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Le censier de Saint-Martin de Cournon-d’Auvergne pour le chapitre c...

  • ️Lauranson-Rosaz, Jean-Pierre Chambon et Christian
  • ️Mon Jun 20 2005
  • 1 Les noms de lieux non localisés explicitement dans un département sont tous situés dans le Puy-de-D (...)
  • 2 Sur les premiers censiers bas-auvergnats, on se reportera aux articles de G. Fournier (1951, a et b(...)

1Le document dont on trouvera ci-dessous l’édition accompagnée de commentaires est l’un des plus anciens brefs de cens qui aient été repérés dans la partie septentrionale de l’Auvergne. Souvent rédigés partiellement voire entièrement en langue d’oc, les documents de ce type, consistant essentiellement en des listes nominales, ont joué dans l’Auvergne du xie siècle un rôle important dans l’émergence de l’occitan à la scripturalité2. C’est surtout de ce point de vue qu’on étudiera ce nouveau censier.

2LE DOCUMENT

3Le Breve de terra Sancte Martini est inédit et, à notre connaissance, il n’a jamais été signalé. Conservé aux Archives départementales du Puy-de-Dôme (3 G, arm. 7, sac A, c. 2), il appartient au fonds du chapitre cathédral de Clermont. Parmi les pièces remarquables de ce fonds figure un cartulaire en rouleau, ainsi dénommé par l’archiviste M. Cohendy qui inventoria le fonds au milieu du xixe siècle et décrit ainsi le document : il est « composé de cinq peaux de parchemin, faisant ensemble une hauteur de 4,50 m sur 0,28 m de largeur, et réunies l’une à l’autre par des lacs de parchemin » (Cohendy 1854, 386). Cohendy (1854, 387) poursuit : « Ces chartes, ainsi réunies, ne sont pas les titres originaux quoiqu’elles aient chacune à leur revers un titre de leur contenu ; ce qui est indiqué par l’inscription des différents actes les uns à la suite des autres, même sans intervalle de ligne ; mais ce sont des copies, contemporaines de l’évêque Rencon, du comte Guillaume, et du roi Henri Ier, c’est-à-dire de 1031 à 1055 ». Si Cohendy a assez justement décrit l’aspect matériel du document, il n’a pas bien vu en revanche sa structure. C’est ainsi qu’il écrit : « Avant la première <charte> il a dû en exister une ou peut-être plusieurs autres, car cette première a sa marge percée pour placer les lacs qui ont dû la rattacher à une précédente, et on reconnaît qu’elle commence par un acte incomplet, dont la première partie existait immanquablement sur une autre peau précédente » (Cohendy 1854, 386). C’est en fait au verso de cette première « peau » que se trouve le Breve de terra Sancte Martini, qui précède un Breve de terra de degania Sancta Maria Principalis (Notre-Dame du Port à Clermont-Ferrand).

4Afin de rendre manifeste la structure en liste du document, on est allé à la ligne après chaque item. Les articles ont été numérotés et l’on a introduit la ponctuation. Des indications en marge, entre crochets carrés, signalent les trois sections du document, lesquelles ont été séparées par un saut de ligne, de même que la phrase récapitulative numérotée [61]. Les toponymes composés ont été pourvus de deux majuscules initiales. Les parties sûrement rédigées en occitan, éditées suivant les conventions usuelles des romanistes, sont imprimées en italique. Dans l’ignorance de la forme exacte du mot, on a conservé « sr » ou « s », abréviations d’aocc. sestairadas « séterées » ou de son équivalent latin.

  • 3 Sic ms.

BREVE DE TERRA SANCTE3 MARTINI

[Les champs.]

[1] In primis in Monte Colno, xiiii sr.

[2] Ad Crucem, iii sr.

[3] In loco qui dicitur Cambaleva, ii sr.

[4] In la Costa de Lacalon, i eminada.

[5] In ca<m>po ad Crucem, iiii sr.

[6] In campo super Vinea Iudea, iii sr.

[7] In ca<m>po a la-Calm, x sr.

  • 4 Lecture difficile. Blanc entre Se et derium. Lire Sancte Desiderium.

[8] In campo ad Se(...)derium4, ii (s)s et emi.

