tes,

- en hauteur : l��table et la soupente superpos�e � cette derni�re.

On peut parler �galement d�une division tripartite en hauteur : la salle commune et le galetas superpos� � l��curie.

Fig. 30 - Plan de l�axxam d'apr�s selon Henri Genevois (L'habitation kabyle, 1962, p. 22).
�lucidation : a = salle commune (taqaat) ; b = �table-�curie (adaynin) ; c = jarre � provisions (akoufi, pluriel ikoufan) ; d = cloison basse (tadekkant) ; e = mangeoire (lemdawed) ; f = �tag�re en ma�onnerie (adekkan) ; g = degr� pouvant recevor une natte (essrir) ; h = foyer (elkanoun) avec ses trois pierres (inyen) servant de tr�pied ; i = claie aux glands au-dessus du foyert (aεric) ; j = moulin � bras (tassirt) ; k = jarre � eau (elbila) ; l = m�tier � tisser (azetta) ; m = lucarne (ettaq) ; n = porte (tabburt uxxam) ; o = rigole d'�coulement (tazuliyt) ; p = petite porte d�rob�e (tabburt em berra) ; tasga d�signe le mur-gouttereau et tacraft le mur-pignon.

Fig. 31 - Coupe longitudinale de l�axxam d'apr�s Henri Genevois (L'habitation kabyle,1962, p. 25).
�lucidation : adaynin = �table-�curie ; akoufi, pluriel ikoufenes = jarre � provisions ; asalas alemmas = panne fa�ti�re ; elbila = jarre � eau ; essrir = degr� pouvant recevor une natte ; tabburt = entr�e ; tacraft = mur-pignon ; tadekkant = cloison basse ; taerict = soupente ; tagrurt = r�duit pour agneaux et chevreaux ; tigejdit = poteau fourchu.

3.5.1 La salle commune

La salle commune (taqaat) est la partie haute de la maison, celle qui �tait r�serv�e aux humains. Na�tre, manger, dormir, procr�er, mourir, �taient les activit�s ou les �v�nements essentiels qui se d�roulaient dans cet espace commun.

Fig. 32 - � �corch� � d'une long�re kabyle par Mohand Abouda (Axxam, maisons kabyles : espaces et fresques murales, Alger, 1985). L�gendage : addaynin (adaynin) = �table-�curie ; azetta = m�tier � tisser ; kanoun = foyer ; taqaat = salle commune ; taaric (taerict) = soupente ; tabburt = porte ; tasga = mur-gouttereau ; tinebdatin = montant de l'entr�e.

Dans cet espace d�gag�, �tait creus�, dans le sol de terre battue, non loin de la porte d'entr�e, un foyer (kanoun) d'environ 40 cm de diam�tre et de 20 cm de profondeur. Autour du foyer �tait dispos�es trois grosses pierres plates destin�es � servir de tr�pied � un r�cipient de cuisson. La fum�e s��chappait par les interstices du toit (14) ou par la lucarne du pignon. Le foyer servait aussi � chauffer la pi�ce en hiver et � faire s�cher les habits lav�s ou mouill�s.

(14) Martial Remond, 1932, Au c�ur de la Kabylie, �d. Baconnier- H�lio, Alger, p. 21.

Fig. 33 - Int�rieur d'une habitation. L'emplacement du foyer � m�me le sol est indiqu� par le triangle de suie qui noircit la paroi au-dessus d'un r�cipient. Carte postale du tournant du XXe si�cle (�diteur : J. Geiser � Alger).

La salle commune �tait aussi un espace de pr�paration des repas, surtout en hiver et dans la journ�e. Un deuxi�me trou, m�nag� dans le sol, �tait destin� au moulin � bras (tisirt).

Le m�tier � tisser (azetta) �tait install� contre la partie la plus �clair�e du mur du fond (tasga), face � la porte d�entr�e.

La nuit, la salle commune devenait dortoir.

Fig. 34 - Femmes kabyles r�unies autour de la meule � bras (tisirt), form�e de deux pierres, celle du dessus tournant sur celle du dessous. Le bl� ou le seigle, vers� dans le trou au centre de la pierre du dessus (non figur� par l'artiste) sort sous forme de farine entre les deux pierres. Gravure. Source : �dition en hongrois, publi�e � Budapest en 1881, du livre en allemand, A N�vil�g (� Le monde des femmes �), d'Amand Schweiger-Lerchenfeld.

3.5.2 L'�table

Situ�e en contrebas de la salle commune, l��table (adaynine) �tait le lieu r�serv� au b�tail (vaches, ch�vres, moutons) la nuit. Sa hauteur, du sol au plafond, �tait d'environ 1,50 m. Le sol, l�g�rement en pente, �tait dall�. Les parois n'�taient pas cr�pies. Le purin s��coulait � l�ext�rieur par un trou (tazoulikht) qui s�ouvrait au ras du sol dans le mur-pignon (15). L��table faisait office de chauffage gr�ce � la chaleur d�gag�e par les animaux.

(15) Ramon Basagana et Ali Sayad, 1974, Habitat traditionnel et structures familiales en Kabylie, �d. SNED, Alger.

