Massacres des harkis — Wikipédia
- ️Mon Mar 19 1962
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Massacres de harkis | |
Date | 19 mars 1962 jusqu'à la fin de 1963 |
---|---|
Lieu | ![]() |
Victimes | Harkis et français musulmans |
Morts | Entre 60 000 et 150 000 personnes massacrées |
Auteurs | Armée de libération nationale (Algérie) Front de libération nationale (Algérie) Civils algériens |
Guerre | Guerre d'Algérie |
modifier ![]() |
Les massacres de harkis sont l'ensemble des violences et tueries de masse dont ont été victimes les harkis en Algérie après le cessez-le-feu du 19 mars 1962 consécutif aux accords d'Évian. Ces massacres ont eu lieu bien que ces accords signés par le Front de libération nationale (FLN) l'engageait à ne pas exercer de représailles contre les harkis.
Le 29 octobre 1961, lors des pourparlers secrets de Bâle, la France pose le principe de non représailles selon lequel l'État algérien s'abstiendrait de toute sanction contre les musulmans engagés pour la France. Ce que le FLN accepte le 9 novembre 1961[1], mais ne respecte pas.
Après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, les directives du FLN ne sont pas les mêmes dans toutes les wilaya. Certaines vont plutôt dans le sens d'un apaisement. Mais l'état-major de l'Armée de libération nationale (ALN) estime que le « sort des harkis sera décidé par le peuple et devant Dieu ». Les harkis sont inscrits sur des listes noires et surveillés. Dès le 19 mars 1962, des meurtres et enlèvements sont signalés notamment en wilaya V. À Saint-Denis-du-Sig, 16 harkis sont massacrés[1].
22 membres du Commando Georges sont massacrés à Saïda en avril 1962. Certains ont été égorgés, d'autres massacrés à coups de baïonnette, de pique, de pierre. Sur les 300 harkis du commando Georges, composé pour l'essentiel d'anciens combattants du FLN « retournés », une soixantaine parviennent à survivre aux massacres des harkis en rejoignant la France. Le sergent du Commando sera notamment ébouillanté vivant dans un chaudron[2].
Très rapidement, les harkis commencent à être torturés et massacrés par la population. Les accords d'Évian interdisent à l'armée française d'intervenir, et les soldats français ne peuvent agir à la demande des harkis[3]. Cependant, ces assassinats restent dans un premier temps des cas isolés. Le FLN se donne le temps de procéder à un recensement complet de ceux qu'ils considèrent comme des traîtres[4].
Le 15 avril 1962, les « évènements » étant officiellement terminés, le ministère des Armées français ordonne le désarmement immédiat des harkis[1]. Le 1er mai 1962, toutes les harkas sont dissoutes[1].
Le 12 mai 1962, le ministre français des Armées, Pierre Messmer, donne l'instruction de ne pas permettre aux harkis de rejoindre individuellement la métropole, contrairement aux engagements pris par l'armée française[5],[3]. Le 16 mai, le ministre d’État chargé des affaires algériennes, Louis Joxe, demande par télégramme de sanctionner les personnes participant au rapatriement des harkis en France[3]. 42 500 harkis, avec leur famille, peuvent s'établir en France métropolitaine sur un nombre total de supplétifs évalué entre 200 000 et 250 000[6].
C'est à partir de l'indépendance, le 3 juillet 1962, que la situation bascule. Des chefs régionaux du FLN appellent ouvertement au massacre de tous les harkis[7]. Des civils sont assassinés par l'ALN dans des charniers[8]. D'autres sont atrocement torturés dans des « centres d'interrogatoires » puis exécutés. Des harkis sont crucifiés sur des portes, certains ont la musculature arrachée avec des tenailles[8]. Les massacres incluent parfois des femmes et des enfants[8].
Le nombre de harkis tués après le cessez-le-feu varie selon les estimations entre 50 000 et 150 000 mais reste incertain[9]. Il semble qu'en 2005, les historiens s’accordent à évaluer de 60 000 à 70 000 le nombre de morts[10]. Certains parlent de 150 000 victimes[1]. De nombreux harkis furent également arrêtés et emprisonnés.