[9] Arplans, iii sr.

[10] In Clausum, iii emi.

[11] In Contamina, xx sr.

[12] Terra ad Clausum, vii s.

In campo Menaçvilla, ii s. et emi.

In campo Allafans, ii s. et emi.

Al Lac, iii emi.

In uia ad Allsandra, iii emi.

Alla-Garda, iii emi.

In la-Crosa, iv s.

Ante Vineam Iudeam et terram Sancti Iuliani, iii emi.

A Roncavolp, iii emi.

Et in loco qui uocatur Combas, iii emi.

  • 5 On pourrait aussi lire Fiederia.

In Frederia5, iii emi.

In la-Guadesia, i emi.

In la-Craveria, iii emi.

In Suciac, vi s. de feu ad nauterios.

In olchia Guilelme, i s.

In olcha Joseph, i s.

A Cornonet, v s., et retro Cornonet, iii emi.

A la Planca, iii quarta.

Ad Irboi, de Mala Muliere, vi s.

Ad Altariba, vi s.

  • 6 On pourrait aussi lire Farlegira.

A Sarlegira6, iii emi.

Al Toll, ii s.

Ad Alairat, iii s.

A Sumlau, i s.

A Sarlegua, iii emi.

A Montel, iii quartaladas.

  • 7 Mot illisible : teilde, leilde ou Irilde ?

Tres semojadas de terra a-Aizies, de uno latus terra Sancti Iuliani teilde7, de alio terra Arbert de Joizen, de tercio uia publica.

Sumptus : Vinea Guidonesha, iii emi.

Sumptus : Vinea Iudea, feu Gunzaldus, iii emi.

In Vinea Iudea, iii emi.

[Les vignes.]

  • 8 Ms. operras.

Clausum, a Vinojol, c operas8.

Vinea Guidonesca et Guinabaldesca, xxx operas.

Vinea Vetula, xx operas.

Vinea Iudea : xx operas.

Clausum de Conta., lx operas.

Supra Fontas Nilas, xx operas.

Vinea lla-Guarda, x operas.

A Chirols, v operas.

Vinea Girardesca, viii operas.

Vinea Aldolfania, xii operas.

  • 9 atgeria avec o en surligne entre i et a.

Vinea at-Gerioa 9, iii operas.

Stephanus et Ema, xii operas.

Iohannes de Pozarot, iiii operas.

Airaldus, vi operas.

Vinea Gunbertesca, x operas.

A Fontanillas, xii operas.

A-Bertuz, iiii operas.

Al Montel, v operas.

A Fontanilla, vi operas.

[Somme.]

Hoc sunt x mojadas de terra et de uineis cccl operas.

/Au recto/

[Complément.]

Et campo i de sr. iii et operas iii de uinea qui sunt ad illas Claues.

Et a Razago, mansione cum uinea de operas vi.

Et a Monte Croelico, operas viii de uinea.

Et operas iii de uinea qui sunt in Monte Croelico.

Et in ipso Monte Croelico, operas iiii de uinea qui sunt de uersus Erbariag.

Et prato i de cartuor [sic] situriadas et est inter Molmenico et Alnag.

/Suit le Breve de terra de degania Sancta Maria./

2 Macrostructure et microstructure du document

52.1. Le Breve de terra Sancte Martini est un relevé sommaire des biens fonciers possédés par une communauté religieuse. Il se présente comme une liste de 66 items ou articles constitués chacun par une phrase sans verbe principal, à l’exception de [67] où une proposition verbale est coordonnée à une proposition averbale. Un récapitulatif [61] est la seule phrase pleinement verbale du document. Les biens recensés sont, à une exception près (un pré [67]), des champs et des vignes dont la superficie est systématiquement indiquée ; les confins [38] ou le mode d’acquisition (« Sumptus » [39, 40]) ne sont qu’exceptionnellement décrits. Le texte recense d’abord les champs (terras) [1-41] puis les vignes [42-60] sans que ces deux sections soient formellement marquées. À l’intérieur de ces deux sections, nous sommes dans l’incapacité de déterminer à quel(s) critère(s) répond l’ordre de description. La section I consacrée aux champs pourrait se diviser en deux sous-sections introduites respectivement par In primis [1] et par Et [21], mais le contenu de ces éventuelles subdivisions nous échappe. La phrase récapitulative [61] clôt la première partie (sections I et II) en faisant la somme des superficies. La fin du document [62-67] apparaît comme constituant une troisième section distincte des deux précédentes aussi bien sur le plan formel — chaque item est ouvert par la conjonction Et — que sur le plan du contenu (y sont répertoriées en effet des vignes, une mansio avec des vignes, mais aussi un champ et un pré). Il s’agit apparemment d’une sorte de complément. On distinguera donc, au total, les trois sections suivantes : I [1-41], II [42-60] et, au recto, III [62-67].

