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Maman, je t'aime... Ma fille, je t'haine...

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  • ️Sun Jun 02 2024

Dans sa tête, Nieve, à la peau blanche comme la neige, est une princesse venue de loin, de Buenos Aires où sa mère est reine. Dans la cour de récré : rien qu’une souffre-douleur sous les coups et les insultes de deux crétins, qui la traitent de « face de craie ». Seuls, pour la sauver, les larmes, puis les pétales blancs et épines d’une rose. Et la lueur de voix de Maman, elle, la toute-présente, la toute-absente.

Fuite renouvelée chaque jour, récréation à l’écart, dans la solitude : Nieve s'est réfugiée dans sa tour d’ivoire. Elle est irréductiblement l'autre, tressant dans un local poubelle les fils d’un interminable scoubidou, tentant parfois d’approcher timidement les filles du marronnier et leur désespérante normalité.

« Rien sous leurs cils. Rien sous leurs paupières déjà fardées. […] Comme si, en lieu et place de mon corps, il y avait un néant que leurs regards fendaient. »

Dans ce qui pourrait faire penser à un conte de fées, Nieve serait Blanche-Neige, sa sœur une « marâtre cinglante ». Et Maman disparue ? Plus qu’un mot, un « son blessé », une voix lancinante, qui somme l’enfant de se faire mal, frapper toujours plus fort. Maman, que Nieve croit un instant reconnaître et saisir dans l’étreinte, mais qui n’est jamais qu’un leurre. Et l’enfant emportée sur un brancard, frappée de folie, assignée à résidence psychiatrique, lorsque, pour elle, « l’envers et l’endroit se confondent ».

Et dans la tête, résonnent, toujours plus forts, les ordres de destruction de la mère, si près pourtant du chant doucereux de la berceuse. Ces ordres de se mutiler pour prouver son amour, d’arracher une épine de sa main, d’aller avec la lame du couteau encore plus profond dans la chair, stigmate, paume entaillée, le sang en flaque.

Comme la narratrice va toujours plus profond pour explorer ce « matériau Maman », elle se perd plus avant dans l’autobiographie, entre les murs de l’hôpital psychiatrique, derrière ses fenêtres, condamnée aux médicaments et à l’infantilisation imposée du quotidien, laquelle est provisoirement rompue par la rencontre de Svet, la bonne fée. La mère, elle, reste objet d’obsession : comment vivre sans elle ?

Instants de fusion. Terreur, toujours, de l’abandon. Et son image : reine bipolaire du conte de fées figée à jamais dans la chambre mortuaire, sa peau se confondant avec le cuir : « Mais qu’avais-je à expier, Maman, sinon le crime de te survivre ? »

Un premier roman magistral. En librairie le 28 février.

Par Auteur invité
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