La formation du premier gouvernement par Ben Bella, le 26 septembre 1962, n'empêche pas les arrestations de se poursuivre, au contraire leur nombre s’accroît de fin octobre 1962 à début décembre 1962. Le nombre d'exactions diminue seulement à partir de 1963. Des milliers d'anciens harkis resteront en prison pendant des années, pour certains jusqu'en 1969[1].
Les harkis et leurs descendants représenteraient en France en 2012 environ 500 000 personnes[11]. Contrairement aux Pieds-noirs, ils n'ont pas été considérés comme des « rapatriés » mais comme des « réfugiés »[12].
Le 23 septembre 2001, Jacques Chirac affirme que « la France n'a pas su sauver ses enfants de la barbarie » au sujet des massacres[13].
Le 14 avril 2012, Nicolas Sarkozy a officiellement reconnu, sans rappeler le contenu de l'accord de cessez-le-feu, la responsabilité du gouvernement français dans « l'abandon » des harkis après la fin de la guerre d'Algérie. Il décrète : « La France se devait de protéger les harkis de l'Histoire, elle ne l'a pas fait. La France porte cette responsabilité devant l'Histoire »[14],[15].
Le 25 septembre 2016, c'est au tour de François Hollande de reconnaître la responsabilité française dans les massacres de harkis. Il affirme : « La reconnaissance de la responsabilité de la France est un acte symbolique qui fait avancer la paix des mémoires, de toutes les mémoires de la guerre d'Algérie, de ses mémoires blessées »[13],[15].
Le 25 septembre 2018, plusieurs cérémonies ont eu lieu partout en France en hommage aux harkis[16].
Le 20 septembre 2021, Emmanuel Macron demande « pardon » aux harkis en reconnaissant leur « singularité dans l'histoire de France »[17].
- ↑ a b c d e et f Jean Sévillia, Les vérités cachées de la Guerre d'Algérie, Fayard, 24 octobre 2018, 416 p. (ISBN 978-2-213-67426-1, lire en ligne)
- ↑ Le Point magazine, « L'honneur d'un officier », sur Le Point, 15 mars 2012 (consulté le 27 août 2019)
- ↑ a b et c « 12 mai 1962 : l'abandon des harkis », sur Mediapart, 15 mai 2015 (consulté le 18 février 2018)
- ↑ Hamoumou, Mohamed, Et ils sont devenus harkis, Paris, Fayard, 2001, 364 p. (ISBN 2-213-03076-6 et 9782213030760, OCLC 835568591, lire en ligne)
- ↑ Télégramme n° 1334 du 12/5/1962, reproduit dans Fatima Besnaci-Lancou, Gilles Manceron (dir.), Les Harkis dans la colonisation et ses suite, Éditions de l'Atelier, 2008, p. 97.
- ↑ François Xavier Hautreux («Les supplétifs pendant la guerre d'Algérie», in Fatima Besnaci-Lancou, Gilles Manceron (dir.), Les harkis dans la colonisation et ses suite, Éditions de l'Atelier, 2008, p.50) évoque un maximum de 400 000, qu'il estime peu probable, en comptant tous les corps supplétifs : harkis, GMS, maghaznis, aassès et GAD.
