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Mohamed Boudiaf — Wikipédia

  • ️Tue Jan 16 2001

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Mohamed Boudiaf
Illustration.
Fonctions
Président du Haut Comité d'État de la République algérienne démocratique et populaire
(chef de l'État[Note 1])
16 janvier29 juin 1992
(5 mois et 13 jours)
Élection 14 janvier 1992
Chef du gouvernement Sid Ahmed Ghozali
Prédécesseur Chadli Bendjedid
(président de la République)
Successeur Ali Kafi
Vice-président du Gouvernement provisoire de la République algérienne
9 août 196127 septembre 1962
(1 an, 1 mois et 18 jours)
Président Benyoucef Benkhedda
Gouvernement 3e Gouvernement provisoire de la République algérienne
Ministre d'État du Gouvernement provisoire de la République algérienne
19 septembre 195827 septembre 1962
(4 ans et 8 jours)
Président Ferhat Abbas
Benyoucef Benkhedda
Gouvernement 1e Gouvernement provisoire de la République algérienne
2e Gouvernement provisoire de la République algérienne
3e Gouvernement provisoire de la République algérienne
Président du Comité révolutionnaire d'unité et d'action
23 mars 195410 octobre 1954
(6 mois et 17 jours)
Membre du Groupe des 22 Historique
23 juin 195423 octobre 1954
(4 mois)
Membre du Groupe des 6 Historique
23 octobre 19541er novembre 1954
(9 jours)
Biographie
Surnom Si Tayeb
El Watani[1]
Date de naissance 23 juin 1919
Lieu de naissance M'Sila (Algérie)
Date de décès 29 juin 1992 (à 73 ans)
Lieu de décès entre Annaba et Alger (Algérie)[Note 2]
Nature du décès Assassinat
Sépulture Cimetière d'El Alia
Nationalité Algérienne
Parti politique FLN (1954-1962)
PRS (1963-1979)
Conjoint Fatiha Boudiaf (-1992)
Enfants Nacer Boudiaf[2]
Profession Fonctionnaire
Religion Islam
Résidence Palais d'El Mouradia, Alger

Mohamed Boudiaf
Chefs d'État algériens
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Mohamed Boudiaf (en arabe : محمد بوضياف, en berbère : ⵎⵓⵃⴰⵎⴷ ⴱⵓⴹⵢⴰⴼ), né le 23 juin 1919 à M'Sila et mort assassiné le 29 juin 1992 à Annaba, est un homme d'État algérien. Il est président du Haut Comité d'État du 16 janvier 1992 au 29 juin 1992[3].

Fonctionnaire de profession, membre fondateur du Front de libération nationale (FLN), un des chefs de la guerre d'indépendance algérienne et membre du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), au poste de ministre d'État de 1958 à 1961 puis vice-président jusqu'en 1962, il entre en opposition contre les premiers régimes mis en place à l'indépendance de son pays, et s'exile durant près de 28 ans au Maroc. Rappelé en Algérie en 1992 en pleine crise politique marquée par la dissolution de l'APN, la proclamation de l'état d'urgence puis la démission du président Chadli Bendjedid le 11 janvier 1992, il participe à la création d'un Haut Comité d'État de cinq membres dont il est élu président, en même temps qu'il est désigné comme chef de l'État le 16 janvier 1992. Il est assassiné quelques mois plus tard lors d'une conférence des cadres à Annaba le 29 juin 1992.

Lettre envoyée par Mohamed Boudiaf aux dirigeants du Caire, Ahmed Benbella, Mohamed Khider et Hocine Ait Ahmed.

