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Le peintre Josep Bernat Flaugier et l’influence de l’art français en Catalogne au début du XIXe siècle

  • ️Trenc Ballester, Eliseo

Le peintre Josep Bernat Flaugier et l’influence de l’art français en Catalogne au début du XIXe siècle

p. 297-309

Résumés

Rejetant l’image stéréotypée et, pour une bonne part, erronée que R. Casellas avait accolée à J. B. Flaugier au début du siècle (Casellas a vu le Français comme un peintre de l’école de David qui aurait contribué de manière décisive à l’implantation du néo-classicisme en Catalogne), la présente étude offre une analyse, plus riche et nuancée, de son oeuvre. L’auteur souligne qu’on peut distinguer deux époques dans l’oeuvre de Flaugier. S’il est vrai que, après son voyage en France en 1799, on perçoit déjà la marque du néo-classicisme, la principale coupure chronologique se situe en 1808. En effet, jusqu’à cette date, Flaugier, formé picturalement en Catalogne, avait inscrit des thèmes surtout religieux dans un style éclectique qui devait encore beaucoup à la tradition baroque ; au moment même et sous le choc de l’irruption des troupes napoléoniennes dans la Principauté de Catalogne, le peintre provençal abordera toutefois une série d’oeuvres de thème profane —portraits, épisodes de guerre, scènes populaires— qui indiquent une claire inflexion en direction du néo-classicisme, tandis que s’insinuent même, dans certaines toiles, certains traits préromantiques

Frente a la imagen estereotipada y en buena medida errónea que de J.B. Flaugier acuñara R. Casellas a principios de siglo (Casellas vió al francés como un pintor de la escuela de David que habría contribuido decisivamente a la implantación del neoclasicismo en Cataluña), en el presente estudio se ofrece un análisis más rico y matizado de su obra. El autor subraya que en la obra de Flaugier pueden distinguirse dos épocas. Si bien es cierto que tras su viaje a Francia en 1799 se percibe ya la impronta del neoclasicismo, el principal corte cronológico se sitúa en 1808. En efecto, hasta esa fecha Flaugier, formado pictóricamente en Cataluña, había plasmado sobre todo temas religiosos en un estilo ecléctico que debía todavía no poco a la tradición barroca ; coincidiendo con la irrupción de las tropas napoleónicas en el Principado, sin embargo, el pintor provenzal acometerá una serie de obras de temática profana —retratos, episodios bélicos, escenas populares— que suponen una clara inflexión hacia el neoclasicismo, insinuándose incluso en algunas telas ciertos rasgos prerrománticos


Texte intégral

1L’exposition Les élèves espagnols de David au Musée Goya de Castres en 1989 ainsi que la publication d’un excellent catalogue et des actes des journées d’étude Le Néoclassicisme en Espagne (Editions de l’Albaron, Musée Goya, Castres, 1991) organisées par la même occasion, ont marqué un renouveau d’intérêt pour une époque de l’art espagnol très oubliée et déconsidérée (l’arbre Goya masquant la forêt), et un problème, celui de l’influence française, en particulier celle de David, sur la peinture néoclassique espagnole. Malgré les quelques lignes que lui consacra Francesc Fontbona,1 le cas de Flaugier ne fut pas abordé en profondeur à cette occasion. Néanmoins diverses publications récentes nous ont permis de mieux connaître l’oeuvre de ce peintre et de remettre en cause une vision de l’artiste qui en faisait presque un exemple d’artiste français transplanté en Catalogne et y défendant seul l’esthétique davidienne.2

