Chasses présidentielles — Wikipédia
- ️Thu Oct 01 1987
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
![](https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/88/Le_pr%C3%A9sident_de_la_R%C3%A9publique_%C3%A0_Rambouillet_au_d%C3%A9but_du_XXe_s._.jpg/220px-Le_pr%C3%A9sident_de_la_R%C3%A9publique_%C3%A0_Rambouillet_au_d%C3%A9but_du_XXe_s._.jpg)
Les chasses présidentielles sont, en France, des chasses organisées pour le président de la République et ses invités. Institution républicaine héritée de l'Ancien Régime, elles apparaissent sous la Deuxième République et se poursuivent sous tous les régimes présidentialistes.
Organisées d'abord au domaine présidentiel de Marly, puis à partir de 1880 au domaine présidentiel de Rambouillet, et à partir de 1965 au domaine de l'État de Chambord, elles permettent au président de convier des membres du gouvernement, ainsi que des personnalités étrangères : diplomates, ambassadeurs, présidents, princes.
Les trois domaines utilisés pour les chasses présidentielles. Rambouillet est le Centre des chasses présidentielles de 1880 à 1995, depuis lequel toute l'organisation est gérée pour Rambouillet et Marly jusqu'en 1965, puis pour Chambord à partir de 1965.
Les chasses présidentielles sont initiées sous la IIe République, en 1848.
Sous la IVe République, les présidents Vincent Auriol et René Coty chassent et invitent à Rambouillet et à Marly.
![](https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/9b/Chambord_castle%2C_aerial_view.jpg/220px-Chambord_castle%2C_aerial_view.jpg)
La tradition est maintenue sous la Ve République par Charles de Gaulle. Ce dernier fait organiser la première chasse présidentielle en 1965 au domaine de Chambord, qui n'est pas un domaine présidentiel mais un domaine de l'État depuis 1930. Charles de Gaulle assistait à la première chasse de la saison.
À partir du président Georges Pompidou, les chasses présidentielles à Chambord sont plus régulières. Pompidou nomme à la tête des chasses ses conseillers Pierre Juillet et Marie-France Garaud[1]. Ils comprennent l'importance que peuvent avoir les chasses à Chambord en termes de soft power et réorganisent les chasses[2].
Elles font la renommée de ce domaine par rapport à ceux utilisés précédemment. Le président participe en personne à quatre des huit chasses présidentielles, qui se déroulent toujours le dimanche[3].
Le président Valéry Giscard d'Estaing, aimant chasser, s'implique dans l'organisation de ces journées[4]. Il chasse parfois lui-même, de nuit, accompagné d'un officier de sécurité[3].
Amaury d'Harcourt eut la charge des chasses présidentielles à Chambord pendant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing (1974–1981)[5].
François Mitterrand, détestant la chasse, songe à supprimer ces chasses. Il est conseillé par Alain Bombard, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Environnement, qui s'oppose aux chasses. Conscient de l'importance de ces chasses dans les rencontres informelles entre chefs d'État ou hommes d'affaires, il les maintint discrètement. Les journalistes en sont désormais exclus. Le président ne se rend à Chambord qu'une fois, en octobre 1987, pour un sommet franco-allemand avec Helmut Kohl. Il s'agissait de la première visite d'un chef de gouvernement allemand depuis celle de Charles Quint en 1539[3].
Il confie la responsabilité des chasses à son ami et collaborateur François de Grossouvre, un des plus actifs de l'époque[6]. Il crée le comité des chasses présidentielles en 1981. À Rambouillet et à Marly, il s'agissait de chasses au petit gibier, à Chambord de battues aux sangliers. Ainsi chaque année étaient organisées une quinzaine de journées de chasse offertes au nom du président de la République à ses invités.
Traditionnellement, une journée était réservée aux parlementaires, une au corps diplomatique (ambassadeurs étrangers en poste à Paris)[7]. D'autres étaient plus mélangées, afin de faire se côtoyer des industriels, des élus ou des hauts fonctionnaires. Quelquefois dans l'année, des chasses étaient également organisées en l'honneur de chefs d'État étrangers et le service du protocole de l'Élysée était sollicité pour connaître les passionnés de chasse parmi les nouveaux dirigeants.
Ces séances, outre le fait pour les convives de partager leur passion, étaient aussi l'occasion de rencontres informelles entre « grands de ce monde », lors du dîner clôturant traditionnellement la partie de chasse. Ces quelques journées de chasse étaient non seulement l'occasion d'échanges informels entre hauts responsables ou hommes politiques, elles sont aussi l'occasion de mettre en valeur le patrimoine cynégétique français.