62.2. Au plan de l’agencement microstructurel, l’organisation des sections I et II est uniforme : une première unité d’information (thématique) consiste dans le repérage du bien foncier dont il s’agit, repérage employant généralement un nom propre (le plus souvent de lieu, parfois de personne) ; une seconde unité d’information (rhématique) consiste dans l’indication de la superficie ; celle-ci est exprimée presque constamment en sétérées (« ss » ou « s ») et/ou en héminées (exceptionnellement en quartelées [37] ou en demi-muiées [38]) dans la section I, et constamment en œuvres dans la section II. Bien qu’on ait également affaire à une liste, la section III est moins stéréotypée et plus « verbale » : trois propositions relatives [62, 65, 66] et une proposition verbale coordonnée [67].

3 Localisation globale des biens décrits et nature du document

7Pour le rédacteur et les utilisateurs du document, le titre « Breve de terra Sancte Martini » constituait une indication géographique suffisante. Il n’en va plus de même aujourd’hui.

3.1 Sections I et II

8La répétition de certains toponymes assure que les sections I et II ont en vue, au moins partiellement, un même secteur géographique. Le lieu-dit Vinea Iudea se trouve en effet mentionné à quatre reprises dans la section I [6, 19, 40, 41] et réapparaît comme nom d’une vigne dans la section II [45]. Le lieu-dit Vinea Guidonesha Guidonesca apparaît de même dans la section I [39] et dans la section II [43]. Bien qu’il s’agisse de dénominations plus ubiquistes, il est probable que la Garda [17] (section I) et lla-Guarda [48] (section II) réfèrent au même terroir, et il n’est pas exclu que Montel [37] (section I) et (lo) Montel [57] (section II) constituent également deux occurrences d’un même toponyme, en dépit de leur différence formelle.

9On constatera d’autre part que ceux des toponymes de la section I qu’il est possible d’identifier ou de localiser avec une plus ou moins grande vraisemblance (ci-dessous § 5) sont tous situés — ou bien dans le territoire de la commune de Cournon-d’Auvergne, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Clermont-Ferrand (cas de Cornonet [28], (lo) Lac [15], Montel [37], Roncavolp [20], Sarlegua [36] et, probablement, de la Calm [7], la Crosa [18], Fontanilla [60], la Garda [17, 48], Sumlau [35], Vinojol [42]), — ou bien dans les environs immédiats de cette localité, (Alairat [34], Allsandra [16], Altariba [31] et peut-être de Combas [21], Fontanil(l)as [47, 57] et Sarlegira [32]). Quant au seul toponyme identifiable de la section II, Chirols [49], il est, lui aussi, vraisemblablement situé dans les parages de Cournon.

3.2 Sanctus Martinus

  • 10 Sur les églises de Cournon, v. G. Fournier 1962, 539-40.
  • 11 A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 11, sac Q, c. 1 ; Cohendy 1854, 361-3 ; Sève 1980, 21.
  • 12 Sève 1980, 36 ; Pascuito 1978, 60 (qui indique, malheureusement sans précisions, que « les biens qu (...)

10Dès lors, il ne fait guère de doute que Sanctus Martinus désigne l’une des deux églises (Saint-Martin et Saint-Hilaire) de Cournon10. Ces deux églises figurent parmi les biens (aliénés par ses prédécesseurs) que l’évêque Étienne II remit en 959 en possession du chapitre cathédral de Clermont11. Le chapitre de Clermont se maintint à Cournon jusqu’en 1185, date de la fondation par l’évêque Ponce d’un chapitre collégial auquel l’église Saint-Martin fut alors cédée12.

