Rutebeuf marchand de croisades et le système de la comptabilité spirituelle : le dit et le non-dit - Persée

RUTEBEUF MARCHAND DE CROISADES ET LE SYSTÈME DE LA COMPTABILITÉ SPIRITUELLE : LE DIT ET LE NON-DIT

L’oeuvre de Rutebeuf est marquée en profondeur par deux séries d’événements successifs : d’une part, la « querelle universitaire » opposant les maîtres séculiers de théologie de l’université de Paris aux dominicains et aux franciscains autour des années 1250 -1259 1 ; d’autre part, les deux croisades dans lesquelles le roi Louis IX – saint Louis – s’était personnellement engagé, à savoir la Septième croisade entre 1248 et 1254 et la Huitième croisade de 1270. Entre ces deux séries, les critiques ont également discerné une « crise Rutebeuf » , crise matérielle et morale, durant l’hiver 1261-1262, évoluant en une crise personnelle et spirituelle, qui se signale à l’attention par deux oeuvres contemporaines, La complainte Rutebeuf et La repentance Rutebeuf. C’est la seconde série, celle de la croisade, qui nous retiendra ici. On ne peut toutefois pas comprendre les onze poèmes qui l’illustrent sans d’abord l’articuler avec la première. En observant la chronologie des événements et des oeuvres de Rutebeuf, on constate que même après 1257, date consacrant la défaite des maîtres séculiers face aux Mendiants et en particulier celle de leur chef Guillaume de Saint-Amour définitivement mis à l’écart par saint Louis, le poète continua à polémiquer violemment et à maintes reprises contre les dominicains et franciscains, au moins jusqu’en 1260. À cette date, le roi est plus que jamais sous la coupe des Mendiants et Rutebeuf qui avait vigoureusement soutenu de ses oeuvres le parti des maîtres séculiers se retrouve dans le camp des vaincus. Dès lors, les commandes des milieux de cour se tarissent pour lui 2. Nous ne possédons certes aucune information biographique sur Rutebeuf