Mohamed Boudiaf naît le 23 juin 1919 à M'Sila[4] dans l'actuelle wilaya de M’sila en Algérie, alors départements français. Il est issu de la tribu des Ouled Madhi[5]. Une faction éponyme, les « Ouled Boudhiaf », est citée comme étant d'origine Athbedj et donc Hilalienne[6]. Après avoir effectué ses études à M'sila, il devient fonctionnaire dans l'administration[7]. Adjudant dans l'armée française en 1942 pendant la Seconde Guerre mondiale, il est commis au service des contributions à Djileli, puis est envoyé sur le front en Italie où il participa à la bataille de Monte Cassino, ainsi que Krim Belkacem qui était caporal, Larbi Ben M'Hidi qui était sergent et Rabah Bitat. Cependant ces hommes, qui servaient dans des divisions différentes, ne se connaissaient pas à cette époque. Après les massacres de Sétif de 1945, il s'engage dans les mouvements nationalistes algériens, et adhère au Parti du peuple algérien (PPA) de Messali Hadj, puis participe à la création de l’Organisation spéciale (OS), branche armée secrète du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD)[7]. Vers la fin de 1947, il en constitue une cellule pour le département de Constantine. L'OS est démantelée par la police française en 1950, et avec les autres membres dirigeants de l'organisation, il est jugé et condamné par contumace pour ses activités militantes. En 1952, il est muté en France par le MTLD où il milite au sein de la communauté immigrée algérienne.

Il rentre en Algérie en mars 1954 et crée, avec huit autres militants, qui devinrent les « chefs historiques du FLN »[8], avec pour objectif l'indépendance de l'Algérie par la lutte armée, le Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) dont il est élu président lors de la réunion qui s'est tenue dans une modeste villa du Clos Salambier appartenant à Lyès Deriche[réf. nécessaire].

Après l'échec du CRUA, il fait partie, une nouvelle fois comme coordonnateur général, du « groupe des 22 », qui organise la préparation de la lutte armée désormais certaine[7]. Titulaire de la carte no 1 du Front de libération nationale (FLN), créé pour rassembler dans la lutte les différentes forces nationalistes, il est décidé comme date du déclenchement des « hostilités » le 1er novembre 1954 — date qui marque le début de la guerre d'Algérie.

À l'issue du Congrès de la Soummam, en août 1956 il devient membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA). Le 22 octobre 1956, il est arrêté, avec d'autres chefs du FLN, par l'armée française à la suite du détournement de l’avion civil marocain qui le menait vers la Tunisie. Il dirige alors depuis sa prison la fédération de France du FLN et est nommé en 1958 ministre d’État du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), à sa création, puis vice-Président en 1961[7]. Il est libéré le 18 mars 1962 après les accords d'Évian.

À l'indépendance en juillet 1962, il entre en désaccord avec Ben Bella, ce dernier étant soutenu par le commandement de l'Armée de libération nationale (ALN) de l'extérieur qui crée un bureau politique du FLN pour remplacer le GPRA[9]. Le 20 septembre 1962, le bureau politique du FLN constitue la première assemblée nationale constituante algérienne et Mohamed Boudiaf fonde en opposition son propre parti, le Parti de la révolution socialiste (PRS). Le 23 juin 1963, il est arrêté sur le pont d'Hydra[10], puis séquestré à Tsabit[10] dans le Sud algérien où il entame une grève de la faim avec ses compagnons de cellule. Il sera détenu avec 3 autres prisonniers dont Mohand Akli Benyounes[10] durant plusieurs semaines avant d'être transféré vers Saïda[10], où il retrouvera Salah Boubnider en prison. Il réussit à faire passer une lettre à sa famille où il dénonce sa séquestration ; l'affaire est médiatisée[10]. Il est transféré une dernière fois près de Sidi Bel Abbès[10]. L'exil vers la Suisse lui est proposé mais il refuse[10]. Il prend position contre la nouvelle constitution et la politique du régime. Condamné à mort en 1964 par le régime Ben Bella, il quitte l'Algérie et rejoint la France puis le Maroc. Il œuvre au sein de son parti, et anime à partir de 1972 entre la France et le Maroc plusieurs conférences où il expose son projet politique pour l'Algérie, et anime la revue El Jarida[7]. Son livre Où va l'Algérie, livrant un témoignage lucide sur l'après-indépendance et la prise du pouvoir par les militaires[10], résume ses propositions politiques. En 1979, après la mort de Houari Boumédiène, il dissout le PRS et se consacrera à ses activités professionnelles en dirigeant à Kénitra au Maroc une briqueterie.