3.3 Section III

  • 13 A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 11, sac Q, c. 1.
  • 14 A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 9, sac J, c. 2 ; Cohendy 1854, 379-81.
  • 15 A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 18, sac A, c. 1 ; Tessier 1967, no 4.
  • 16 « Dalmaticas vi <et a Croella vestimento I, vestiti> » (le passage entre chevrons a été écrit dans un second temps) ; A. D. du Puy-de-D</et> (...)
  • 17 En 1026, un certain Emenus achète un champ en alleu « in cultura de Croella », champ confiné de deu (...)
  • 18 Ca 950-ca 960, l’évêque de Clermont Étienne II donna au chapitre cathédral « pratum unum qui dicitu (...)

11On peut identifier, dans cette section (v. ci-dessous § 5), illas Claues [62], ancien lieu-dit de Tallende, et Razago [63], lieu-dit de Clermont-Ferrand. L’identification de Monte Croelico [64, 65, 66] comme le nom du Puy de Crouelle (comm. de Clermont-Ferrand) paraît également s’imposer. Erbariag [66] était situé dans le même secteur. Enfin, la localisation approximative du pré mentionné en [67] dans les parages d’Aulnat, ressort du cotexte. Ces résultats sont corroborés par le fait que l’implantation foncière du chapitre cathédral de Clermont est connue — à Tallende depuis le beneficiale scriptum qu’Étienne II fit rédiger en 95913 et le Breve de terra que pertinet ad ecclesia sancti Hypoliti Talamitensi14 (qui mentionne le terroir de las Claues las Claus), — à Rassat, depuis un diplôme du roi Eudes, de 893-89915, — à Crouelle, sans doute dès ca 985-1010 (second inventaire du trésor et des livres de l’église de Clermont16) et, en tout cas, depuis 102617, — à Aulnat depuis 959 et ca 950-ca 96018. Les biens fonciers mentionnés dans la section III sont donc situés à proximité de Tallende, d’une part, dans le sud-est du suburbium clermontois, d’autre part. La situation des biens décrits dans la section III est donc nettement distincte de celle des biens recensés dans les sections I et II.

3.4 Conclusion

12Les éléments dont on peut disposer portent donc à croire que le Breve décrit l’assise foncière locale de l’église Saint-Martin de Cournon (sections I et II) et de biens rattachés à Saint-Martin pour la gestion (section III).

4 Datation

13Le Breve doit être évidemment inscrit dans l’intervalle courant entre 959, date de la restitution de l’église Saint-Martin au chapitre cathédral, et 1185, date de la constitution du chapitre collégial de Cournon (ci-dessus § 3.2.). La copie semble par ailleurs être datable du xie siècle d’après l’écriture. Pour tenter de préciser davantage, on ne dispose que d’un petit nombre d’éléments.

4.1

  • 19 A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 7, sac A, c. 1 ; Cohendy 1854, 383-5.
  • 20 Sève 1980, 163. La donation est datée de 1031-1055 par Cohendy (1854, 385). L’épitaphe de Rencon pa (...)
  • 21 A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 18, sac A, c. 25. Cf. Boudet 1909, 12 et Sève 1980, 17 et n. 8.
  • 22 Camaret est identifié à tort (cf. « in territorio Cornonensi » !) avec Chamaret, l.-d., comm. de Cé (...)

14On peut tirer parti, en premier lieu, d’une donation faite par l’évêque Rencon au chapitre cathédral et consignée par une charte19 rédigée entre 1031 et 1053, sous le règne de Henri Ier (1031-1060) et l’épiscopat de Rencon (lequel avait accédé à sa charge en 1030 [?] et décéda en 105320). Cette donation comprend « in territorio Cornonensi medietatem vineæ de Camaret et medietatem campi de Seiciac quem Petrus mihi dimisit de Corspetra ». Elle est rappelée dans le mémorial des donations faites de son vivant par cet évêque : « et in villa que vulgo apellatur Cornoinis unum campum et una vinea quam donavit Petrus de Cospeira supra dicto episcopo21. » Les biens donnés par Rencon sont précisément désignés par des noms de terroirs (Camaret, Seiciac), dont le premier au moins est situé sans aucun doute à Cournon22. Or, ces noms ne sont pas mentionnés dans le Breve. On peut par conséquent supposer que la rédaction du Breve est très probablement antérieure à la donation de Rencon, c’est-à-dire antérieure à 1053.

