Guider pour protéger : les sols forestiers dunaires témoins de l’hi...
- ️Robert, Laurence
- ️Fri Dec 30 2022
Résumés
La pointe de Gatseau, au sud de l’île d’Oléron (Charente-Maritime), est formée sur sa côte ouest de dunes boisées indissociables de l’urbanisation de la côte est et du développement touristique. Son évolution rapide en fait un lieu idéal d’exercice pédagogique pour retracer l’histoire d’un paysage littoral. Le sol y a été façonné par la fixation du sable au xixe siècle pour protéger les habitations grâce à des palissades et à la plantation forestière. À la fin du xxe siècle, l’érosion littorale induit cette fois un recul du trait de côte et la disparition de ce sol récent, obligeant à un nouveau rapport aux espaces dunaires et forestiers. L’analyse de documents d’archives mobilisée ici montre pour chaque période les flux de matière, leur gestion, les objectifs de développement affichés et leur traduction dans les paysages littoraux. Ce faisant, l’article explicite les cadres de pensée qui ont façonné ces sols et ces paysages, entre volonté de maîtrise des éléments et acceptation de l’impermanence du paysage.
The Pointe de Gatseau, in the south of the island of Oléron (in the region of Charente-Maritime), is formed on its western coastline by wooded dunes that cannot be dissociated from the urbanisation of the east coast and the development of tourism. Its rapid transformation makes it ideal for studying the history of a coastal landscape. The topsoil was shaped by the fixation of the sand dune by means of palisades and forest planting in the 19th century intended to protect the houses. At the end of the 20th century, coastal erosion led to a retreat of the coastline and the disappearance of this recent topsoil, establishing a new relationship with the dunes and forest areas. The analysis of archive documents shows the movements of materials in each period, their management, the development objectives and how all of this translated into coastal landscapes. By so doing, the article explains the notional frameworks behind the shaping of these topsoils and landscapes which have alternated between seeking to control the elements and accepting the impermanence of the landscape.
Texte intégral
1Sur l’ensemble des îles du Ponant – situées dans l’Atlantique, de la Bretagne à la côte charentaise –, l’île d’Oléron est la plus méridionale et la plus vaste (178 km2). Elle se situe dans les pertuis charentais, entre l’embouchure de la Charente et l’estuaire de la Gironde mais aussi entre les grands ensembles dunaires vendéens et aquitains. Les paysages littoraux ont ici connu une forte mobilité au cours du temps. Ce projet s’intéresse à la mobilité de l’ensemble dunaire de la pointe de Gatseau, au sud de l’île (Saint-Trojan-les-Bains), aujourd’hui couvert d’une forêt domaniale gérée par l’Office national des forêts (ONF) (figures 1a et 1b).
Figure 1a. Localisation du site, carte topographique au 1/25 000
Un bourg enclavé au carrefour de trois milieux peu maîtrisables : la mer et le pertuis de Maumusson, la dune mobile, le marais. Dans ce contexte, jusqu’au milieu du xixe siècles, c’est la commune la moins peuplée de l’île.
Source : IGN.
Figure 1b. Extrait de la carte géologique de la France au 1/50 000
Source : Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).
2À la question « peut-on assimiler les dunes ici considérées à des sols urbains », nous répondons par l’affirmative.
3D’abord en quoi est-ce des sols ? La question n’est pas simple, et d’ailleurs depuis longtemps des chercheurs, notamment en géographie physique (Philippon et Salmon, 1995), se la sont posée. Outre le caractère particulier du support sableux, selon les disciplines (pédologie, écologie, agronomie, géographie, aménagement…) le vocable sol n’a pas la même signification. Par-delà ces divergences, un consensus semble se dégager autour d’une idée-force qui a retrouvé beaucoup de vigueur depuis quelque temps : le sol est une entité vivante, son état n’est pas figé, mais en constante évolution sous les effets conjoints des phénomènes naturels (physiques, chimiques, biologiques) et anthropiques. Dès lors qu’un processus de végétalisation est engagé, il convient d’utiliser ce terme. En l’occurrence, les dunes qui longent la plage de la Giraudière jusqu’à la pointe de Gatseau se végétalisent : en effet, lorsque l’on s’éloigne de la plage, très vite des éléments organiques s’installent dans un milieu sableux, au départ principalement minéral. On peut donc considérer qu’un sol y est en formation (pédogénèse), voire formé, grâce à l’action mécanique des racines, l’apport progressif d’humus, l’activité biologique… ; un substrat vivant, dynamique, en évolution constante, mais un milieu fragile du fait de sa nature sableuse. En outre, les franges sableuses étudiées ici répondent bien à l’usage du terme dans le langage commun, relayé par les définitions données par les dictionnaires : « Partie superficielle de la croûte terrestre, à l’état naturel ou aménagée pour le séjour de l’homme » (Le Petit Robert, 2002, p. 2443) et « sur laquelle on se tient et se déplace » (Trésor de la langue française informatisé – TLFi). Elles ont été aménagées plus qu’il n’y paraît – façonnées même de toutes pièces par l’action humaine – et leur surface est pratiquée, arpentée, expérimentée par les hommes qui s’y promènent ou y habitent.
4Cela conduit à la 2e partie de la question, en quoi ces sols sont-ils urbains ? Stabilisées par des plantations donnant naissance à une forêt domaniale, les dunes ici considérées vont former le cadre d’un développement touristique et urbanistique nouveau, que de fait elles suscitent et permettent. Elles sont un catalyseur de la mise en tourisme de la commune de Saint-Trojan. Cet espace dunaire désormais stable et – du moins le semblait-il – protégé des attaques de l’océan offre un cadre privilégié pour le développement résidentiel qu’entraîne l’activité balnéaire (cf. infra). Le village de Saint-Trojan s’étend progressivement sur ses bordures, sur les dunes anciennes et le sol dunaire devient de fait, dans ces nouveaux quartiers, un sol urbanisé.
5Si ces dunes de Saint-Trojan sont indissociables de l’urbanisation de la société au sens spatial du terme (lotissement, étalement urbain…), elles le sont aussi dans un sens plus large, social et culturel (modifications des modes de vie…) : depuis une cinquantaine d’années, pour de nombreux chercheurs, l’urbanisation signifie homogénéisation du territoire et production d’espaces/de sociétés finalement assez proches de ceux de la ville (Rambaud, 1969). C’est un processus qui recouvre différents phénomènes dont le tourisme considéré comme un type d’urbanisation, une invention citadine (Coëffé, 2010 ; Cloarec, 1998) :
« […] la dispersion de la ville, de la ville-d’après-le-travail, le plus souvent dans la campagne » (Rambaud, 1969, p. 153).