1. La création d’un mythe : Flaugier disciple de David, peintre français néoclassique

2Jusqu’à 1’invasion napoléonienne, la vie de Flaugier est à peu près inconnue. Des recherches documentaires ont permis de savoir qu’il était né, au sein d’une famille de négociants, en 1757 à Martigues, mais après on n’a plus aucun document jusqu’en 1775, année où il obtient un 3ème prix à un concours convoqué par l’« Escola Gratuïta de Disseny » de Barcelone. Son étape de formation artistique nous est donc inconnue et la tradition de son apprentissage dans l’atelier d’un de ses oncles peintre, à Marseille, tient plus de la légende littéraire à la manière de Vasari que de la réalité. De même, son voyage à Paris en 1790, en pleine révolution française, et sa connaissance directe de Jacques-Louis David qui l’aurait protégé est pure invention, puisqu’en 1790 il sollicite, depuis le monastère de Poblet, son inscription au concours des Bourses de séjour à Rome convoqué par la « Junta de Comerç » de Barcelone. Ce qui est intéressant, c’est de voir l’utilisation et l’instrumentalisation de la légende par Raimon Casellas qui consacre en 1910 la première étude importante à notre artiste, étude qui fera autorité pendant cinquante ans.3 Casellas a besoin d’un artiste pleinement néoclassique (l’éducation artistique à Marseille, le contact postérieur avec David de Flaugier garantissent sa légitimité) pour vertébrer sa pensée esthétique autour du principe qui la constitue : la consolidation d’un renouveau de l’art catalan commencé par Antoni Viladomat, continué par ses deux grands disciples Francesc et Manuel Tramulles et consolidé par Flaugier. Comme 1’a bien vu Francesc M. Quílez,4 Casellas reprenait une de ses thèses principales, 1’existence d’une école catalane s’appuyant sur les postulats classiques instaurés par Viladomat, et il le faisait, ce qui n’est pas innocent, à un moment, en 1910, où triomphait le « Noucentisme » fortement marqué de classicisme. Casellas inventait donc une image du peintre français Flaugier qui lui servait, d’une part, de trait d’union avec toute la tradition classique antérieure du début du XVIIIème siècle, et d’autre part, à montrer combien la culture artistique du début du XIXème siècle était moderne à Barcelone, puisqu’elle était en contact direct avec la culmination de l’art néoclassique, la peinture davidienne. Il convient donc de nuancer le jugement catégorique de Casellas, repris en grande partie par Alfons Maseras5 et R Bohigas Tarragó,6 qui apportent essentiellement des données documentaires qui permettent de fixer certaines dates de sa vie, en particulier sa naissance en 1757 et sa mort en 1813. Rafael Benet7 est le premier qui remet en question la vision historico-légendaire de Casellas et qui distingue deux grandes périodes dans l’oeuvre de Flaugier, périodes séparées par un voyage itinérant en France, dans plusieurs villes, sans que F on sache si notre peintre se rendit à Paris, voyage que Quílez situe entre 1797 et 1799. A mon avis, il faut ajouter à cette coupure chronologique une division thématique entre une première époque presque exclusivement consacrée à la peinture religieuse et une deuxième qui correspond à 1’occupation de la Catalogne par les troupes françaises où l’iconographie religieuse disparaît au profit du portrait, de 1’histoire contemporaine et des scènes populaires.

2. Flaugier, peintre éclectique de scènes religieuses

3Flaugier arriva probablement à Barcelone vers 1773, 1774, à 1’âge de 16 ans, bien qu’il ne fût inscrit au consulat français de Barcelone qu’en 1796. Nous avons vu qu’il obtint, en 1775, un prix concédé par l’« Escola Gratuïta de Disseny » de Barcelone, ce qui peut laisser supposer qu’il fut élève de cette école à ce moment-là. On ne retrouve sa trace qu’en 1790 au monastère de Poblet et l’on sait qu’il est actif alors dans la province de Tarragone. Malheureusement ses peintures décoratives religieuses pour 1’ermitage du « Roser » et pour la maison de Ferran Miró, à Reus, et pour le monastère de Poblet ont disparu. Nous savons par le Calaix de sastre du baron de Maldà qu’en 1794 il peint à Barcelone une Extase de Saint Ignace et qu’en 1799, il entreprend une décoration religieuse dans une maison de Horta. Ceci constitue le début d’une époque de grande production de peintures décoratives religieuses (maison de Ramon Vedruna, palais de la Virreina, couvent des Carmelites, couvent des Capucins de Sarrià, coupole de l’ancienne église de 1’Hôpital Militaire) détruites en grande partie, dont certaines nous sont connues par des photographies en blanc et noir et quelques-unes conservées comme L’Annonciation, La naissance de Saint Jean Baptiste ou Le mariage de la Vierge, appartenant au « Museu Nacional d’Art de Catalunya » (MNAC) et une Crucifixion à l’« Academia de Sant Jordi ». Cette peinture religieuse antérieure à 1808 n’est pas, du point de vue du style, purement néoclassique. Si certains visages et le traitement architectural du fond montrent une certaine influence de cette école, le rythme des mouvements et le traitement dynamique des vêtements sont encore pleinement baroques. Les deux dessins du MNAC, Sant Joaquim i santa Anna amb la Verge nena et Sant Sopar montrent bien que Flaugier construit la forme, une forme volumétrique dense, par de nombreuses lignes enveloppantes, technique fort éloignée de la linéarité et de la froideur néoclassiques. Quant à 1’iconographie, que les commanditaires soient la haute bourgeoisie catalane ou 1’église, elle est exclusivement religieuse, et elle montre bien le poids de la religion à la fin du XIXème siècle dans la société catalane et combien Flaugier est loin de l’esprit républicain de la peinture de David. Toutefois l’invasion napoléonienne va lui permettre de s’en rapprocher.

