Les ratés de l’histoire. Une manifestation sans suites : le 17 octobre 1961 à Paris - Persée

BR I G I TTE GA Ï T I

Sociétés Contemporaines (1994) n° 18/ 19 (p. 11-37)

11 LES RATÉS DE L’HISTOIRE

UNE MANIFESTATION SANS SUITES : LE 17 OCTOBRE 1961 À PARIS

Vichy, la guerre d’Algérie, mai 1958 sont des illustrations exemplaires de ces moments d’un passé récent et pourtant enfoui, périodiquement redécouvert et rééclairé (Rousso, 1987, Stora, 1991), objet de controverses politiques et scientifiques renouvelées. Or, tous ces épisodes ont connu des usages convergents : entre autres celui d’attenter, chacun à leur manière, à la figure légendaire du général de Gaulle, celui d’affaiblir, de fragiliser et de dénoncer une construction de toute l’histoire de la France de l’après 1940 autour de son rôle et de son nom – que celuici d’ailleurs soit loué ou honni. Interprétation embarrassée de l’épisode vichyste, minimisation de la résistance intérieure et de la collaboration, oubli organisé du rôle décisif des dirigeants de la IVe République, des partisans de l’Algérie française et des militaires dans le rappel du général de Gaulle au pouvoir en 1958 (Gaïti, 1992), rationalisation des hésitations dans la conduite de la politique algérienne et silence autour d’une « guerre sans nom » (Rotman, Tavernier, 1992) 1 : la mise en légende gaullienne a longtemps contrarié toute histoire autre qu’une histoire officielle (Nora, 1992) 2 et ces épisodes qui échappent partiellement à l’intrigue sont voués à