En 1995, Jacques Chirac, sur les conseils de sa fille Claude et de son conseiller Nicolas Hulot, supprima celles de Marly et de Rambouillet[8],[9]. Le comité créé par François Mitterrand est supprimé dès son arrivée au pouvoir.
Bertrand Landrieu, directeur du cabinet du président lors de son premier mandat (1995–2002), obtint le maintien des chasses présidentielles à Chambord[10].
Malgré l'abandon du domaine pour les chasses présidentielles, le 14 décembre 2007, une chasse est organisée à Rambouillet pour Mouammar Kadhafi, chef de l'État libyen, en visite à Paris[4],[11].
Le 16 décembre 2009, Nicolas Sarkozy aurait chargé son conseiller Pierre Charon, en sa qualité de président du conseil d'administration du domaine de Chambord[12], de l'organisation des chasses présidentielles à Chambord[13],[14],[15]. Pierre Charon dément formellement[16].
Dans une lettre datée du 28 juin 2010, le président de la République Nicolas Sarkozy fait savoir à son Premier ministre, François Fillon, qu'il a « décidé de mettre un terme aux chasses présidentielles, qui seront remplacées par de simples battues de régulation, nécessaires aux équilibres naturels, et qui seront confiées à la gestion du ministre de l'Agriculture »[17]. Le Canard enchaîné fait remarquer que, sur les quatorze chasses organisées par an, seules quatre sont présidentielles et que leur coût global est de 12 000 euros, les dix autres étant des « battues administratives »[18].
François Hollande ne chasse pas et participe à la normalisation des battues de régulations. Les battues de régulation ne sont plus que rarement des chasses maquillées comme c'était le cas sous Nicolas Sarkozy. Le palais de l’Élysée n'est plus impliqué dans les invitations ; les invités sont principalement les mécènes qui financent le domaine[3].
Seules deux battues par an sur dix-sept sont dédiées à des personnalités (préfet et diplomates) en vertu de la tradition ancienne. Dans tous les autres cas (venues de personnalités politiques, grands patrons, etc.), la participation requiert le paiement d'un tarif de 120 euros, qui permet de couvrir les frais occasionnés[3],[19].
En 2017, le président Emmanuel Macron souhaite rouvrir les chasses présidentielles pour « les intérêts de la France », souhaitant en faire un « instrument d'attractivité. C'est quelque chose qui fascine à l'étranger, ça représente la culture française, c'est un point d'ancrage »[20],[21]. Le 28 août 2018, le ministre de l'Écologie, Nicolas Hulot, démissionne après une réunion entre le président et le lobbyiste Thierry Coste, ce dernier étant favorable au retour des chasses présidentielles.
- ↑ Claire Bommelaer, « Chambord, le paradis perdu des grands animaux politiques », Le Figaro, 13-14 février 2016, p. 30-31.
- ↑ Olivier Faye, La Conseillère : Marie-France Garaud, la femme la plus puissante de la Ve République, Paris, Fayard, 2021, 250 p. (ISBN 978-2-213-70090-8).
- ↑ a b c d et e René Dosière, Frais de Palais : Vivre à l'Élysée, de De Gaulle à Macron, Paris, Éditions de l'Observatoire, 2019, 230 p. (ISBN 979-10-329-0675-0).
- ↑ a et b Olivier Le Naire, « Chasses gardées... », L'Express, 17 juillet 2008 (version du 23 février 2014 sur Internet Archive).
- ↑ Pascal Ceaux, « Trois hommes et un cadavre », L'Express, 13 novembre 2008 (version du 4 février 2009 sur Internet Archive).
- ↑ Sylvie Pierre-Brossolette, « Mort d'un homme de l'ombre », L'Express, 14 avril 1994 (version du 7 mai 2010 sur Internet Archive).
- ↑ Frédéric Laurent, Le cabinet noir : Avec François de Groussouvre au cœur de l'Élysée de Mitterrand, Paris, Albin Michel, 2006, 249 p. (ISBN 2-226-17508-3), p. 147.
- ↑ Thomas Legrand, « Le retour des chasses présidentielles », sur Slate.fr, 7 février 2010 (consulté le 9 février 2010).
- ↑ Thierry Mariani, « Fiche question 98463 », Assemblée nationale, 2006 (consulté le 9 février 2010).