4.2

  • 23 Ci-dessus § 3.3. et n. .
  • 24 Si l’hypothèse présentée ci-dessous (§ 7) sur l’existence d’esclaves est exacte, on devra noter que (...)

15Le Breve décrit, d’autre part, des biens situés au terroir d’illas Claues dans les termes suivants : « campo i de ss iii et operas iii de uinea qui sunt ad illas Claues » [62]. Ce lieu-dit est cité dans le bref de l’église Saint-Hippolyte de Tallende pour le chapitre cathédral de Clermont déjà mentionné23, dans la section consacrée aux champs, sous une forme latinisée (« A las Claves sr. II »), puis, sous sa forme occitane (« A las Claus sr. II ») dans la section intitulée « De feuo Carberto ». Il n’en est pas fait mention, en revanche, dans la section « De vineas ». Or le bref de l’église Saint-Hippolyte de Tallende, non daté, figure sur le même document qu’une charte d’Élie seigneur du Crest, charte dont il est probablement contemporain et qu’on peut situer également par synchronisme de l’évêque Rencon et du roi Henri Ier, soit ca 1031-ca 1053. Il en ressort que le chapitre cathédral s’est livré à des opérations foncières (acquisition ou cession) à illas Claves à une date voisine de celles de la rédaction des deux brefs. Dans l’hypothèse, qui nous paraît la plus probable, où les opérations du chapitre se seraient soldées par des acquisitions en vignes (et sans doute en terres), l’intervalle 1031-1053 servirait de terminus post quem non, tandis que l’intervalle ca 1031-ca 1053, servirait de terminus ante quem non : on daterait ainsi le bref de l’intervalle ca 1031- ca 1053. Dans l’hypothèse inverse (si le chapitre cathédral avait au contraire perdu, notamment, ses vignes d’illas Claves), le terminus post quem non de 1053 serait simplement confirmé24.

4.3

16On proposera donc de dater la rédaction du Breve de terra Sancte Martini du xie siècle, probablement d’avant 1053, et vraisemblablement de ca 1031-ca 1053. La copie serait donc contemporaine (cf. Cohendy 1854, 387 cité plus haut) ou de peu postérieure à la rédaction.

4.4

17Si l’on admet que les biens enregistrés dans la section III du censier à Rassat et à Crouelle, ou du moins certains d’entre eux, ont des chances de provenir d’Emenus de Rassat (cf. ci-dessus n. rrrr), l’intervalle ca 1026-1032 pourrait servir de terminus a quo confirmant celui que nous avons précédement adopté.

L’ ONOMASTIQUE

18On étudiera les matériaux onomastiques du bref, surtout riche en noms de lieux (plus de cinquante), sous la forme de deux index (§ 5 et 6). On verra qu’un nombre non négligeable des toponymes (Allafans, Arplans, Aizies et bien d’autres) demeurent énigmatiques sur plusieurs plans (identification, localisation, étymologie). Comme les noms de lieux et les noms de personne se partagent le même paradigme, on se demandera ensuite (§ 7) si l’opposition toponymes vs anthroponymes n’est pas porteuse de signification.

5 Index étymologique des noms propres de lieux

19Dans les vedettes des notices, les articles soudés au nom de lieu dans le ms. ont été séparés ; les noms de lieux de forme occitane sont imprimés en italique.

20Aizies [38]. — Non identifié. Étymologie obscure. M. Emmanuel Grélois nous signale qu’il lit « Anzés ». Ce serait alors Anzel(le) (i.-d., Cournon).

  • 25 Pour l’ensemble des formes anciennes, v. Chassaing Jacotin 1907, 4 ; Boyer Latouche 1926, 4 ; Dauza (...)
  • 26 Sur l’alternance entre les traitements en tonique et en prétonique, v. Ronjat 1930-1941, 1, 309. Cf (...)
  • 27 Cf. les mentions les plus anciennes dans des dénominations vicariales (d’abord in vicaria Doratensi(...)