« L’urbain reste encore [trop ?] souvent confondu avec la ville, objet culturellement situé dont l’existence est tirée de sa forme matérielle (compacité) et de sa “masse”. Or les lieux touristiques donnent à voir d’autres situations urbaines, […] dont les composants urbains sont agencés de manière singulière par les acteurs. […] Les lieux touristiques ne sont pas forcément moins urbains que la ville, ils sont urbains autrement » (Coëffé, 2010).
Ainsi, l’ingénierie et l’énergie déployées pour édifier et fixer les dunes de Saint-Trojan n’ont pas produit des paysages urbains « au sens où on l’entend ordinairement, mais [des paysages qui] contiennent de la substance urbaine dans la mesure où ils sont d’abord habités par des touristes, acteurs portant une culture urbaine (Deprest, 1997 ; Équipe Mit, 2002 ; Stock, 2004) » (ibid.), marquée notamment par le loisir et les pratiques récréatives. Les dunes boisées ont vu leur fonction productive régresser fortement pour devenir un espace de loisirs, une source de délectation, de ressourcement, de dépaysement pour ses usagers – citadins en vacances, touristes de passage… – qui l’habitent en quelque sorte de manière urbaine en s’adonnant – entre autres activités – à la promenade en forêt et en projetant sur celle-ci leurs valeurs, leurs attentes, leurs désirs. « Un désir de rupture dans le quotidien des citadins » (Pickel-Chevallier, 2015, p. 28) qui trouve à s’assouvir jusque dans les lieux a priori les plus éloignés du modèle urbain, telles les dunes de sable boisées de Saint-Trojan (figure 2).
Figure 2. La forêt dunaire érigée en « salon d’hiver », lieu de divertissement et de sociabilité pour des citadins en villégiature
Source : Delcampe.net, date inconnue.
- 1 Différents types cohabitent : réservoirs de biodiversité pour les naturalistes, espaces ayant vocat (...)
- 2 Nous rencontrons ici la caractérisation du sol urbain proposée par Barles et al. (1999, p. 278).
- 3 La mention « côte sauvage » présente dans les guides touristiques ou sur les cartes postales pour q (...)
6Urbain au sens matériel et idéel du terme, objet de représentations et d’usages divers1, le sol de ces espaces est ici considéré comme une archive morphologique2 offrant l’opportunité de découvrir l’histoire de ces néopaysages. Nous montrerons que lorsque les habitants permanents de l’île, les résidents secondaires, les touristes de passage se promènent dans cette forêt domaniale et marchent sur le sol de ces dunes, ils foulent de leurs pieds sans le savoir des vestiges racontant l’histoire du littoral. Une histoire anthropique car, tandis que la naturalité de ces paysages semble au prime abord une évidence (figure 3), cet espace à très forte mobilité est un trompe-l’œil : il a été créé de toutes pièces par l’homme, et notamment par une ingénierie publique puissante qui s’est déployée ici comme sur de nombreux espaces dunaires de cette région (Brémontier, 1796). Explorer les actions conduites autour du sol, leurs ressorts et leurs effets notamment paysagers conduit à déconstruire la représentation « naturelle3 » communément attachée à ces dunes boisées.
Figure 3. Quand la palissade de 1889 est révélée
La disparition de la végétation à proximité de la mer qui avance découvre une ligne de crête caractéristique. Celle-ci ne manquera pas d’éveiller des soupçons chez un observateur informé et au regard aiguisé.
Source : Laurence Robert, 2021.
De la forêt à la mer : les paysages dunaires de la pointe de Gatseau en 2022
Dans la zone boisée, les palissades ne sont pas immédiatement perceptibles même si leurs fondations sont probablement encore très bien conservées, tout au moins pour celles non érodées par la mer. La présence de la forêt brouille le regard : le promeneur progresse à travers un peuplement dense d’arbres et d’arbustes – arbousiers, cistes à feuilles de sauge, troènes, immortelles des dunes, pins maritimes, chênes verts… ; il chemine sur des sentiers sableux ondulant au gré de la topographie, faisant l’expérience d’un modelé dunaire bien réel. Attentif et informé, il ressentira alors des lignes de crête, espaces linéaires et relativement plans, évoquant la continuité et la longitudinalité des palissades.
En se rapprochant du littoral, la palissade la plus récente (1889), encore partiellement émergée, est située maintenant dans un secteur plus ouvert, aux arbres épars. Présentant la particularité de retenir l’eau par son relief, une végétation de milieu humide s’est installée côté océan : aulnes, saules, ormes… La disparition de la forêt a ouvert le paysage, dévoilant à l’arrière-plan une dune dont le sommet rectiligne et horizontal évoque ladite palissade.
Sur le littoral, une multitude de pins morts sur pied ou couchés par le vent retiennent avec fragilité la dune presque complètement érodée. Beaucoup de bois morts jonchent le sable, les systèmes racinaires des arbres sont à nus dans un paysage de désolation où seules quelques graminées se sont naturellement ressemées. La palissade de la Libération (1948) est détruite et celle de 1889 s’enfonce progressivement dans la mer, notamment du côté de la pointe de Gatseau.
7Le pas de temps choisi est celui d’une histoire pédologique et paysagère étonnamment courte – du xixe au xxie siècle. Cette période aura été marquée par deux grandes phases de « travaux de défense contre l’océan » (Lafond, 1900) sur la frange littorale du sud de l’île d’Oléron, correspondant à des gains puis des pertes rapides de sol. La découverte et l’analyse de la fabrique historique et actuelle de ces formes littorales prennent appui sur les données produites par le workshop d’une semaine (octobre 2021) rassemblant des élèves de deux écoles de paysage, l’Institut Agro Rennes-Angers et l’École nationale supérieure de paysage de Versailles, encadré par les auteurs ; un travail de terrain collectif complété par l’analyse de documents anciens mis en ligne et consultés sur différents sites internet (Bibliothèque nationale de France, Archives départementales…) ainsi qu’une recherche bibliographique. Deux documents ont constitué une mine d’informations sans lesquelles ce texte n’existerait pas. Le numéro 9 de la revue Les Cahiers d’Oléron (2002), mis à notre disposition par Gérard Chagneau, rassemble des documents historiques d’une richesse incomparable. Par ailleurs Sylvine Pickel-Chevalier (2015) propose une lecture historique fouillée du développement touristique de Saint-Trojan-les-Bains. Qu’ils soient ici infiniment remerciés.
8L’article explore l’histoire de ce site et des actes qui en ont créé et façonné le sol, de manière chronologique, en entrelaçant lutte contre l’océan et développement touristique. Le xixe siècle voit les premières actions de fixation du sable et l’ébauche d’une vocation touristique, avant que la forêt, établie sur ce sol nouveau, ne s’affirme. La fin du xxe siècle voit la perte du sol sous l’effet de l’érosion littorale, obligeant à un nouveau rapport aux espaces dunaires et forestiers. L’article s’intéresse pour chaque période aux flux de matière, à leur gestion et leur traduction dans les paysages littoraux. Ce faisant, il explicite les cadres de pensée qui ont façonné ces sols et ces paysages.