Dans le cadre des événements de janvier 1992 en Algérie, après la démission du président Chadli Bendjedid (au soir du 11 janvier), il revient en Algérie le 16 janvier 1992[11]. Alors que le FIS, parti islamiste, emporte une large majorité au 1er tour des élections législatives, Chadli Bendjedid, après avoir dissous l'Assemblée nationale et laissé un vide constitutionnel, démissionne sous la pression des janviéristes et le Haut conseil de sécurité (HCS) annule les élections. Mohamed Boudiaf est rappelé en Algérie pour devenir le président du Haut Comité d’État[12], en charge provisoire des pouvoirs de chef de l'État. Par son long exil, il apparaissait en effet paradoxalement comme un homme neuf, non impliqué dans les tribulations du régime algérien et donc susceptible de sortir le pays de l’impasse[9]. Souhaitant une Algérie démocratique tournée vers la modernité, il disait vouloir mettre fin à la corruption qui gangrenait l'État.

En juin 1992, il lance un nouveau parti politique, le Rassemblement patriotique national[13]. Au même moment, il envisage de limoger le général Mohamed Mediène, le chef du gouvernement Sid Ahmed Ghozali et de lancer une purge anticorruption[14].

Le 29 juin 1992, Mohamed Boudiaf est assassiné au cours d'une conférence des cadres qu'il tenait dans la ville d'Annaba[15]. À onze heures du matin, le sous-lieutenant du Groupement d'intervention spécial (GIS), Lambarek Boumaarafi, ayant lancé une grenade pour faire diversion, tira sur le président à bout portant et le tua. L'évacuation du président prend du retard. Alors que l'ambulance présidentielle n'est pas disponible, il est évacué par une ambulance de la protection civile puis transféré dans l'ambulance présidentielle. De là, il est transporté par avion vers Alger. Alors que l'avion n'obtient pas d'autorisation d'atterrissage, il atterrit finalement à Boufarik. Le président meurt lors du trajet, et sa mort est annoncée à 13h[16].

Lors de ses funérailles, des participants conspuent les généraux janviéristes et les qualifient de « harkis », et s'en prennent aux véhicules de nombreux ministres[17].

La motivation de son assassinat est sujette à controverse, entre la piste d’une action isolée commise par un militaire ayant des sympathies islamistes et celle d’un complot plus vaste impliquant des généraux de l'armée[15]. Sans faire la lumière sur l'assassinat de Boudiaf, la commission d’enquête instituée par le gouvernement algérien écarte la thèse de l’« action isolée » d’un officier de l’armée ayant agi pour des motifs strictement religieux[18]. Nacer Boudiaf est convaincu que son père a été assassiné avec la bénédiction de François Mitterrand [réf. nécessaire], ce dernier ayant été accusé par l'ancien hebdomadaire Algérie-Actualité d'être derrière l'assassinat[19].