21Alairat [34]. — Nom de lieu disparu de la toponymie majeure, mais plusieurs fois mentionné à l’époque médiévale et que l’on peut localiser à proximité de Dallet, ch.-l. de comm., cant. de Pont-du-Château) : v. Chambon Grélois, en préparation. La localisation conduit naturellement à penser que Alairat est un dérivé en -āte (*Elariāte) formé sur le nom de l’Allier dont l’initiale aura évolué parallèlement à celle du nom de la rivière : cf. Elaris (Sid. Ap.), Elacrem (Greg. Tur.), Ilario 847, Elarius ixe s., puis Alerium 906 (Doniol 1863, no 330), Aleyr 1096 etc.25 La conservation de la diphtongue /ai/ est régulière en position prétonique26. La formation est parallèle à *Dorāte > Dorat (ch.-l. de comm., cant. de Thiers) sur le nom de la Dore (Dauzat Rostaing 1978, 251)27, ou, avec une accentuation proparoxytonique, à *Cosāte > Coudes (ch.-l. de comm., cant. d’Issoire) sur le nom de la Couze (Dauzat 1939, 191).

22Allafans [14]. — Non identifié. Étymologie obscure. Une éventuelle segmentation (alla-Fans ou encore all-Afans ?) ne suggère pas davantage de solution étymologique. Il nous paraît impossible, par ailleurs, d’analyser de manière convaincante Allafans comme un nom de personne ou un nom de lieu déanthroponymique.

23Allsandra [16]. — = Le Cendre (ch.-l. de comm., cant. de Veyre-Monton) ; cf. Alexandra 996-1031 (Doniol 1864, no 413), Alsandra 1244 (Boudet 1914, 136 n. 2), villa dal Sandra apud Al Sandra apud lo Sandra 1259 (vid. 1418 ; Porteau 1943, 45, 46 etc., 47, 48 etc. ; 48), lo Sandra villa dal Sandra 1263 (Boudet 1914, 136 n. 2), dal Sandre 1357 (Drouot 1995, 70), Al Sandra 1373 (Font-Réaulx 1961-1962, 1, 162), du Cendre 1401 (Boudet 1914, 142 n. 1), < *Alexandra (villa) (Dauzat Rostaing 1978, 160, avec d’autres formes anciennes sans références) ; v. encore d’autres formes anciennes (sans références) dans Tardieu 1877, 108.

  • 28 Pour la datation, v. Chambon Lauranson-Rosaz, 2002, 353-9.

24Alnag [67]. — = Aulnat (ch.-l. de comm., cant. de Gerzat), Alnag 959 (A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 11, sac Q, c. 1), Alnaco ca 950-ca 960 (A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 18, sac A, c. 3328), < *Alnācu, sur lat. alnu « aulne » (Dauzat 1939, 248 ; cf. Chambon 2002, 110-1).

25Altariba [31]. — À identifier assez probablement avec « le secteur Sud-Ouest du lac de Sarliève, appelé Hauteribe » au Moyen Âge (G. Fournier 1996, 6) et portant plus tard le nom de Nouailhat (art. cit., 13), et à localiser par conséquent dans la zone de Noualhat (éc., comm. de Pérignat-lès-Sarliève, cant. d’Aubière) sur IGN 1 :25 000, 2531 E. Parmi les legs de Jean Azam, de Cournon, en 1288, figure « domum meam de Alta Rippa » (A. D. du Puy-de-Dôme1 G 18/2) ; nous devons cette indication à l’amabilité d’Emmanuel Grélois, selon qui cette demeure « était située au sud de Cournon, sur un promontoire surmontant l’Auzon, légèrement en amont de la confluence avec l’Allier » (comm. pers.). D’aocc. alta adj. f. « haute » + riba s. f. « terrain qui borde une rivière, un lac, etc. » (FEW 10, 410b ; DAO 245) ou de lat. alta + rīpa. La formation de ce toponyme pourrait être mise en relation avec la date de la remise en eau du lac de Sarliève, entre les iiie-ive siècles et le xe siècle (sur cette question, cf. Chambon-Trément 2004).

  • 29 L’item débute par un nom de lieu sans préposition, ce qui est exceptionnel.