Une alliance entre Éole et les hommes : fixer le sable et fabriquer du sol
Une politique nationale de gestion du risque naturel
9Dès la fin du xviiie siècle au niveau national, la lutte contre le sable devient un enjeu sur la côte atlantique (Bertali et al., 2002) conduisant à prendre des mesures qui visent à maintenir le couvert végétal sur les dunes (réglementation des coupes de bois et du pâturage…). Les ingénieurs des Ponts et Chaussées (puis des Eaux et Forêts) chercheront à fixer les sables puis à guider et contrôler les processus sédimentaires.
10Des expérimentations sont menées sous la houlette de Nicolas-Thomas Brémontier (1738-1809), ingénieur des Ponts et Chaussées, qui imagine un dispositif de palissades dessinant des lignes parallèles à l’océan et permettant la fixation des dunes bordières (Brémontier, 1796). Les palissades sont des pieux, planches ou palisses espacés de 5 à 10 cm dont la mise en place permet le développement de dunes artificielles. Le sable projeté contre les pieux par le vent s’écoule doucement par les interstices et constitue une dune à l’arrière. Lorsque la hauteur des pieux est atteinte, si l’on veut élever la dune davantage, on recommence l’opération (figure 4).
Figure 4. Schéma de principe de la palissade de Médéric de Vasselot de Régné
1 - Premier niveau de palissade ; 2 - Deuxième niveau de palissade ; 3 - Cordon de correction destiné à élargir la base de la dune ; 4 - Deuxième cordon de correction ; 5 - Cordon de correction pour se rapprocher du profil définitif ; 6 - Troisième niveau de palissade ; 7 - Nouveau cordon de correction destiné à élargir la base ; 8 - Plantation d’oyats ; 9 - Cordon de correction destiné à former le plateau en arrière de la palissade.
Source : Les Cahiers d’Oléron, n° 9, 2002, p. 15.
- 4 Décret de 1810 relatif à la fixation des dunes.
- 5 Au fil des années et au vu des résultats, les manières de faire, les techniques et les matériaux (i (...)
11Cette conquête prométhéenne mais attentive aux éléments s’appuie sur des palissages mais également sur des travaux de plantation et d’ensemencement pour stabiliser la dune4. Dans ce projet, la végétation tient une place fondamentale et des ateliers (bandes parallèles au rivage) de reboisement sont conduits en sus de la mise en place d’un système de palissades et l’édification des dunes5 : des oyats (entre autres) sont plantés sur les dunes pour fixer le sable à l’aide de leur réseau racinaire ; puis des pins maritimes sont plantés à l’arrière des dunes. Ces plantations parachèvent le projet. La stabilisation du sol conduit à l’installation d’un paysage forestier. En somme, toute une ingénierie de grande envergure se développe, qui va façonner les paysages dunaires tant appréciés des touristes, et au-delà la topographie des rivages.
« De Saint-Trojan sous les sables6 » à Saint-Trojan-les-Bains
- 6 Ibid.
12À Saint-Trojan, les premières mesures (xviie-xviiie siècle) visant à limiter le pâturage, les coupes de bois et le défrichement, voire obligeant (corvées) les habitants à planter, à ensemencer les dunes pour tenter d’en fixer le sable, ne suffisent pas à enrayer la progression du sable. Un vaste programme de travaux est donc engagé. Entre 1825 et 1970, 7 palissades seront successivement érigées (figure 5), soit un linéaire d’environ 50 km, couvrant une surface forestière de 1 150 ha gagnés sur la mer (Bertali et al., 2002).
13L’engraissement par la fixation des apports de sable s’accélère à partir de 1840, fabriquant un paysage dunaire forestier de grande ampleur. Les apports massifs de sable par le vent conjugués aux efforts humains de fixation des dunes engendrent une progression du trait de côte vers l’ouest de près de 2 km en un siècle (Gouquet, 2018). Reporté sur un certain nombre de cartes récentes de l’île – dont le 1/25 000 IGN (figure 1) – le terme palissade désigne les lignes de crête de ces accumulations dunaires calibrées pour atteindre des dimensions standardisées : « la dune doit être assez élevée pour offrir un abri efficace, et assez épaisse pour résister aux flots » selon l’administration des Eaux et Forêts de l’époque (Lafond, 1900). Ce motif crée un paysage dunaire à l’emprise conséquente, à la topographie particulière (figures 6 et 7) :
« La forêt, qui a les ondulations de la mer, en a aussi la voix : elle gémit ou gronde et garde comme une résonnance du brisement des vagues sur la grand’côte » (Fage, 1891).
- 7 Le sable devient un risque à partir du xve : « À Saint-Trojan, paroisse de laboureurs et de saunier (...)
14S’il s’agissait au départ, i.e. à partir de 1825 (construction des premières palissades, dont en 1832 celle dite des Ponts et Chaussées et création des ateliers de semis), de protéger ce qui n’était qu’un village7 de l’ensevelissement par les sables et de produire du bois et de la résine, très vite l’enjeu n’est plus de même nature, car ce que l’on appellerait aujourd’hui gestion du risque naturel se situe dans un contexte de progression du tourisme balnéaire, corrélé au développement des villes et à l’industrialisation au xixe siècle. Cela sera explicitement mis en avant par le Touring Club de France à propos d’Oléron :
« C’est le séjour idéal pour ceux qui recherchent avant tout le repos, qui veulent refaire leur provision de forces et désintoxiquer leurs poumons saturés de l’air vicié des agglomérations citadines » (Cadars, 1932, p. 127).
15Cependant, l’engloutissement sous les sables dunaires d’une partie du littoral français dès lors investi par les populations urbaines à des fins de loisir (Corbin, 1988) continue et la fixation des sables prend alors une autre signification : elle crée de nouveaux espaces de villégiature, lotissements balnéaires et espaces de promenade. À chaque étape du processus de balnéarisation de Saint-Trojan, rebaptisé en 1898 Saint-Trojan-les-Bains, la vaste forêt domaniale façonnée par la lutte contre le mouvement des sables est une ressource à la fois matérielle et immatérielle.
La nouvelle forêt littorale, haut lieu touristique
- 8 « Balnéarisation complète d’un village, défini par l’assimilation de fonctions touristiques et urba (...)
16Alors que le village se transforme en station-village8 (xixe siècle-1935), la vaste forêt dunaire s’ouvre aux pratiques touristiques (figure 8). Elle constitue un écrin pour les plages de la côte dite sauvage (figure 9) fréquentées dès le xixe siècle par les familles en villégiature venant des villes voisines.
