Le Mans – Place du Général-Grente
- ️Guilleux, Joseph
- ️Tue Dec 01 2020
1Cette intervention s’inscrit dans le cadre des études archéologiques réalisées parallèlement aux travaux de restauration menés par l’Architecte en Chef des Monuments Historiques sur plusieurs sections de l’enceinte gallo-romaine du Mans.
2L’opération a porté sur quatre points :
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étude d’une section de l’enceinte antique située sous la chapelle Saint Joseph de la cathédrale ;
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observation de la face externe de l’enceinte, située entre la chapelle Saint Joseph et l’escalier qui dessert les deux terrasses de l’Agence des Bâtiments de France, avec quelques observations sur la face interne ;
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recherche de la tour d’angle nord-est de l’enceinte ;
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vérification du tracé de l’enceinte sur la face nord.
L’enceinte sous la chapelle Saint-Joseph
3Visible sur une longueur de 4,75 m, cette fraction de l’enceinte apparaissait au niveau du sol à une altitude de 70,15 NGF. Une tranchée de sondage a permis d’en dégager le soubassement. Il est alors apparu que tous les blocs le formant avaient été extraits, la cavité ainsi formée ayant été rebouchée soit par une maçonnerie, soit par de la terre. Dans la partie rebouchée par de la terre, on observe que les blocs étaient disposés en double épaisseur sur un lit de calage, formé par des grosses pierres de grès, noyées dans un concassage de calcaire, le tout enfoncé dans l’argile naturelle (le niveau du lit de pose observé en deux points : 68,81 et 68,91 NGF). La trace supérieure des logements des blocs est observable sur 2,83 m (3 blocs), sur une hauteur de 0,75 m en laissant supposer une disposition sur 2 rangs, avec un décalage de niveau descendant selon la pente naturelle du terrain vers le sud.
4Aucune trace de pose d’un lit de briques n’apparaît au départ du parement, qui s’étale sur quatre plages inégales de 5 ou 4 moellons séparés par des cordons triples de briques.
5Hauteur des plages en partant du bas :
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67,5 cm, soit 5 moellons ;
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40 cm, soit 4 moellons ;
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45 cm, soit 5 moellons.
6L’observation de la pente des cordons de briques révèle une déclivité de la construction de presque 3 %. Les deux premières plages de moellons ont conservé des joints tirés au fer. La première plage montre l’emploi de moellons de taille assez irrégulière. Malgré le dépôt de calcite, on relève sur la seconde plage un décor formant une ligne de « V ». Trois trous de boulins apparaissent au niveau du premier rang du troisième cordon de briques. Ce même cordon de briques supporte l’exutoire d’un canal d’évacuation des eaux pluviales, dont la base est au niveau 71,70 NGF. Large de 0,25 m pour une hauteur de 0,275 m, il présente sur sa face externe deux montants formés de trois briques, surmontées d’un linteau de schiste qui supporte 7 briques disposées en rayonnement. Il traverse le mur sur plus de 4 m. La tranchée de fondation déborde de 0,475 m la face externe des lits de blocs de soubassement.
La section de l’enceinte soutenant la terrasse de l’Agence des Bâtiments de France
La face externe
7D’une longueur de 21,50 m pour une hauteur de 4,90 m, cette face se divise en trois parties depuis la chapelle Saint Joseph : arrachement d’une tour sur 6 m, une section d’enceinte sur 7,15 m et une autre section d’enceinte apparaissant sur 8,35 m. L’enceinte suit la pente du terrain, selon une déclivité moyenne de 2 %. Cette fraction d’enceinte montre trois phases de construction. Une première section partant de la tour d’angle nord-est, sur laquelle vient se raccorder une seconde section qui laisse dans sa partie terminale un parement d’attente, en vue de l’édification d’une tour.
8La première section est fondée sur deux rangs de blocs qui ont été arrachés alors que la seconde section ne comportait qu’une seule rangée de blocs, encore en place, derrière la tour détruite. Le raccordement de ces deux sections est assez maladroit, puisqu’il laisse apparaître un décalage dans l’alignement horizontal des lits de briques et des lits du blocage interne.