  • Où va l'Algérie ? (essai), Éditions de l'Étoile, Paris, 1964, 208 p.
  • La préparation du 1er novembre suivie de Lettre ouverte aux Algériens (autobiographie), El Jarida, Paris, 1976, 94 p.
  1. Le Haut comité de l'État n'est pas prévu par la Constitution algérienne mais dirigeant de facto le pays, son président est assimilé au chef de l'État.
  2. Ayant essuyé les tirs de son assassin à Annaba, il meurt sur le trajet en avion lors de son rapatriement vers Alger.
  1. « Chadli Bendjedid démissionnait ».
  2. « Algérie : Nacer Boudiaf, au nom du père - Jeune Afrique.com », sur JeuneAfrique.com (consulté le 23 juillet 2024)
  3. « [Série] « On a tué le président ! » », sur Jeune Afrique (consulté le 19 avril 2023).
  4. Mohammed Harbi, 1954, la guerre commence en Algérie, Editions Complexe, 1998 - 209 pages, pp. 189-190 (présentation en ligne)
  5. (ar) Université Ahmed Drayah, « محمد بوضباف (1919م-1992م) » (consulté le 11 août 2024)
  6. Jean Despois, Le Hodna, Algérie, FeniXX, 1er janvier 1953 (ISBN 978-2-7059-5937-1, lire en ligne), p. 119
  7. a b c d et e Mohamed Boudiaf, portrait sur le site de la Présidence de la République algérienne.
  8. À l'origine de la création du FLN, ces neuf militants prendront le nom de « chefs historiques du FLN », ou les « historiques ». Ils sont, avec Mohamed Boudiaf, Hocine Aït Ahmed, Ahmed Ben Bella, Krim Belkacem, Mostefa Ben Boulaïd, Larbi Ben M'Hidi, Rabah Bitat, Mourad Didouche et Mohamed Khider.
  9. a et b « Pourquoi Mohammed Boudiaf a-t-il été assassiné ? » Mahfoud Bennoune, Confluences Méditerranée no 25, mars 1998 (ISBN 2-7384-6527-7), p. 159-166.
  10. a b c d e f g et h Mohamed Boudiaf, Où va l'Algérie ?, 1970.
  11. « Le 16 janvier 1992, Boudiaf revenait en Algérie… », algerie360.com, 16 janvier 2012.
  12. Le HCE est en outre composé de : Khaled Nezzar, Ali Kafi, Ali Haroun et El-Tidjani Haddam.
  13. « ALGERIE L'assassinat de Mohamed Boudiaf Un gêneur », sur Le Monde.fr, Le Monde, 1er juillet 1992 (ISSN 1950-6244, consulté le 26 août 2019).
  14. « Commandos de Légende », sur Google Books (consulté le 26 août 2019).
  15. a et b Jean-Paul Mari, « Ils avaient juré la mort de Boudiaf », Grands-Reporters, 2 juillet 1992.
  16. « L’assassinat du président Boudiaf », sur cairn.info (consulté le 26 novembre 2024).
  17. « Été 1992 : l’Algérie bascule dans la guerre ».
  18. Hassane Zerrouky, « L’espoir assassiné », L'Humanité, 29 juin 2002.
  19. José GARÇON, « Levée de boucliers à Alger contre l'initiative Mitterrand », sur Libération.fr, 6 février 1995 (consulté le 29 juin 2020)
  • Nacer Boudiaf, Autopsie d'un assassinat - Boudiaf, l'Algérie avant tout !, Éditions Apopsix, Paris, 2011 (ISBN 978-2-35979-032-0).
  • Benjamin Stora, Dictionnaire biographique de militants nationalistes algériens, L'Harmattan, Paris, 1985 (ISBN 2-85802-543-3) édité erroné (BNF 36618638).
  • Mohammed Harbi, FLN mirage et réalité, des origines à la prise du pouvoir (1945-1962), Jeunes Afrique, 1980 (ISBN 2-852-583-76-3).
  • Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN 1954-1962, Paris, Fayard, 2002 (ISBN 221361377X).
  • Salah Chekirou, Le grain de sable : exploration dans les mystères de l'assassinat du président Mohamed Boudiaf, Publisud, Alger, 2000 (ISBN 2-86600-992-4).
  • Mohamed Abbas, Ightiyal Houlm (« Assassinat d’un rêve »), Alger, 2004.
  • Guerfi Azeddine, Chaïb Aïssa Khaled, Boudiaf - l'homme des ruptures, Éditions Chihab, Batna, 1992.