« À trois kilomètres du village, se trouve la plage de la Giraudière. Elle est magnifique, immense, elle s’étend à perte de vue se confondant avec l’horizon, bordée par la profonde forêt domaniale de pins née de la lutte de l’homme contre l’envahissement du sable. […] Le climat et la forêt de pins ont fait de Saint-Trojan une station climatique déjà renommée » (Cadars, 1932, p. 125).
- 9 Dès la fin du xviiie siècle, la médecine vante les bienfaits des bains de mer. Un médecin de Saint- (...)
17La forêt offre un cadre « naturel » aux belles villas qui s’implantent à Saint-Trojan sur la côte est, comme aux établissements hôteliers construits alors dont deux grands hôtels, celui des Bains (1860) et celui de la Forêt et des Deux Plages (centre du village, 1895) dont le nom fait explicitement référence à l’espace ici analysé. La forêt participe des présumées vertus thérapeutiques des bains de mer et de l’air en contribuant à créer un climat sain sur un territoire à la vocation sanitaire affirmée et reconnue9. Elle est le lieu de l’invention et du développement d’une pratique récréative, la marche, qu’il s’agisse de se promener, de déambuler en forêt ou d’aller jusqu’à la plage (figures 10 et 11) : un chemin de traverse est dessiné pour relier Saint-Trojan à la mer dénommé « la route de la côte sauvage » ; le réseau de cheminements et certains équipements créés initialement pour l’exploitation de la forêt sont utilisés à d’autres fins.
Figure 10. Au Bord de la Mer – Un Coin de la Forêt : la rencontre de 2 motifs naturels
Source : Delcampe.net, date de la correspondance 1907.
Figure 11. Le pont des soupirs
La topographie dunaire produite par les palissades, réinterprétée à la manière de l’art des jardins romantiques.
Source : Delcampe.net, date de la correspondance 1917.
- 10 Utilisé également pour donner l’alerte en cas de naufrage.
18Ainsi, le belvédère, ancien observatoire forestier10, érigé sur une butte dans les plus anciennes dunes et haut de 40 m, assimilé à « une tour Eiffel en miniature » (Guide de l’île d’Oléron illustré de 1907, p. 20) offre une vue imprenable. C’est une excursion connue et appréciée des touristes, conforme à la pensée et à la sensibilité paysagères de l’époque (délectation panoramique à partir d’un point haut, à l’origine des tables d’orientation…).
19Outre sa fonction touristique, la station maintient son activité médicale qu’elle oriente vers le bien-être des enfants (figure 12) avec toute sa gamme de soins : sanatorium (1896), préventorium Lannelongue (1922), aérium (1924).
Figure 12. École en plein air, préventorium Lannelongue, Saint-Trojan
Source : Delcampe.net, date inconnue.
- 11 Pour autant, cette extension n’atteindra pas la côte océane. Elle est heureusement pour partie bloq (...)
20Pendant les Trente Glorieuses (1945-1975), la forêt trouvera une place de choix dans cette station balnéaire au profil familial dont la population en quête de calme et de nature appartient majoritairement à la petite bourgeoisie (Pickel-Chevalier, 2015). Attachée à cette image, la commune résiste au mouvement de démocratisation du tourisme. Il n’en demeure pas moins que les lotissements se développent11 et que la fréquentation des dunes boisées décuple avec l’ouverture du reste de l’île d’Oléron aux classes populaires et moyennes. Un des marqueurs en est la création en 1963 du petit train de Saint-Trojan-les-Bains (figure 13) : une ligne à vocation touristique traversant la forêt jusqu’à la plage, qui est une attraction à part entière très populaire.
Figure 13. Le petit train de Saint-Trojan – carte postale et commentaires des vacanciers au verso
Source : Delcampe.net, date de la correspondance 1980.
Accompagner le recul du trait de côte : un nouveau rapport aux éléments « naturels »
Un trait de côte en fort recul
21Depuis le milieu des années 1970, le site connaît un retournement dynamique ; l’accrétion a laissé place à une érosion rapide, entraînant un recul du trait de côte estimé à plus de 20 mètres par an. Ce n’est plus l’arrivée massive de sable qu’il faut gérer mais l’érosion et l’on assiste à la disparition progressive de ce paysage de dunes palissées et du milieu forestier associé (figures 14 a et b).
Figure 14a. Le recul du trait de côte expose directement la forêt à l’océan
La vision des systèmes racinaires mis à jour est impressionnante.
Source : Laurence Robert, 2021.
Figure 14b. Le recul du trait de côte de 1945 à 2016
Sources : IGN ; auteurs : Fanny Bliard, Xavier Bertin (Littoral Environnement et Sociétés, LIENSs) – UMR 7266 – CNRS.
22Les services de l’ONF accompagnent l’impermanence des lieux, le recul du trait de côte et la disparition des sols. Les palissades de 1970 puis celles 1948 ont déjà disparu, immergées totalement dans l’océan ; celle construite en 1889 est en cours d’érosion et en passe d’être engloutie par la mer. Les quatre plus anciennes sont encore en place (figure 15).
Figure 15. Au sud de l’île d’Oléron, emplacement (lignes de couleur) et disparition progressive des palissades
Sources : IGN ; auteur : Christophe Rollier, ONF, responsable Unité territoriale de Vendée, 2012.
23La voie ferrée du petit train de Saint-Trojan est régulièrement raccourcie, tout comme les chemins d’accès à la grande plage.
« Ici, on a jusqu’à au moins 20 m par année de recul du trait de côte. Moi ça fait 6 ans que je suis là. J’ai vu 120 m partir ! […] On perd même de la forêt aujourd’hui. […] On peut tout perdre. On doit s’y préparer. […] C’est une forêt de protection avant tout » (Laurent Perchaud, technicien ONF, 2021).
- 12 Ces faits font l’objet d’un suivi très précis dans le cadre notamment de l’Observatoire de la côte (...)
24Face à ce qui relève d’une perte de matière et de territoire12, les actions conduites sont de nature bien différente de ce qu’elles ont été par le passé sur ce littoral, même si elles ont en commun de se défendre contre l’océan et ses aléas et d’être une réponse à un même enjeu : protéger le territoire d’une commune touristique et ses habitants. Certains enrochements ont été réalisés là où des enjeux économiques étaient menacés du côté de Gatseau (figure 16). En revanche, de tels aménagements sont exclus sur la grande plage, face à l’océan, loin de tout établissement humain (figure 17).
Figure 16. L’érosion abîme l’extrémité de l’enrochement réalisé pour conforter l’assise de la voie du petit train
Source : Laurence Robert, 2021.
Figure 17. Les bois morts utilisés pour édifier des cabanes sur la grande plage
Source : Laurence Robert, 2021.