3. Flaugier, « afrancesado » et néoclassique

4Le refus de l’ensemble des professeurs et du directeur de l’Ecole de « Llotja » Jaume Folch, en 1809, de jurer fidélité au nouveau roi Joseph 1er, frère de Napoléon, provoqua leur destitution. Folch fut remplacé par Flaugier qui réunissait les conditions idéales pour le nouveau régime : il était français mais vivait depuis très longtemps en Catalogne où son oeuvre était considérée et estimée. Flaugier demeura directeur de l’école jusqu’à sa mort en 1813, mais la situation de guerre, avec le marasme économique et la crise sociale qui en découlaient, empêcha toute activité pédagogique. Par contre il joua un rôle important dans la tentative de création d’un musée public de peinture sur le modèle français institué par Napoléon. A cette fin, le régime bonapartiste lui confia la difficile mission de confisquer les toiles et objets artistiques des couvents supprimés en Espagne par le décret du 18 août 1809. Certaines des toiles religieuses confisquées par Flaugier et qui ne furent jamais rendues constituèrent l’origine du patrimoine actuel des Musées de Barcelone. L’identification de Flaugier avec le régime mis en place par les Français fut donc totale et ceci se reflète non seulement dans sa vie publique, mais également dans sa peinture. La thématique religieuse va disparaître ou tout au moins diminuer (l’absence de datation des tableaux du peintre ne permettant pas d’être catégorique). A sa place vont apparaître des peintures typiquement pro-françaises, un portrait de Joseph I et trois scènes de la Guerre d’Indépendance, dont une, La Bataille de Molins de Rei (21 décembre 1809), lui fut commandée par le général Chabran, gouverneur militaire de Barcelone, mais aussi des scènes populaires et un ensemble décoratif tiré de la mythologie antique, des épisodes de la vie d’Enée, qui constitue la principale contribution de Flaugier à la progressive pénétration en Catalogne d’un langage figuratif proprement néoclassique, épuré des traits stylistiques baroques de sa première époque. L’oeuvre de Flaugier la plus proche techniquement de David est l’excellent portrait de Joseph I, peint en 1809, fait certainement d’après une gravure française, qui était destiné à présider la cérémonie des jurements de fidélité au nouvoi roi qui eut lieu à l’« Audiencia » (Palais de Justice) de Barcelone. Il s’agit d’un portrait d’apparat où Flaugier, au-delà de 1’apparence glorieuse du personnage vêtu de riches habits, à la mode Empire, révèle sa psychologie mélancolique et plutôt rêveuse. Mais en ce qui concerne les scènes de la guerre d’Indépendance et les scènes populaires peintes à la même époque, on est loin du respect des normes néoclassiques et Flaugier nous apparaît comme un peintre inégal, limité techniquement mais surtout témoin de son temps et fortement marqué par le milieu social dans lequel il vit, ce qui constitue peut-être sa modernité. La thématique de la guerre d’Indépendance constitue un des aspects les plus intéressants de l’oeuvre de Flaugier car paradoxalement une grande liberté artistique s’y trouve unie à une dépendance idéologique. Le corpus est constitué de deux tableaux, La Batalla de Molins de Rei, déjà cité et une Escena de la guerra de la Independència (1809-1812) qui est entrée récemment, en 1992, au MNAC. Ce même musée possède quatre dessins de Flaugier, dont un paraît bien être une étude préparatoire du dernier tableau cité, qui ont tous pour thème le contrôle et la fouille par les troupes catalanes de « miquelets » et de « sometents » qui assiègent Barcelone en 1809, de femmes, paysannes pour la plupart, sensées cacher dans leur vêtement des communiqués de guerre, et qui apparaissent comme victimes innocentes d’outrages et d’atteintes à leur pudeur de la part, paradoxalement, des défenseurs de l’orthodoxie catholique. Dans toutes ces oeuvres Flaugier prend le parti des Français et son but est de ridiculiser la violence et le fanatisme d’un peuple catalan présenté comme une masse anonyme fruste, dirigée et encouragée par des prêtres et des moines (présents dans les deux tableaux) dogmatiques et intolérants afin d’assimiler ce soulèvement au topique culturel d’une archaïque guerre de religion. Néanmoins il y a une fascination certaine de la part du peintre, lorsqu’il décrit la Bataille de Molins de Rei, destinée théoriquement à glorifier la victoire d’un général français, devant le courage et la folie de cette troupe furieuse et indisciplinée de Catalans du peuple, « miquelets » et « sometents » qui acceptent de livrer un combat inégal contre des troupes napoléoniennes disciplinées et bien mieux armées. Dans la façon qu’il a d’exprimer sur la toile ce sentiment guerrier du peuple catalan, on sent la surprise et la perplexité de Flaugier qui ne ridiculise pas les perdants. Au contraire on peut