Fig. 35 - Lieu non indiqu� : int�rieur d'une habitation � cohabitation de l'homme et du b�tail. Une �paisse cloison basse s�pare la salle commune de l'�table. L'entr�e de l'�table est � gauche (par rapport � l'observateur), elle est occup�e par un mulet ou un �ne. Le trois ouvertures rectangulaires servaient de mangeoires. Un groupe de deux grandes jarres d�cor�es (d'apr�s le nombre d'opercules circulaires dans leur partie inf�rieure) est pos� sur le dessus de la cloison basse. Photo noir et blanc de date inconnue (d�but du XXe si�cle ?).

Il y avait une cloison basse de s�paration (tadekkant) entre salle commune et �table, sauf chez les familles pauvres disposant d'une surface plus r�duite. Trois ou quatre ouvertures r�serv�es dans le mur de s�paration servaient � l'alimentation des b�tes depuis le s�jour.

3.5.3 La soupente

Situ�e au-dessus de l��table, la soupente (taaricht) consistait en un plancher portant sur des poutrelles scell�es � un bout dans le mur-pignon et pos�es � l'autre bout sur le mur de s�paration. Ce plancher �tait enduit d'un mortier � base de terre. On acc�dait � la soupente par un escalier tr�s raide incorporant des niches de rangement d�ustensiles. On y d�posait la paille et le foin pour les b�tes, des provisions dans des jarres en terre crue mais aussi des couvertures, des objets de valeur, des coffres. On la fermait parfois en partie avec des planches et elle devenait alors un endroit plus intime o� les a�n�s des enfants ou les jeunes mari�s pouvaient dormir la nuit.

Fig. 36 - Village de Djebla, commune de Beja�a, habitation restaur�e : escalier menant � la porte de la soupente cloisonn�e au-dessus de l'�table. Les motifs d�coratifs g�om�triques datent de la restauration. Source : Sonia Alili, Guide technique pour une op�ration de r�habilitation du patrimoine architectural villageois de Kabylie, m�moire de magister d'architecture, universit� de Tizi-Ouzou, 2013, p. 17.

3.5.4 Le seuil

Le seuil (amnar) est un espace � l�entr�e, o� se trouve un demi-cercle au sol avec un trou. Il est utilis� par les m�nag�res pour laver la vaisselle ainsi que pour la toilette quotidienne, surtout en hiver. Le seuil est en pente et se termine par une rigole (tazoulikht) pour l��vacuation des eaux us�es.

3.5.5 Les niches

Les rangements sont int�gr�s aux parois de la maison, d�gageant ainsi tout l�espace pour d�autres fonctions. On r�serve, dans les murs, des niches (ikoufenes, singulier akoufi) pour y conserver les aliments : f�ves, figues s�ches, glands. Ces niches sont situ�es � hauteur d�homme afin de ranger les ustensiles, d'exposer des d�corations ou de mettre des bougies.

Fig. 37 - Trois niches (ikoufenes) r�serv�es dans une banquette dans le s�jour d'une habitation. Lieu et date non pr�cis�s. Le noircissement de la paroi entre deux niches est d� � la proximit� du foyer marqu� par la pr�sence d'ustensiles de cuisson. Photo de Germaine Laoust-Chantr�aux, dans Kabylie c�t� femme : la vie f�minine � A�t-Hichem, 1937-1939. Notes d'ethnographie, �disud, Aix-en-Provence, 1990..

3.5.6 La pi�ce d�appointLa pi�ce d'appoint (taghorfet) est une pi�ce situ�e en �l�vation, � usage de chambre ou, parfois, de d�barras. Elle �tait ajout�e au-dessus de l'habitation (axxam) ou du porche (asquif) quand la famille s�agrandissait (� la suite du mariage d'un fils par exemple). On y acc�dait par une �chelle dans la soupente ou par un escalier ext�rieur.

Fig. 38 - Escalier ext�rieur montant � la pi�ce d'appoint (taghorfet). Source : Ourida Iftissen et Thin Hinane Kaci, �valuation du projet de r�habilitation des maisons traditionnelles de Djebla, m�moire de master d'architecture, universit� de B�ja�a, 2017.

Conclusion

Avant que les derni�res axxam ne disparaissent, il est urgent de mettre sur pied une vaste campagne de relev�s architecturaux, d'enqu�tes orales et de fouilles archologiques ax�s sur les t�moins jug�s les plus aptes � nous �clairer sur les origines et l'�volution d'un habitat appartenant d�sormais au pass�.

BIBLIOGRAPHIE

Avertissement : n'apparaissent ici que les titres qui n'ont pas �t� mentionn�s dans le corps de l'article.

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� CERAV, Paris

R�f�rence � citer / To be referenced as :

Fatiha Bennacer
Villages et maisons des Beni-Yenni en Grande Kabylie (Alg�rie) : une architecture vernaculaire chasse l'autre (Villages and houses of the Beni-Yenni in Greater Kabylia (Algeria): a new vernacular architecture replaces an old one)
L'Architecture vernaculaire, tome 42-43 (2018-2019)
http://www.pierreseche.com/AV_2019_fatiha_bennacer.htm
1er avril 2019 / April 1st, 2019

L'auteur : Fatiha Bennacer

- doctorante � l'EPAU d'Alger ;
- sujet de th�se : Contribution � la valorisation des villages kabyles en tant que patrimoine culturel. Cas des villages des Beni-Yenni (sous la direction d'A. A. Abdessamed-Foufa, professeur � l'Institut d'architecture et d'urbanisme de l'universit� Blida 1) ;
- ma�tre-assistante "A", enseignante � l'institut d'architecture et d'urbanisme de Blida, universit� Blida 1.