25De 1975 à 1999, le développement touristique de Saint-Trojan se poursuit, placé sous le signe du développement durable. Les paysages dunaires sont alors de nouveau une opportunité pour asseoir un modèle touristique misant sur la conservation des espaces naturels et d’une station-village. L’attrait des bains de mer se double d’un tourisme de nature, à l’expression naturaliste (visites guidées organisées par l’ONF) ou sportive (équitation, VTT en forêt ou sur la dune…). Ces dernières activités vont être par la suite plus strictement encadrées, pour ne pas aggraver ou accélérer la disparition des dunes de premier rang, qui assurent la protection de la forêt contre l’avancée de la mer.
26Face à une érosion désormais vue comme irréversible, des travaux de l’ampleur des palissades ne sont pas envisagés ; ils sont considérés comme dorénavant inefficaces, faute d’apports suffisants de sable. Divers moyens sont néanmoins employés pour arrêter le sable apporté par les vents : accompagnement de la végétation dunaire et canalisation des circulations (qui déstructurent la dune). Pour des raisons de sécurité, les boisements immédiatement menacés par la mer sont abattus de manière préventive (figures 18 et 19). Un travail de communication est porté par l’ONF pour faire face aux critiques et à l’incompréhension des populations.
Figure 19. Front d’érosion à la pointe de Gatseau
Les systèmes racinaires sont à nu ; une coupe préventive va être réalisée pour mettre en sécurité les promeneurs.
Source : Laurence Robert, 2021.
27L’enjeu aujourd’hui, c’est aussi la disparition à terme d’un écosystème reconnu pour sa richesse sur lequel pèse une double menace : sa dégradation par les pratiques touristiques et son engloutissement par érosion et submersion. La dune boisée est devenue un écosystème dont la richesse faunistique et floristique est chantée par les naturalistes ; un milieu fragile, vulnérable, soumis à la pression touristique. L’ONF joue un rôle de médiateur quant à la fragilité et à l’histoire du milieu. Cette valeur patrimoniale est reconnue par de multiples classements : espaces bâtis remarquables (villas, hôtels, maisons paysannes et ostréicoles), site classé, Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), Natura 2000…
Un paradoxe : engloutissement versus mise au jour
- 13 Il s’agit d’un terme emprunté au vocabulaire des gestionnaires forestiers.
28Cette longue histoire touristique de Saint-Trojan, corrélée à une montée des usages récréatifs du territoire, trouve une traduction explicite chez les forestiers dans leurs façons de concevoir les dunes boisées, d’en imaginer les usages et les fonctions, d’en penser la gestion et les travaux à y réaliser à travers des « séries13 » correspondant à différents objectifs et donc types de reboisement ou d’aménagement de la forêt. En 1885, deux fonctions sont définies : la production de bois et de résine ainsi que la fixation et la protection des sables (la série est dénommée « production ») ; en 1919, une nouvelle fonction apparaît en sus des deux précédentes : « zone réservée comme parc pour les baigneurs » (la série est dite « artistique ») ; 50 ans plus tard, celle-ci aura progressé en superficie alors que les surfaces dédiées à la production et à la protection auront beaucoup diminué. En 1986, la superficie totale de la forêt a commencé à baisser (érosion marine) et les trois fonctions disparaissent au profit d’une seule : « protection des milieux naturels et humains » (figure 20) dans une série qualifiée « d’unique ». Cette évolution traduit au fil du temps une diversification des usages et représentations qui aboutit paradoxalement à une intégration des différentes composantes – anthropiques et écologiques – du milieu et de leurs fonctions dans une même série recouvrant des objectifs pluriels.
Figure 20. Évolution de l’aménagement de la forêt de Saint-Trojan et de ses objectifs
Source : Les Cahiers d’Oléron, no 9, mai 2002, 2e édition, p. 39.
29Finalement le recul actuel du trait de côte vient tout à la fois engloutir et révéler, faire ressurgir et disparaître des traces, des vestiges d’usages du sol et d’aménagements des paysages plus ou moins récents (figure 21). Le sol des dunes aujourd’hui malmené apparaît comme un réservoir de marqueurs du passé, une archive in situ, au sens où il recèle des strates d’aménagements historiques le plus souvent méconnus des populations qui pratiquent ce territoire. Des traces provisoirement visibles qui à la faveur de l’érosion du trait de côte ouvrent sur la mémoire du lieu et exposent au regard averti du promeneur les aménagements, les ouvrages souterrains (palissades) ayant présidé à la fabrication de ces terres gagnées sur la mer, avant qu’ils ne disparaissent de nouveau.
Figure 21. Les blockhaus qui gardaient la pointe sud de l’île d’Oléron sont désormais à l’eau
Source : Laurence Robert, 2021.
Conclusion
30À partir de l’examen d’une situation qui a marqué toute l’histoire de la côte landaise et se termine au nord, à Oléron, le pas de côté proposé par ce texte sur un cas particulier de sol urbain a permis d’ouvrir des perspectives.
- 14 La remarque vaut pour le corps des ingénieurs forestiers qui prendra le relais.
31Tout d’abord, il conduit à questionner l’idée de naturel. En effet, notre société (urbaine) contemporaine se représente le milieu étudié comme appartenant au registre du « naturel ». En témoigne la patrimonialisation de ses composantes dites naturelles : ensemble dunaire, massifs forestiers, faune et flore. Comme nous l’avons démontré, cette supposée nature est le fruit d’une collaboration entre les hommes et le vent mais aussi du développement du tourisme. Pour le dire autrement, à la pointe de Gatseau, depuis le début du xixe siècle, deux histoires parallèles, celles de la protection du littoral et de sa balnéarisation se conjuguent et aboutissent à la fabrique d’un milieu anthropique qui non seulement n’a rien de très naturel mais relève de l’urbain au moins de deux manières. En premier lieu, parce qu’il est le fruit de la mobilisation de connaissances, de techniques et de savoir-faire, une culture savante, non vernaculaire, celle des ingénieurs des Ponts et Chaussées puis des Eaux et Forêts. En effet, même si les habitants sont associés à la construction des dunes (notamment comme main-d’œuvre), même si les ingénieurs entretiennent un rapport de grande proximité avec le terrain (comme le montrent les expérimentations conduites in situ et en vraie grandeur), le projet de fixation des dunes n’en demeure pas moins porté par des ingénieurs, d’origine massivement urbaine et bourgeoise, tout au moins pour le corps des Ponts et Chaussées14 (Picon, 1992). En second lieu, ces néopaysages littoraux et leur situation de Finisterre – extrémité terrestre – ont été exploités comme un atout touristique et donc façonnés par les acteurs du processus de balnéarisation – phénomène urbain, s’il en est. Ils y ont développé une station-village destinée à la petite bourgeoisie recherchant calme et nature, tel un contre-modèle de la grande station bourgeoise (Royan).
