Jean A. Gili, le Cinéma italien
- ️Frappat, Marie
- ️Thu Mar 01 2012
1Le beau livre de Jean A. Gili sur le cinéma italien, qui avait paru une première fois en 1996 dans la collection de Patrick Brion consacrée au cinéma chez La Martinière, ressort aujourd’hui dans une édition revue et augmentée. Le « renouveau » du cinéma italien de ces quinze dernières années, de La vie est belle à Nos meilleures années, du Sourire de ma mère à Il Divo, justifiait à lui seul cette reparution enrichie.
2L’ouvrage reprend son parcours chronologique en cinq parties : « 1896-1929, Grandeur et décadence du cinéma muet italien » ; « 1930-1944, Chemises noires et téléphones blancs » ; « 1945-1959, L’expérience décisive : le néoréalisme et sa descendance immédiate » ; « 1960-1980, L’âge d’or du cinéma italien » ; la dernière partie, considérablement étoffée et rebaptisée « De la crise au renouveau », couvre ces trente dernières années. Chacune comporte une introduction historique générale rappelant les grandes tendances du cinéma de l’époque, les principaux genres, les conditions économiques dans lesquelles il évolue, les rapports avec le pouvoir et avec la société dans son ensemble. Puis chaque film choisi (cent quatre au total dans cette édition) bénéficie d’une longue fiche détaillée.
3L’auteur ne s’est pas contenté d’ajouter les films les plus récents, il en a aussi profité pour réintroduire une dizaine d’œuvres qui avaient semblé manquer à la première édition – éternel problème des anthologies – comme Sole (1929), le Fanfaron (1962), le Bon, la Brute et le Truand (1966) ou Une journée particulière (1977). De même, il a approfondi les notes qui faisaient contrepoint aux fiches des films en proposant de nouvelles citations d’acteurs, de réalisateurs, en évoquant ici ou là leur accueil critique, et en effectuant de nombreuses mises à jour, notamment pour les films muets, sur l’état des copies et les dernières restaurations.
4L’illustration reste riche, mais elle est légèrement modifiée et épurée. La mise en page est aérée, modernisée et sans doute clarifiée. La couleur est beaucoup plus présente, et ce dès la couverture, mais on peut regretter que la qualité de reproduction des images soit inégale et que certaines d’entre elles apparaissent légèrement ternes ou floues. Quant à la qualité principale de ce livre, elle reste inchangée : il offre toujours un voyage cinématographique à travers l’Italie du XXe siècle, menant des rivages d’Inferno (1911) à la Rome d’Habemus papam (2011), de Miracolo a Milano (1949) à la Campanie de Gomorra (2008), des Ultimi giorni di Pompei (1926) à la Rimini d’Amarcord (1973). Ce voyage, ponctué de rencontres avec Roberto Rossellini, Vittorio De Sica, Luchino Visconti, Federico Fellini, Michelangelo Antonioni, Pier Paolo Pasolini, Bernardo Bertolucci, Ettore Scola, Moretti, Marco Bellocchio, incite le lecteur à se plonger ou se replonger dans les films de ces cinéastes et lui montre toutes les contrées qu’il reste à découvrir.
5Dans sa préface, Scola dresse un beau portrait de l’auteur et le résume par ce mot de « susciteur » : à la fois universitaire, historien incontesté du cinéma italien, critique à Positif, délégué général du festival du cinéma italien d’Annecy dont il a été l’un des fondateurs, personne ne connaît mieux que lui toutes les facettes du cinéma de la péninsule, dont il a accompagné l’évolution et dont il est le promoteur infatigable, fidèle et passionné depuis des années. Dans les dernières lignes de sa postface, Jean A. Gili finit par dévoiler, très pudiquement, quelques éléments de son histoire personnelle, ses premières expériences en tant que jeune spectateur dans la ville de Nice au lendemain de la guerre et son attirance pour un cinéma qui le ramenait à ses origines paternelles. Il admet ainsi que « ce parcours à travers le cinéma se veut à la fois un travail de connaissance et de réflexion mais aussi un voyage sentimental, un parcours balisé où les données objectives et les analyses croisent les émotions et les souvenirs ». Le lecteur l’y suivra avec beaucoup de plaisir.