Anacharsis Cloots, l’Orateur du genre humain - Persée

ANACHARSIS C LOOTS L'ORATEUR DU GENRE HUMAIN

«L’infortuné, l’innocent, le pacifique Anacharsis Cloots », pour Michelet. Pour Mathiez, un opportuniste vaniteux : «Il se lança dans la mêlée avec la double préoccupation d’attirer sur lui l’attention par des idées neuves et extraordinaires et de se ménager cependant l’amitié des hommes en réputation ». Et plus loin : «Anacharsis n’eut jamais que la sincérité de l’homme de lettres qui fait la roue devant le public » (1). Pour les contemporains comme pour les historiens, «un original ». Mais là s’arrête l’accord.

En fait, le grand visionnaire que fut ce banquier cosmopolite, demeure un incompris de l’histoire. Seul Jaurès, porté par sa chaleur humaine et sa large vision de l’évolution historique, a compris, dans son Histoire socialiste de la Révolution française , ce que les antici¬ pations d’Anacharsis Cloots pouvaient avoir de réaliste : ce grand visionnaire n’était pas un rêveur.

I. L’Orateur du genre humain

Anacharsis Cloots naquit vers 1755 dans le petit pays de Clèves, tout près de la frontière de Hollande, sous domination prussienne depuis un siècle, d’une famille hollandaise d’origine, enrichie dans le commerce des Indes. Son père, depuis 1748, était conseiller secret du roi de Prusse, Frédéric II ; en 1755, la baronnie fut accordée à la famille. Le jeune Jean-Baptiste (car tel était son nom de bap¬ tême) subit surtout l’influence de son oncle maternel, Cornélis de Pauw, chanoine, qui se piquait de philosophie et eut, en son temps, une certaine renommée : Sébastien Mercier ne le place-t-il pas, dans son Tableau de Paris, au même rang que Voltaire !

(1) Albert Mathiez, La Révolution et les étrangers. Cosmopolitisme et défense nationale, Paris, 1912, chap. IV.