32Dans un second temps, cette histoire montre combien la genèse d’un espace qui nous est familier peut au-delà des apparences être complexe et renvoyer à une épaisseur historique insoupçonnée et à des rapports société/environnement d’une richesse et d’une inventivité édifiantes. Durant plus d’un siècle, le guidage ingénieux de la mobilité des sables a permis le développement de sols au sens pédologique du terme, mais aussi comme marqueurs d’une forme de stabilité contrôlée par la plantation d’une vaste forêt domaniale. Les ingénieurs, en cherchant à accompagner et à maîtriser les transports éoliens du sable, sont alors animés par une vision prométhéenne et s’inscrivent dans une tradition historique du rapport de notre société à son environnement et à la nature marquée par deux principes, la domination et l’exploitation des ressources. Aujourd’hui, une nouvelle stratégie émerge, reflet d’un autre rapport au sol, aux matériaux et à l’environnement, un rapport au prime abord plus humble, où il s’agit pour les hommes non plus de prendre le contrôle des événements mais d’accompagner le mouvement et l’impermanence d’un territoire et d’un paysage mais aussi des éléments qui les composent ; en somme, d’accepter la disparition à terme d’une portion de territoire conquise par l’ingéniosité et le labeur humains au cours des siècles passés.
33Pour conclure, ce qui a été gagné sur la mer est en train de disparaître. Un siècle et demi d’engraissement avait permis de conquérir une bande de deux kilomètres de sol forestier. Mais l’érosion marine est désormais plus forte que les apports de sable, charriés par les fleuves et les courants côtiers. Petit à petit, le contour du Finisterre est englouti, un nouveau dessin du trait de côte apparaît ; le domaine terrestre au sens de la partie émergée de la croûte terrestre recule et se contracte. Saisir la complexité historique de la dynamique de ce littoral oléronnais, prendre conscience de la vitesse des processus actuels d’évolution (échelle du siècle) en comparaison avec les temporalités géomorphologiques auxquelles nous sommes habituellement confrontés (échelle des milliers, voire des millions d’années) sont autant d’ingrédients de nature à fasciner un observateur informé qui arpenterait ces espaces dunaires. Loin de « désenchanter » le monde (Weber, 1982, p. 70), connaître et raconter cette histoire, sorte d’Odyssée dont les acteurs sont à la fois humains et non humains, charge les lieux de poésie.
Bibliographie
Barles, S., Breysse, D., Guillerme, A., Leyval, C. (dir.), 1999, Le Sol urbain, Paris, Anthropos, 278 p.
Bertali, Y., Lahondère, C., Burneleau, G., Micheneau, C., Dauge, C., 2002, « De la dune à la forêt », Les Cahiers d’Oléron, no 9, mai 2002, 2e édition, 78 p.
Brémontier, N. T., 1796, Mémoire sur les dunes, et particulièrement sur celles qui se trouvent entre Bayonne et la pointe de Grave, à l’embouchure de la Gironde, Paris, Imprimerie de la République, 73 p.
Cadars, P., 1932, « L’île d’Oléron », La Revue du Touring Club de France, no 449, p. 123-127.
Cloarec, J., 1998, « Pied-à-terre… Pieds dans l’eau ! », dans Dubost, F. (dir.), L’Autre Maison. La « résidence secondaire », refuge des générations, Paris, Autrement, coll. « Mutations ».
Coëffé, V., 2010, « Le tourisme, fabrique d’urbanité », Mondes du tourisme, no 2, p. 57-69, mis en ligne en septembre 2015, http://journals.openedition.org/tourisme/277 ; DOI : https://doi.org/10.4000/tourisme.277
Corbin, A., 1988, Le Territoire du vide. L’Occident et le désir de rivage (1750-1840), Paris, Flammarion, coll. « Champs Histoire ».
Deprest, F., 1997, Enquête sur le tourisme de masse. L’écologie face au territoire, Paris, Belin, coll. « Mappemonde ».
Équipe MIT, 2002, Tourisme 1. Lieux communs, Belin, collection Mappemonde, Paris, 118 p.
Fage, R., 1891, Oléron : Impressions de vacances, Tulle, Imprimerie Crauffon, p. 48-51
Gouquet, L., 2018, Guide de gestion des dunes et des plages associées, Versailles, Quæ.
Lafond, M. A., 1900, Fixation des dunes – Les paysages des dunes et les travaux de défense contre l’océan (Charente-inférieure et Vendée), Exposition universelle internationale de 1900, Paris, Imprimerie nationale, 40 p.
Le Nouveau Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 2002, Paris, Le Robert, 2949 p.
Philippon, O., Salomon, J.-N., 1995, « Les “sols” dunaires de la pointe espagnole », Travaux du Laboratoire de géographie physique appliquée. L’évolution du littoral et des milieux dunaires de la côte charentaise, numéro spécial, p. 53-93.
Pickel-Chevalier, S., 2015, Une histoire touristique des côtes atlantiques. Saint-Trojan-les-Bains, modèle de station oléronaise, dans un monde en évolution, Saintes, Le Croît Vif, 192 p.
Pickel-Chevalier, S., 2002, « Représentations de la “Nature” dans la mise en tourisme de Saint-Trojan-les-Bains », M@ppemonde, 2002, p. 28-31.
Picon, A., 1992, L’Invention de l’ingénieur moderne. L’École des Ponts et chaussées, 1747-1851, Paris, Presses de l’École nationale des Ponts et chaussées, 768 p.
Stock, M., 2004 « L’habiter comme pratique des lieux géographiques », EspacesTemps.net, URL : https://www.espacestemps.net/articles/habiter-comme-pratique-des-lieux-geographiques/
Rambaud, P., 1969, Société rurale et Urbanisation, Paris, Seuil.
Weber, M., 1982, « Le métier et la vocation de savant » (1919), dans Le Savant et le Politique, traduit par Julien Freund, Paris, 10/18, 185 p.
Sites Internet
Le P’tit Train de Saint-Trojan, URL : https://www.le-ptit-train.com/environnement.htm
https://www.st-trojan-les-bains.fr/
Office national des forêts (ONF), URL : https://www.onf.fr/onf/+/5c3::la-protection-des-dunes-toute-une-histoire.html
Le Trésor de la langue française informatisé (TLFi), URL : http://atilf.atilf.fr/
Notes
1 Différents types cohabitent : réservoirs de biodiversité pour les naturalistes, espaces ayant vocation à produire mais aussi à être protégés pour les gestionnaires du domaine de l’État, lieux récréatifs et de loisirs réglementés pour les touristes.
2 Nous rencontrons ici la caractérisation du sol urbain proposée par Barles et al. (1999, p. 278).
3 La mention « côte sauvage » présente dans les guides touristiques ou sur les cartes postales pour qualifier cette portion du littoral est édifiante du regard porté sur cet espace.