aussi lire le tableau comme un hommage à leur courage et comme une dénonciation de l’absurdité de la guerre comme F a fait Goya si souvent. Au point de vue stylistique, nous sommes loin de la froideur davidienne, et de la même façon que, comme le fait remarquer Enrique Arias Anglés,8 Louis Réau avait parlé à propos de Girodet, Gérard et Gros de dissidents de l’école de David, et de pré-romantiques, Flaugier est dans ces épisodes de la Guerre d’Indépendance en pleine dissidence par rapport aux normes néoclassiques. Par leur violence, leur caractère proche souvent de la caricature, leur caractère profondément local et contemporain et leur expressionnisme ces oeuvres peuvent apparaître comme préromantiques. Le dernier point que je vais aborder, celui des scènes populaires de bal, va accentuer encore ce caractère dissident et éclectique de notre artiste. L’année dernière, en 1994 la « Sala d’Art Artur Ramon », de Barcelone a présenté une exposition et a édité un livre L’albada de la modernitat, qui nous a permis de connaître quatre tableaux de Flaugier qui marquent le début de la peinture « costumbrista » en Catalogne. Il s’agit de trois scènes de bal, une scène de bal de la haute société intitulée Allégorie de l’amour, deux scènes de danse espagnole populaire ayant le même titre Pas de bolero et une scène de dispute dans une taverne. Ce corpus peut être complété par quatre dessins représentant des scènes de bal ou de genre appartenant au MNAC, qui étaient déjà connus. Par rapport aux peintures décoratives ostentatoires et souvent religieuses, comme nous l’avons vu, commandées par les grandes familles catalanes, ces scènes populaires de Flaugier font penser à une nouvelle clientèle laïque bourgeoise, peut-être d’origine française, car ces tableaux datent certainement de l’occupation française, qui abandonne la grandeur et l’ostentation pour une décoration plus intimiste, (tableaux de petit format comparés aux grandes décorations précédentes), gaie et profane. D’autre part, dans le dernier tiers du XVIIIème siècle s’intensifie en Espagne un retour, de la part des classes dirigeantes et de la noblesse, vers les traditions d’origine populaire et nationale comme les bals, les fêtes traditionnelles, la corrida, et la figure emblématique du majo marque bien cette attitude xénophobe. Mais à la différence de ce qui se passe à Madrid, si le phénomène du majismo se généralise à Barcelone au début du XIXème siècle dans les classes populaires, et Flaugier corrobore avec ses deux Pas de bolero le témoignage du Calaix de sastre du baron de Maldà, il n’atteint pas 1’aristocratie qui demeure fidèle à des modèles et des référents visuels issus de la société française post-révolutionnaire, comme le montre la scène de danse aristocratique, l’Allégorie de/’amour. D’un côté, pour les scènes de danse populaire de boléro, les modèles de Flaugier sont la peinture madrilène de la fin du XVIIIème siècle, en particulier la série des cartons de tapisserie commencée en 1774, toute une tradition qui part de Tiepolo pour arriver à Ramon Bayeu et Goya, et là on voit bien que le peintre provençal n’est plus du tout dans une tradition néoclassique, alors que la scène de danse aristocratique pleine de connotations d’élégance, de galanterie et de sensualité évoque la tradition artistique française du XVIIIIème siècle avec toutefois l’adoption d’une mode féminine plus souple, plus simple, proche par le drapé des tissus de la sculpture antique, un style Empire lancé par l’impératrice Joséphine. Flaugier, peut-être grâce à sa qualité d’étranger, demeure neutre, il enregistre les façons diverses qu’ont les Barcelonais de se distraire suivant leur classe sociale respective. Sa peinture est un témoignage précieux sur la sociabilité barcelonaise de la première décennie du XIXème siècle et c’est aussi le premier exemple en Catalogne d’une peinture qui deviendra à 1’époque romantique une peinture de genre stéréotypée, le « costumbrismo ». Mais au début du XIXème siècle ce n’est pas le cas, Flaugier introduit ainsi en Catalogne une nouveauté artistique qui a des implications historiques et sociales car l’intérêt pour les thèmes populaires est lié à la fois artistiquement au goût du pittoresque, à ce nouveau monde insolite du majismo et idéologiquement à l’expansion de l’idéal révolutionnaire avec son substrat démocratique. Ce qui sépare Flaugier de la peinture « costumbrista » romantique postérieure, c’est aussi le traitement formel encore marqué par le langage figuratif froid et rigide du néoclassicisme, proche parfois chez lui de la caricature par l’exagération des gestes, la déformation des visages, la rigidité et l’immobilité des corps qui semblent contredire, comme l’a bien observé Quílez,9 la joie de vivre et l’enthousiasme inhérents à la thématique de la fête et de l’amour.