9Ces deux sections illustrent la méthode de construction de l’enceinte. On élève une superposition de barres verticales dont chaque lit d’arrêt nous indique la hauteur. Aucune de ces barres ne montre la même élévation, soit par diversification du nombre d’ouvriers ayant travaillé sur le chantier, soit par des différences d’approvisionnement en matériaux, ou toute autre raison. Neuf barres apparaissent sur une hauteur de 3,75 m, dans la section proche de la tour d’angle, et 11 barres sur 3,05 m de l’arrachement de la tour.
10Les espacements entre les trous de boulin montrent également une irrégularité. Le parement s’élève sans lit de briques sur les blocs des deux sections. L’alternance des cordons triples de briques et des plages de moellons très dégradées ne laisse plus apparaître le moindre décor. On note la présence d’un glacis qui rétrécit le mur. Ce parement fut continué sans lits de briques, comme le prouve la présence des trous de boulins, à l’emplacement de la tour proche de la cathédrale. Cette tour, prévue dès la conception de cette fraction de l’enceinte, fut laissée en attente et n’était pas liée à l’enceinte. La présence de cette structure, dont il ne reste aucun élément aujourd’hui, est aussi confirmée par l’importance du dénivellement constaté au niveau du soubassement de l’enceinte, entre la partie externe à la chapelle Saint Joseph et celle enfermée dans la chapelle. Nous avons là, en l’espace de 10 m, un décrochement de 1,92 m.
Le dos de cette partie de l’enceinte
11Suivie sur plus de 16 m, la face interne de l’enceinte présente, à une hauteur de 4,90 m, une largeur de 4,25 m. Elle s’élève en obliquité avec un glacis bien visible et un retrait de 0,23 m, marqué par un rang de briques. Dégagé sur une hauteur de 3,35 m, le parement se présente de la manière suivante (de bas en haut) : 29 rangs de moellons surmontés par un rang de briques et deux rangs de moellons. L’appareil est très régulier, disposé en lits assises assurant une parfaite régularité à cette face interne.
La tour formant l’angle nord-est
12Un sondage a été réalisé sur la terrasse haute afin de vérifier la présence d’une tour d’angle, signalée au siècle dernier dans les écrits de l’abbé Voisin. Elle apparut très arasée, à une altitude moyenne de 73,30 NGF. Elle présente un arc de cercle dont la corde mesure 2,52 m sur une hauteur de 1,675 m. Sa face externe montre deux rangs de blocs, un triple rang de briques, deux rangs de moellons et un triple rang de briques. Le niveau de base est à l’altitude 71,615 m, soit 0,39 m plus haut qu’au pied de l’escalier où la section est apparue.
13Le blocage interne de la maçonnerie est conservé sur une plus grande élévation à partir de la limite des briques du parement, qui montrent partout une disposition formant une largeur de 60 cm.
La face nord
14Sondage sous le perron arrière du no 22 de la place du Cardinal-Grente : il s’agissait de vérifier la direction du mur de ville sur sa face nord, mur qui n’apparaît en élévation en aucun droit et qui est toujours situé sous l’alignement des façades arrières de cette partie de la place.
15Le sondage a pleinement vérifié la direction du mur en le faisant apparaître sous le perron, dans un ancien caveau que nous avons débouché. L’enceinte est visible en cet endroit sur une longueur de 1,45 m et s’élève sur une hauteur de 2,575 m. Les blocs de base ont été extraits et leur lit de pose, formé par un concassage calcaire enfoncé dans l’argile, est au niveau 73,45 NGF. L’espace laissé libre par les blocs (0,95 m) évoque une disposition sur deux assises (une deuxième rangée de blocs est visible, en retrait). Élévation du mur : deux rangs de blocs (?), une maçonnerie de 15 à 16 cm disparue, trois lits de briques, cinq rangs de moellons et trois nouveaux lits de briques. Un glacis se dessine dans la partie supérieure restante. Le niveau du lit de pose montre que le terrain remonte de 1,83 m depuis la tour d’angle.