4 Décret de 1810 relatif à la fixation des dunes.
5 Au fil des années et au vu des résultats, les manières de faire, les techniques et les matériaux (inertes et vivants) vont changer : par exemple, après avoir conduit simultanément la végétalisation et l’édification des dunes, les 2 interventions se succéderont (Bertali et al., 2002, p. 15) ; dans les années 1880, on remplacera les planches par des cordons de fascines (fagots) plus faciles à mettre en œuvre et moins onéreux.
6 Ibid.
7 Le sable devient un risque à partir du xve : « À Saint-Trojan, paroisse de laboureurs et de sauniers, le sable envahit les marais et les fermes. Dès le xviie siècle, dans le village même de Saint-Trojan, de pauvres maisons directement menacées par les sables sont démolies une à une pour récupérer les matériaux […] En 1705, dans un autre mémoire, ce même Claude Masse [ingénieur] précise à propos de Saint-Trojan : “C’était autrefois une bonne paroisse à présent toute perdue par les sables. Il n’y reste plus que des huttes et on y passe à cheval sur le clocher enterré par les sables…” » (Les cahiers d’Oléron, no 9, p. 6).
8 « Balnéarisation complète d’un village, défini par l’assimilation de fonctions touristiques et urbaines […], tout en conservant une physionomie socio-économique villageoise, caractérisée par une poly-activité artisanale […]. Néanmoins, cette dernière est inféodée à l’hégémonie de l’économie touristique […] : la station fait vivre le village. » (Pickel-Chevalier, 2015, p. 140)
9 Dès la fin du xviiie siècle, la médecine vante les bienfaits des bains de mer. Un médecin de Saint-Trojan participe à ce mouvement et cherche à valoriser les qualités du site. Un sanatorium est inauguré en 1896 au sud-est de la commune.
10 Utilisé également pour donner l’alerte en cas de naufrage.
11 Pour autant, cette extension n’atteindra pas la côte océane. Elle est heureusement pour partie bloquée par la domanialité des espaces nouvellement conquis sur la mer, l’État, garant de la mise en sécurité du village, en demeurant propriétaire.
12 Ces faits font l’objet d’un suivi très précis dans le cadre notamment de l’Observatoire de la côte de Nouvelle-Aquitaine : http://www.observatoire-cote-aquitaine.fr/-Publications-
13 Il s’agit d’un terme emprunté au vocabulaire des gestionnaires forestiers.
14 La remarque vaut pour le corps des ingénieurs forestiers qui prendra le relais.
Table des illustrations
![]() |
|
---|---|
Titre | Figure 1a. Localisation du site, carte topographique au 1/25 000 |
Légende | Un bourg enclavé au carrefour de trois milieux peu maîtrisables : la mer et le pertuis de Maumusson, la dune mobile, le marais. Dans ce contexte, jusqu’au milieu du xixe siècles, c’est la commune la moins peuplée de l’île. |
Crédits | Source : IGN. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 608k |
![]() |
|
Titre | Figure 1b. Extrait de la carte géologique de la France au 1/50 000 |
Crédits | Source : Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 224k |
![]() |
|
Titre | Figure 2. La forêt dunaire érigée en « salon d’hiver », lieu de divertissement et de sociabilité pour des citadins en villégiature |
Crédits | Source : Delcampe.net, date inconnue. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 288k |
![]() |
|
Titre | Figure 3. Quand la palissade de 1889 est révélée |
Légende | La disparition de la végétation à proximité de la mer qui avance découvre une ligne de crête caractéristique. Celle-ci ne manquera pas d’éveiller des soupçons chez un observateur informé et au regard aiguisé. |
Crédits | Source : Laurence Robert, 2021. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 403k |
![]() |
|
Titre | Figure 4. Schéma de principe de la palissade de Médéric de Vasselot de Régné |
Légende | 1 - Premier niveau de palissade ; 2 - Deuxième niveau de palissade ; 3 - Cordon de correction destiné à élargir la base de la dune ; 4 - Deuxième cordon de correction ; 5 - Cordon de correction pour se rapprocher du profil définitif ; 6 - Troisième niveau de palissade ; 7 - Nouveau cordon de correction destiné à élargir la base ; 8 - Plantation d’oyats ; 9 - Cordon de correction destiné à former le plateau en arrière de la palissade. |
Crédits | Source : Les Cahiers d’Oléron, n° 9, 2002, p. 15. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-5.png |
Fichier | image/png, 337k |
![]() |
|
Titre | Figure 5. Emplacement des palissades |
Crédits | Source : Les Cahiers d’Oléron, no 9, p. 18). |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 443k |
![]() |
|
Titre | Figure 6. Palissade de la Libération |
Crédits | Source : Delcampe.net, date de la correspondance 1957. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 209k |
![]() |
|
Titre | Figure 7. Descente de la palissade des Ponts et Chaussées, 1832 |
Crédits | Source : Laurence Robert, 2021. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 436k |
![]() |
|
Titre | Figure 8. Page de couverture du Guide du touriste en forêt de Saint-Trojan (1937) |
Crédits | Source : DR. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 243k |
![]() |
|
Titre | Figure 9. L’océan et les dunes à la Côte sauvage |
Crédits | Source : Delcampe.net, décennie 1920. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 150k |
![]() |
|
Titre | Figure 10. Au Bord de la Mer – Un Coin de la Forêt : la rencontre de 2 motifs naturels |
Crédits | Source : Delcampe.net, date de la correspondance 1907. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 326k |
![]() |
|
Titre | Figure 11. Le pont des soupirs |
Légende | La topographie dunaire produite par les palissades, réinterprétée à la manière de l’art des jardins romantiques. |
Crédits | Source : Delcampe.net, date de la correspondance 1917. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-12.jpg |
Fichier | image/jpeg, 257k |
![]() |
|
Titre | Figure 12. École en plein air, préventorium Lannelongue, Saint-Trojan |
Crédits | Source : Delcampe.net, date inconnue. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-13.jpg |
Fichier | image/jpeg, 164k |
![]() |
|
Titre | Figure 13. Le petit train de Saint-Trojan – carte postale et commentaires des vacanciers au verso |
Crédits | Source : Delcampe.net, date de la correspondance 1980. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-14.jpg |
Fichier | image/jpeg, 155k |
![]() |
|
Titre | Figure 14a. Le recul du trait de côte expose directement la forêt à l’océan |
Légende | La vision des systèmes racinaires mis à jour est impressionnante. |
Crédits | Source : Laurence Robert, 2021. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-15.jpg |