- ↑ Charles-Robert Ageron, « Le « drame des Harkis » : mémoire ou histoire ? », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 68, no 1, 2000, p. 3–16 (DOI 10.3406/xxs.2000.3931, lire en ligne, consulté le 27 août 2019) :
« Les Harkis étaient 200 000. Nous sommes 8 millions d'Algériens, nous pouvons nous permettre de les faire tous disparaître. »
- ↑ a b et c Jean-Marie Robert, « Documents d'archives : 1962 : Sous-préfecture d'Akbou », Les temps modernes, 2011, p. 11 à 12 (lire en ligne)
- ↑ Jean Lacouture, dans Le Monde du 13 novembre 1962 donne, à cette date, une première estimation : « Plus de dix mille harkis auraient été, entre le 18 mars et le 1er novembre (1962) , exécutés ou assassinés». Mohand Hamoumou, dans Et ils sont devenus harkis (Fayard, 1994, réédité en 2001, page 249), précise: « Pourtant, il faut bien l’admettre, c’est bien 100 000 à 150 000 personnes, l’équivalent de villes comme Cergy-pontoise ou Orléans, qui furent assassinées dans des conditions horribles ». Le général François Meyer, dans son ouvrage « Pour l’honneur, avec les harkis », (Editions CLD, 2005, page 168) reprend l’estimation de l’historien Jean-Charles Jauffret : « Il semble qu’un consensus rassemble peu à peu les historiens français, et qu’une évaluation commune de 60 000 à 80 000 (victimes) soit retenue ». Boussad Azni, à l’origine de la création du Comité national de liaison des harkis, avance le chiffre de 150 000 harkis tués dans le livre Harkis, crime d’Etat, généalogie d’un abandon (Editions Ramsay, collection J’ai lu, 2002, page 56). Georges-Marc Benamou, dans son livre Un Mensonge français, avance le chiffre de 70 000 victimes. L’historien Gilbert Meynier a déclaré dans une interview publiée dans le quotidien El Watan le 10 mars 2005 que les massacres avaient été moins importants et plus localisés que ce que déclarent certains journalistes comme Georges-Marc Benamou. Abderahmen Moumen et Fatima Besnaci-Lancou, dans Les harkis (éd. Le cavalier bleu, collection Idées reçues, août 2008, page 40), écrivent : « Peu d’historiens s’aventurent à donner des chiffres. Benjamin Stora avance, dans La guerre d’Algérie (1954-2004), la fin de l’amnésie (2004), une estimation entre 10 000 et 25 000 morts, d’autres reprennent les estimations du général Maurice Faivre, soit entre 55 000 et 75 000 morts ». De fait, en 1995, le général Maurice Faivre avançait une fourchette de 50 000 à 70 000 harkis tués par le F.L.N. (Pierre Messmer, Les blancs s'en vont: récits de décolonisation, Albin Michel, 1998, p.174). Les chiffres des morts ont pu être contestés car basés sur des témoignages locaux que l’on a ensuite étendu à l’ensemble du pays.
- ↑ Jean-Jacques Jordi, « À propos des Harkis » in Sorties de guerre sous la direction de Jacques Frémeaux et Michèle Battesti, Cahier N° 24, 2005, p.48.
- ↑ Elise Vincent (envoyée spéciale à Perpignan), « Sarkozy : l'Etat est responsable dans "l'abandon" des harkis », Le Monde.fr, 14 avril 2012 (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le 26 décembre 2017)
- ↑ Todd Shepard et Claude Servan-Schreiber (trad. de l'anglais), 1962 : comment l'indépendance algérienne a transformé la France, Paris, Payot, 17 septembre 2008, 415 p. (ISBN 978-2-228-90330-1)
- ↑ a et b « Guerre d'Algérie : qui a laissé massacrer les harkis ? », Marianne, 8 octobre 2016 (lire en ligne, consulté le 18 février 2018)
- ↑ Jean Décotte, « Sarkozy déclare l'Etat responsable dans l'abandon des harkis », Le Point, 14 avril 2012 (lire en ligne, consulté le 26 décembre 2017)
- ↑ a et b « proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de la France dans l'abandon et le massacre des harkis », sur www.senat.fr (consulté le 18 février 2018)
- ↑ « Harkis : une journée d'hommage national organisée partout en France », /www.francetvinfo.fr, 2018-25-09 (lire en ligne, consulté le 22 octobre 2018)
- ↑ « Emmanuel Macron demande « pardon » aux harkis en reconnaissant leur « singularité dans l’histoire de France » », sur Le Monde (consulté le 1er novembre 2022)
- Ageron (Charles-Robert), « Le “drame des harkis”, mémoire ou histoire », Vingtième siècle, revue d'histoire, n° 68, 10-12/2000, p. 3-15.
- Thénault (Sylvie), « Massacre des harkis ou massacres de harki ? Qu'en sait-on ? », in Fatima Besnaci-Lancou, Gilles Manceron (dir.), Les harkis dans la colonisation et ses suite, Éditions de l'Atelier, 2008, p. 81-91.
- Massacre de Sétif, Guelma et Kherrata
- Massacre de Melouza
- Massacre de Beni Oudjehane
- Massacre du 17 octobre 1961
- Massacre du 5 juillet 1962
- Harki, Harkettes, Moghazni
- Harkis pendant la guerre d'Algérie
- Camps de transit et de reclassement pour les harkis, Hameau de forestage
- Maison d'Histoire et de Mémoire d'Ongles