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Johann Chapoutot — Wikipédia

  • ️Sun Jul 30 1978

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Johann Chapoutot, né le 30 juillet 1978[1] à Martigues (Bouches-du-Rhône), est un historien spécialiste d'histoire contemporaine, du nazisme et de l'Allemagne.

Johann Chapoutot grandit à Martigues. Au lycée, étudiant en classe de première littéraire, son professeur d'histoire l'inscrit au concours général d'histoire (1995), dont le sujet est « Un ou des fascismes dans l'Europe de l'entre-deux-guerres[2]? ». Il est lauréat du concours[3]. Il obtient un baccalauréat littéraire[4].

Il est admis au lycée Henri-IV, puis à l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud (promotion 1998, classé premier au concours d'entrée dans la série « Langues vivantes »)[5]. Il obtient l'agrégation d'histoire en 2001. Il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris (promotion 2002).

Il est docteur en histoire en 2006[6], puis habilité à diriger des recherches (HDR) en octobre 2013. Durant sa soutenance d'HDR, la présidente du jury, Laurence Badel lui dit : « Mais enfin, c'est terrible ce qu'on lit [dans votre HDR] ! Et puis on ne sait plus trop où vous êtes parce que [les nazis] parlent à travers vous. ». Chapoutot considère qu'il y a peut-être dans cette remarque l'insinuation sous-jacente qu'il faudrait catégoriquement refuser la démarche compréhensive culturaliste concernant les nazis car on pourrait soupçonner celui qui a cette démarche de sympathie à l'égard de la « pensée nazie »[7].

Professeur d'histoire contemporaine à Sorbonne Université (ancienne université Paris-Sorbonne ou université Paris-IV) depuis 2016, il a auparavant été successivement maître de conférences à l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble (2008–2014)[8], puis professeur à l'université Sorbonne-Nouvelle (Paris-III, 2014–2016)[8]. Il a également été membre de l'Institut universitaire de France[9] (2011–2016). Lauréat de la fondation Humboldt, il a été chercheur invité à la Freie Universität de Berlin (2015–2016).

En 2015, il remet en question la pertinence de rééditer Mein Kampf d'Adolf Hitler, car elle encouragerait une lecture « hitléro-centriste » du nazisme, depuis longtemps dépassée[10]. Il se montre favorable à la publication d'éditions scientifiques et critiques, notamment en format dématérialisé[2].

En 2016, il participe en tant que spécialiste du nazisme avec Christian Ingrao au documentaire Hitler et les Apôtres du mal qui dépeint « Hitler en dilettante et paresseux », « ne supportant  pas l’effort intellectuel de longue haleine », mais sachant parfaitement s’entourer[11].

Il enseigne l'histoire de l'Allemagne, en particulier son histoire contemporaine depuis 1806, les sociétés européennes au XIXe siècle (1815–1914), ainsi que l'histoire mise en regard avec le cinéma[12],[13],[14].

Il a également publié des travaux généraux sur l'histoire de l'Allemagne et sur l'Europe des dictatures de l'entre-deux-guerres.

Johann Chapoutot pratique une histoire culturelle du nazisme : pour comprendre celui-ci, il faut « prendre au sérieux »[15] les idées et les représentations des nazis. Il s'attache à montrer combien elles s'inscrivent dans une tradition culturelle européenne et occidentale (ainsi a-t-il préfacé l'ouvrage de James Q. Whitman sur Le Modèle américain d'Hitler[16]). Ces thématiques ont été l'objet de sa thèse de doctorat (Le National-socialisme et l'Antiquité, 2006) et de son mémoire d'habilitation (La Loi du sang, 2014).

Avec la parution de son ouvrage La Révolution culturelle nazie (2017)[17], Chapoutot approfondit sa thèse en s'appuyant sur une abondante bibliographie, aussi bien allemande qu'européenne. Son but est le même : exposer la cohérence intellectuelle et culturelle du projet national-socialiste développé par Adolf Hitler[18].

La thèse exposée par Chapoutot est en effet que le national-socialisme n'est absolument pas « un accident de l'histoire », mais que, bien au contraire, il a construit un système de pensée, distinct de la tradition chrétienne et européenne, un raisonnement « purifié de ses scories humanistes et universalistes ». Ce système n’en est pas moins rationnel et cohérent, pourvu d’une logique que l’esprit peut décortiquer et appréhender. Il s’agit d’un monde en soi, dont les adeptes ont intégré les règles, une fois qu’ils avaient opéré sur eux-mêmes cette « révolution culturelle ». La « révolution culturelle » est d’abord une révolution conservatrice : elle vise à « revenir à l’origine, à ce qu’était l’Homme germanique, son mode de vie et son attitude instinctuelle à l’égard des êtres et des choses ». Elle définit aussi le corps social comme la communauté du peuple (Volksgemeinschaft), suivant une vision organiciste de la société. L’individu n’existe qu’en tant que membre du groupe, et son existence ne se justifie que si son action est bénéfique pour celui-ci[18].

La « révolution culturelle » s'appuie aussi sur une conception raciste de l’histoire, qui entraîne la nécessité d'une lutte pour la préservation de la race, menacée par un péril biologique. Mais la menace n’est pas seulement biologique, elle est aussi intellectuelle, morale. Il s’agit de désaliéner la race germanique du christianisme, de la philosophie des Lumières, du matérialisme, en lui rendant son authenticité, et de restituer sa virilité originelle à la race nordique, que les influences extérieures ont dévirilisée. Cette révolution ou ce « retour aux sources » doit se faire à la fois collectivement et individuellement, par un travail de chacun sur lui-même[18].