Fichier | image/jpeg, 431k |
![]() |
|
Titre | Figure 14b. Le recul du trait de côte de 1945 à 2016 |
Crédits | Sources : IGN ; auteurs : Fanny Bliard, Xavier Bertin (Littoral Environnement et Sociétés, LIENSs) – UMR 7266 – CNRS. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-16.jpg |
Fichier | image/jpeg, 177k |
![]() |
|
Titre | Figure 15. Au sud de l’île d’Oléron, emplacement (lignes de couleur) et disparition progressive des palissades |
Crédits | Sources : IGN ; auteur : Christophe Rollier, ONF, responsable Unité territoriale de Vendée, 2012. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-17.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,1M |
![]() |
|
Titre | Figure 16. L’érosion abîme l’extrémité de l’enrochement réalisé pour conforter l’assise de la voie du petit train |
Crédits | Source : Laurence Robert, 2021. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-18.jpg |
Fichier | image/jpeg, 327k |
![]() |
|
Titre | Figure 17. Les bois morts utilisés pour édifier des cabanes sur la grande plage |
Crédits | Source : Laurence Robert, 2021. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-19.jpg |
Fichier | image/jpeg, 205k |
![]() |
|
Titre | Figure 18. Cimetière de souches à la pointe de Gatseau |
Crédits | Source : Laurence Robert, 2021. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-20.jpg |
Fichier | image/jpeg, 206k |
![]() |
|
Titre | Figure 19. Front d’érosion à la pointe de Gatseau |
Légende | Les systèmes racinaires sont à nu ; une coupe préventive va être réalisée pour mettre en sécurité les promeneurs. |
Crédits | Source : Laurence Robert, 2021. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-21.jpg |
Fichier | image/jpeg, 415k |
![]() |
|
Titre | Figure 20. Évolution de l’aménagement de la forêt de Saint-Trojan et de ses objectifs |
Crédits | Source : Les Cahiers d’Oléron, no 9, mai 2002, 2e édition, p. 39. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-22.jpg |
Fichier | image/jpeg, 81k |
![]() |
|
Titre | Figure 21. Les blockhaus qui gardaient la pointe sud de l’île d’Oléron sont désormais à l’eau |
Crédits | Source : Laurence Robert, 2021. |
URL | http://journals.openedition.org/paysage/docannexe/image/31746/img-23.jpg |
Fichier | image/jpeg, 167k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Monique Toublanc, Nathalie Carcaud, Véronique Beaujouan, Patrick Moquay et Laurence Robert, « Guider pour protéger : les sols forestiers dunaires témoins de l’histoire urbaine récente du paysage littoral », Projets de paysage [En ligne], 27 | 2022, mis en ligne le 30 décembre 2022, consulté le 10 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/paysage/31746 ; DOI : https://doi.org/10.4000/paysage.31746
Auteurs
Monique Toublanc
Monique Toublanc est sociologue, ingénieure paysagiste, maîtresse de conférences honoraire à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille, Laboratoire de recherche en projet de paysage (Larep).
m.toublanc[at]ecole-paysage[dot]fr
Articles du même auteur
-
Paru dans Projets de paysage, 27 | 2022
-
Introduction au numéro thématique
Paru dans Projets de paysage, 27 | 2022
-
Training in Landscape Mediation : Its Place in the Curriculum of Landscape Architecture and the Perspectives of Teachers and Students
Paru dans Projets de paysage, 26 | 2022
-
Paru dans Projets de paysage, 24 | 2021
-
Paru dans Projets de paysage, 24 | 2021
-
Paru dans Projets de paysage, 18 | 2018
- Tous les textes...
Nathalie Carcaud
Nathalie Carcaud est professeure de géographie à l’Institut Agro (pôle paysage d’Angers), UMR 6590 CNRS ESO (Espaces et sociétés). Elle développe des travaux de recherche sur la dynamique des paysages fluviaux en empruntant aux méthodes de la géoarchéologie et de la géohistoire.
Nathalie.Carcaud[at]agrocampus-ouest[dot]fr
Articles du même auteur
-
The role of rivers in small towns undergoing change. The perspectives of institutional players regarding urban river landscapes in Maine-et-Loire
Paru dans Projets de paysage, 30 | 2024
-
Paru dans Projets de paysage, 27 | 2022
-
Introduction au numéro thématique
Paru dans Projets de paysage, 27 | 2022
-
Reconstructing the Landscape Trajectories of Coastal Wetlands Using Diachronic Mapping: The Case of the Corsept Estuarine Marshes
Paru dans Projets de paysage, 26 | 2022
-
Paru dans Projets de paysage, 26 | 2022
-
Paru dans Projets de paysage, 26 | 2022
- Tous les textes...
Véronique Beaujouan
Véronique Beaujouan, maîtresse de conférences en géomatique appliquée au paysage, Institut Agro (pôle paysage d’Angers), membre de l’UMR Biodiversité, agroécologie et aménagement du paysage (BAGAP).
veronique.beaujouan[at]agrocampus-ouest[dot]fr
Articles du même auteur
-
The role of rivers in small towns undergoing change. The perspectives of institutional players regarding urban river landscapes in Maine-et-Loire
Paru dans Projets de paysage, 30 | 2024
-
Reconstructing the Landscape Trajectories of Coastal Wetlands Using Diachronic Mapping: The Case of the Corsept Estuarine Marshes
Paru dans Projets de paysage, 26 | 2022
Patrick Moquay
Patrick Moquay est professeur en sciences humaines et sociales à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille et directeur du Laboratoire de recherche en projets de paysage (Larep).
p.moquay[at]ecole-paysage[dot]fr
Articles du même auteur
-
L’exemple de Savennières (Angers Loire Métropole, bien Unesco du Val de Loire)
Landscape heritage as a basis for the ecoclimatic transition of a vineyard – The example of Savennières (The Angers Loire urban area, a UNESCO World Heritage site in the Loire Valley)
Paru dans Projets de paysage, 30 | 2024
-
Earth fronts, the geography of urban and rural relationships through excavated soils in the Ile-de-France region
Paru dans Projets de paysage, 27 | 2022
-
Dispossessions of Landscapes. Landscape Injustices, Local Rifts and Mechanisms of Exclusion in the Sitia Geopark (Crete)
Paru dans Projets de paysage, 24 | 2021
-
Les effets des partenariats entre école de paysage et territoires en région Paca
The Dissemination of a Landscape Culture by Teaching Workshops – The Effects of Partnerships between the French National School of Landscape Architecture and the Local Authorities of the PACA Region
Paru dans Projets de paysage, 15 | 2016
Laurence Robert
Laurence Robert est paysagiste DPLG, cogérante de l’atelier La Terre ferme. Elle enseigne à l’École nationale supérieure de paysage de Versailles-Marseille et à l’École nationale supérieure d’architecture de Bretagne.
lr[at]laterreferme[dot]eu
Droits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.