26Arplans [9]29. — Non identifié. Étymologie obscure.

27Bertuz [58]. — Non identifié. Peut-être à rapprocher de les Bartissoux (l.-d., comm. de Cournon ; cadastre de 1825, section A dite de Bâne ; cf. la rue des Bartissoux, au nord de l’agglomération), qui pourrait éventuellement représenter un diminutif en -on. Étymologie obscure.

  • 30 Pour le modèle de formation de verbes, cf. Ronjat 1930-1941, 3, 478-9 (la plupart des premiers term (...)

28Cambaleva [3]. — Non identifié. Composé d’aocc. c(h)amba s. f. « jambe » (FEW 2, 111a) + thème ou impératif de levar v. tr. « lever » (FEW 5, 267b30), « désignation ironique d’un endroit escarpé » (Dauzat Rostaing 1978, 136) ; cf. Chambelève, ham., Le Vernet-la-Varenne, et Chamblève, maison, Saint-Étienne-sur-Usson (Bouillet 1854, 53).

29Calm (la) [7]. — Bien que ce type soit des plus ubiquistes, on relève la Chaud Lachaux, nom d’un lieu-dit de Cournon (cadastre de 1825, section C du Bourg) ainsi que d’un quartier, le Quartier de la Chaud (cadastre de 1825, section C du Bourg) la Chaux (Pascuito 1978, 116 ; cf. rue de la Chaux, ibid.). De la variante palatalisée d’aocc. calm s. f. « lande, plateau désert » (FEW 2, 100b ; DAO 201), cf. Vinz. [tsɔ] « plateau » (FEW 2, 101a).

  • 31 Cf. Cayrol Cayrols (3 exemplaires dans le Lot ; Combarieu 1881, 56), Le Cayrol (Aveyron), Cayrols ( (...)
  • 32 V. à ce sujet v. Chambon 2000, c, 69-70 ; 2001, 546-7 ; 2005.

30Chirols [49]. — À rapprocher de Ruppis de Cheyrols, mentionné en 1308 comme confront d’un terroir jouxtant par ailleurs l’ancien lac de Sarliève, le ruisseau de l’Auzon, l’Allier et vors de la Cayssa (non identifié) ; v. G. Fournier 1996, 11 et 32 n. 38. Chirols pourrait se trouver, par conséquent, dans la zone où les communes de Cournon et du Cendre se rencontrent (zone qui appartenait autrefois à Cournon ; cf. G. Fournier 1995, 30 et 1996, 11 et n. 36). On relève toutefois, également à Cournon, mais au nord de l’agglomération, un lieu-dit Chirol (cadastre de 1825, section A de Bâne ; cf. le chemin de Chirol ; figure sur la carte Clermont Riom Communautés de l’I.G.N.) ; Pascuito (1978, 55) évoque « la carrière de Chirol » dont les pierres auraient servi en 1876 à la construction d’un mur de soutènement sur la partie septentrionale de l’église Saint-Martin. Quoi qu’il en soit, le toponyme Chirols est un diminutif en -(e)olu de *cariu (FEW 2, 409a, 411a ; DAO 282, 284), dérivé qui ne paraît continué lexicalement qu’en Auvergne : cf. Murat tseirohr s. m. « tas de pierres » et Limagne cherot « id. » (FEW 2, 409b ; à replacer p. 409a sous I.2.a. ; aj. deux attestations du Cantal dans ALMC 86 p. 18, 43), mais qui est plus répandu en toponymie31. L’absence d’article suppose une formation ancienne (antérieure à ca 70032). La réduction de l’ancienne diphtongue /ai/ semble extrêmement précoce (cf. pourtant situriada [67]).

  • 33 En [43] (30 œuvres), on a affaire à deux vignes estimées ensemble. Cf. G. Fournier (1962, 298-9) : (...)
  • 34 Dans l’arrondissement d’Issoire, Billy (1997, 4, 67, 69, 72, 94-5 et 101) a mis en évidence plusieu (...)