- ↑ Bertrand Le Balc'h, « De fines gâchettes à droite comme à gauche », Le Figaro, 15 octobre 2007 (consulté le 9 février 2010).
- ↑ Service politique, « Partie de chasse après la visite à Versailles », Le Parisien, 14 décembre 2007 (consulté le 9 février 2010).
- ↑ Décret du 17 décembre 2009 portant nomination du président du conseil d'administration du domaine national de Chambord - M. Charon (Pierre), JORF, no 294, 19 décembre 2009, p. 21954, texte no 129, NOR MCCB0930420D, sur Légifrance.
- ↑ Éric Mandonnet, « Charon, un porte-flingue aux chasses présidentielles », L'Express, 8 février 2010 (version du 3 mars 2016 sur Internet Archive).
- ↑ Éric Mandonnet, « Les chasses présidentielles font jaser », L'Express, 9 février 2010 (version du 12 février 2010 sur Internet Archive).
- ↑ Thomas Legrand, « Nicolas Sarkozy réhabilite la chasse présidentielle », L'Édito politique, sur radiofrance.fr, France Inter, 8 février 2010 (consulté le 9 février 2010).
- ↑ AFP, « Charon dément organiser des "chasses présidentielles" », Le Figaro, 13 février 2010 (consulté le 13 février 2010).
- ↑ Nicolas Sarkozy, « Lettre de M. le Président de la République adressée à M. François Fillon, Premier ministre », sur elysee.fr, présidence de la République française, 28 juin 2010 (consulté le 1er juillet 2010).
- ↑ « À la chasse comme à la chasse », Le Canard enchaîné, 7 juillet 2010, p. 8.
- ↑ Pascale Nivelle, « Chambord, les chasses bien gardées de la République », M, le magazine du Monde, 27 février 2015 (consulté le 1er mars 2015).
- ↑ Étienne Girard, « Emmanuel Macron veut rouvrir les chasses présidentielles, survivance de la monarchie », Marianne, 16 mars 2017 (consulté le 14 octobre 2017).
- ↑ « Emmanuel Macron souhaite le retour des chasses présidentielles », France Info, 23 janvier 2018.
- Brigitte Brault (préf. Jean-Paul Widmer), Chasses présidentielles à Rambouillet : De la Belle Époque aux années 1960, Paris, Markhor, 2019, 181 p., 91 photos en noir et blanc (ISBN 978-2-916558-14-1).
- Bruno de Cessole, chap. 5 « Chasses présidentielles : le secret le mieux gardé de la République », dans Sébastien Le Fol (dir.), Les lieux de pouvoir : Une histoire secrète et intime de la politique, Paris, Perrin, 2024, 375 p. (ISBN 978-2-2621-0116-9, DOI 10.3917/perri.lefol.2024.01.0091), p. 91–107.
- Raphaël Devred, « Les tableaux des chasses présidentielles : une source d'histoire environnementale politique (1880–2010) », Parlement[s] : revue d'histoire politique, Presses universitaires de Rennes, no HS 17, 2022, p. 179–184 (ISBN 978-2-7535-8774-8, DOI 10.3917/parl2.hs17.0179).
- Raphaël Devred, « Le président à la chasse : Les chasses présidentielles et les représentations du pouvoir sous la Troisième République (1870–1940) », Cahiers d'Agora : revue en Humanités, CY Cergy Paris Université, no 7 « Chasses et représentations (fin XIXe – XXIe siècle) », 2023 (HAL halshs-04402541, lire en ligne).
- Agnès Tachin, « Les chasses présidentielles sous la Cinquième République : du renouveau au politiquement incorrect », Cahiers d'Agora : revue en Humanités, CY Cergy Paris Université, no 7 « Chasses et représentations (fin XIXe – XXIe siècle) », 2023 (HAL hal-04518304, lire en ligne).
- Marcelo Wesfreid, Le jardin secret de la République : 50 ans d'entre-soi, Paris, Plon, 2020, 199 p. (ISBN 978-2-259-27777-8).
- Jean-Paul Widmer (préf. Gérard Larcher), Dernières chasses présidentielles : Vingt ans à la tête de Rambouillet et de Marly, Paris, Markhor, 2017, 213 p., 69 photos en noir (ISBN 978-2-916558-11-0) (Widmer fut le dernier directeur des chasses présidentielles sous les deux septennats de François Mitterrand).