Marc Bloch, géographe - Persée
- ️Baulig, Henri
- ️Fri Dec 15 2017
I. - SOUVENIRS ET TEMOIGNAGES
MARC BLOCH GÉOGRAPHE
Ce titre, je pense, n'étonnera personne qui aura lu fyes Caractères originaux de l'histoire rurale française et suivi, 'dans les Annales, les comptes rendus attentifs et bienveillants que Marc Bloch consacrait fréquemment aux travaux, français et aussi étrangers, de géographie agraire. S'il devait quelque chose à la géographie, la géographie, en revanche, lui doit beaucoup.
Il avait pu recueillir l'écho des dernières leçons de Vidal de la Blache ; surtout, il avait lu l'admirable Tableau de la géographie de la France, cette oeuvre étonnante, unique en son genre, où la description évocatrice se marie à l'explication précise en une synthèse inimitable.
Synthèse, c'est bien là l'essence même de la géographie. On a dit que son objet propre était la description explicative des paysages. Je dirais plutôt l'intelligence des milieux terrestres, entendant par milieu le complexe de choses, d'êtres, de forces, de résistances qui, présents en un même point du globe, s'influencent, se conditionnent mutuellement, en donnant naissance à des combinaisons infiniment variées. Ces combinaisons, Bloch en sentait vivement l'originalité, et il savait, à l'occasion, la traduire avec justesse. Témoin ces quelques lignes, empruntées à l'un de ses derniers comptes rendus : <( Je ne connais 'guère, pour ma part, de paysage plus émouvant, par le \ide mêmei, que cette plate campagne, au nord de Bruges, où seules quelques maisons de patriciens, dans de petites bourgades endormies, et, baignées par la fine lumière des Flandres, les massives tours d'églises, destinées visiblement à servir d'amers, aident à évoquer, au milieu des prés et des labours, l'ancien grouillement des navires1. »
Mais l'explication, c'est-à-dire l'intelligence des liaisons, suppose analyse, abstraction, généralisation, raisonnement. L'expérimentation proprement dite, le « raisonnement expérimental » de Claude Bernard lui étant interdite, la géographie, comme l'histoire, en est réduite à l'expérience mentale, au raisonnement appuyé sur l'observation des choses ou des traces qu'elles ont laissées. Elle utilise, comme instru-
i. A H s, II, iq4o, p. 68.