5La révision toute récente de l’oeuvre de Josep Bernat Flaugier nous éloigne donc de la vision simplifiée et déformée donnée par Casellas au début de ce siècle, d’un peintre néoclassique français davidien qui aurait implanté le néoclassicisme en Catalogne. La réalité est beaucoup plus complexe et nuancée. Flaugier est un peintre certes né en France, mais il effectue vraisemblablement ses études artistiques en Catalogne dans une tradition de peinture religieuse encore baroque malgré la présence de Mengs en Espagne et toute sa carrière se déroulant en Catalogne, il dépend donc des commandes d’une société dont il fait partie et dans une première étape de peinture religieuse qui va jusqu’à la fin du XVIIIème siècle il ne montre pas d’innovations particulières. Il est vrai que son oeuvre postérieure à son voyage en France, après 1799, est fortement marquée stylistiquement par le néoclassicisme et que Flaugier sera un des principaux représentants de ce courant en Catalogne, mais encore faut-il nuancer cette qualification. Si elle s’applique parfaitement à certains cycles de peinture décorative mythologique et au portrait de Joseph I et semble donc recouvrir son étape de « afrancesado » pendant la Guerre d’Indépendance, au même moment apparaît une profonde ambiguïté dans sa vision des scènes de la Guerre d’Indépendance et des bals populaires. Il y a chez lui, à la fois le rejet du fanatisme et de la violence par 1’« afrancesado » éclairé, qui se traduit par l’aspect caricatural de ces scènes, et à la fois la fascination exercée par un peuple catalan qu’il connaît bien, contrairement aux futurs voyageurs romantiques, le respect pour son courage et le goût certain pour le pittoresque de scènes populaires ambiguës idéologiquement car on peut y voir aussi bien le repli sur soi d’une Espagne xénophobe que 1’intérêt pour le peuple provenant des idéaux démocratiques de la Révolution française.


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