La thèse de Chapoutot place le national-socialisme dans une continuité « contre-révolutionnaire », qui se nourrit du romantisme allemand, exaltant le retour à la tradition, mais dans le cadre du peuple et de la nation, de conserve avec une découverte, encore pré-scientifique, des concepts de race. Elle souligne l'hostilité des nazis pour la Révolution française et ses principes.

Chapoutot donne en exemple le discours du 1er avril 1933 de Joseph Goebbels, qui clame « nous avons effacé l'année 1789 de l'histoire allemande »[17] ou la déclaration d'Alfred Rosenberg en 1934, suivant laquelle « avec la révolution nationale-socialiste, la philosophie et la pensée juridique de la Révolution française prennent fin ». Chapoutot écrit donc que, si le national-socialisme a été révolutionnaire, il l'a été au sens pré-révolutionnaire du terme, puisque, en fait, la réflexion normative nazie veut retrouver la « nature et la naissance de la race, enfouie sous les sédiments de siècles d'acculturation judéo-chrétienne ». De manière proprement contre-révolutionnaire, la « révolution », dans le lexique national-socialiste, signifie « retour circulaire à l'origine », ce qui était bien le sens du mot avant que les révolutionnaires français ne s'en saisissent dans les années 1789–1793. Chapoutot insiste sur le fait que « l'archétype nazi, c'est bel et bien l'archaïque : cet homme ancien, dont on va retrouver la beauté, grâce à la statuaire grecque, dont on va refaire le corps, grâce au sport et à la médecine, et dont on va retrouver l'instinct grâce à la science »[17].

Johann Chapoutot au Salon du Livre de Paris le 14 mars 2009.
  • Histoire de la France contemporaine en dix volumes (2012–2015)[20]
  1. « Chapoutot, Johann (1978–....) », notice de personne, Catalogue général, sur catalogue.bnf.fr, Bibliothèque nationale de France, création 8 octobre 2008, mise à jour 24 février 2013 (BNF 15803159).
  2. a et b Comprendre le nazisme.
  3. « Le palmarès du concours général 1995 », Le Monde, 14 juin 1995.
  4. Le Grand Récit.
  5. Arrêté du 27 août 1998 portant ordre de classement au concours d'entrée en première année à l'École normale supérieure de Fontenay - Saint-Cloud, Journal officiel de la République française, no 219, 22 septembre 1998, p. 14467, NOR MENS9802252A, sur Légifrance.
  6. Sujet de thèse de Johann Chapoutot : Le National-socialisme et l'Antiquité (sous la dir. de Robert Frank et d'Étienne François) (thèse no 2006PA010722), Paris, Université Paris-I Panthéon-Sorbonne, 2006, 762 p. (SUDOC 126587817, présentation en ligne).
  7. Johann Chapoutot : Peut-on faire l'histoire du nazisme ? - Conférence PSL, Martin Saintemarie (29 mai 2017, 117:10 minutes), consulté le 20 août 2024
  8. a et b « Johann Chapoutot professeur des universités », sur ihtp.cnrs.fr (consulté le 6 mai 2020).
  9. « Site de l'Institut universitaire de France », sur iufrance.fr (consulté le 5 mai 2020).
  10. Philippe Douroux, « Interview - Johann Chapoutot : “Cette focalisation sur Mein Kampf a l’inconvénient d’encourager une lecture hitléro-centriste du nazisme” », sur Libération, 26 octobre 2015.
  11. Christine Rousseau, « Un Adolf Hitler dilettante mais sachant s’entourer », Le Monde, 30 mars 2016.
  12. Johann Chapoutot sur France Inter.
  13. « CV de Johann Chapoutot sur le site de l'université Pierre-Mendès-France », sur upmf-grenoble.fr (consulté le 28 décembre 2012).
  14. « Joël Cornette et Johann Chapoutot : “La France est une invention” », sur Le Monde, 19 octobre 2012.
  15. La Loi du sang, p. 519 et 522.
  16. James Q. Whitman (trad. de l'anglais par Christophe Jaquet), Le Modèle américain d'Hitler : Comment les lois raciales américaines inspirèrent les nazis, Paris, Armand Colin, 2018, 287 p. (ISBN 978-2-200-62029-5).
  17. a b et c La Révolution culturelle nazie, p. 73, 210, 274–275.
  18. a b et c Agnès Graceffa, « Johann Chapoutot, La Révolution culturelle nazie », Lectures,‎ 17 mars 2017 (ISSN 2116-5289, DOI 10.4000/lectures.22523, lire en ligne, consulté le 25 février 2020).
  19. a et b « Prix Émile Perreau-Saussine », sur livreshebdo.fr, Livres Hebdo (consulté le 27 août 2016).
  20. Emmanuel Hecht, « Histoire de France : quatre contrevérités dévoilées », L'Express, 5 décembre 2012.
  21. a b c d e et f « Institut d’histoire du temps présent », sur ihtp.cnrs.fr (consulté le 27 août 2016).
  22. « Le Prix du Livre RH attribué à Johann Chapoutot et Sophie Bernard » Accès libre, sur focusrh.com, 26 octobre 2021 (consulté le 15 février 2022)
  23. « Prix Biguet », sur academie-française.fr
  24. (it) « Il Premio Nazionale Cherasco Storia a Johann Chapoutot », sur cuenodice.it.
  25. « Prix Maurice Baumont », sur asmp.fr.
  26. « 2015 International Book Prize Awarded to Prof. Johann Chapoutot », sur yadvashem.org (consulté le 27 août 2016).
  27. « Palmarès 2015 - Le Prix « Ethique et réflexion » », sur Prix Pierre Simon (version du 25 février 2024 sur Internet Archive).