31Clausum [10, 12]. — Non identifié. Type ubiquiste dans la région (Welslau 1965, 93 : « in allen Gemeinden » ; cf. aussi G. Fournier 1962, 299 et n. 17). Latinisation d’un nom de lieu-dit basé sur aauv. claus s. m. « grand terrain planté de vignes » (Sauxillanges ca 1125-1155, Chambon 1998, a, 44-5), cf. mlt. clausum (attesté en Auvergne depuis 877, v. G. Fournier 1962, 298-9). La valeur sémantique est confirmée par l’emploi de mlt. clausum dans la section II du Breve pour référer aux deux vignes les plus vastes : 100 œuvres [42] et 60 œuvres [46], alors que les autres vignes ne comptent que de 3 à 20 œuvres33. On remarque en outre que, dans notre document (section I), les champs situées ad Clausum [10] ou in Clausum [12] voisinent textuellement avec le nom de lieu-dit Contamina [11], lequel réfère étymologiquement à une grande pièce de labour indominicale (v. ci-dessous s.v.). Il paraît donc probable que le couple toponymique Contamina Clausum renvoie originellement à un ensemble indominical, labours et vignes34.

32Claues (illas) [62]. — Nom d’un ancien terroir de Tallende (v. ci-dessus § 4.2.). D’aocc. clau s. f. « clef » (FEW 2, 764a) dont la valeur probable en microtoponymie est celle connue pour mlt. de Catalogne clavis « petita part d’un predi gairebé completament envoltada per terres pertanyens a un altre o uns altres predis ; angle entrant d’un terreny en un altre » (xie-xiie s.), cat. aclau s. f. ou m. « entrant o illa que forma un terme o jurisdicció dins el territori d’un de veí, enclave » (v. Bastardas 1995, 142-3 ; DECat 2, 747 et n. 6, citant des parallèles portugais et, peut-être, gascons ; OnCat 3, 387).

33Colno [1], v. ci-dessous s.v. Monte Colno.

  • 35 Domanhac n’est pas identifié.
  • 36 On doit cependant signaler que le cadastre de Cournon (1825, section D des Bartauds) enregistre un (...)

34Combas [21]. — Dans le terrier de Chantoin (1303), un ajout porté d’une main différente à fin de la section concernant Dallet (ch.-l. de comm., cant. de Pont-du-Château) mentionne un terroir de Conbas : « Et in territorio de Conbas. Apud Domanhac [...] » (Billy 1982, 750 et n. 135). On peut penser à y identifier notre Combas (cf. ci-dessus s. v. Alairat36). D’aocc. comba s. f. « dépression en forme de vallée étroite et profonde » ou antécesseur (FEW 2, 1524b ; DAO 184, 3-1 ; aj. aauv. comba 1303, Billy 1982, 717). L’absence d’article suppose une formation assez ancienne (avant ca 700 ; v. ci-dessus n. 2).

35Conta<mina> [46]. — Le toponyme serait obscur s’il ne s’agissait pas d’une forme abrégée pour Contamina (cf. ci-dessous s. v. et l’abréviation emi. [8] et passim, pour eminada). Le contexte viticole de [46] (« Clausum de Conta<mina>, lx operas ») appuie cette hypothèse dans la mesure où, inversement, Contamina [11] voisine, dans la section I, avec le terroir à vocation originellement viticole de Clausum [11] (cf. ci-dessus s. v. Clausum). De plus, le clausum de Conta<mina> est la seconde vigne la plus vaste du document (60 œuvres), ce qui conviendrait bien à un terroir indominical ou originellement indominical.

  • 37 Cf. Chambon 2003, a, 161 (document concernant Train, l.-d., comm. de Saint-Georges-sur-Allier, cant (...)
  • 38 D’après les dépouillements très complets de Billy, l’exemplaire le plus proche de Cournon (type en (...)
  • 39 V. déjà G. Fournier 1950, 321 n. Valeur confirmée par les recherches de Billy ; cf. Billy 1997, 145 (...)

36Contamina [11]. — Non identifié ; v. encore ci-dessus s. v. Conta<mina>. Appartient au type classé FEW 2, 1022-3 sous *condominium (sur lequel v. maintenant Billy 1997), représenté le plus souvent par aocc. (dont aauv.) condamina s. f. L’absence d’article invite à supposer une fixation toponymique ancienne (avant ca 700 ; v. ci-dessus n. ). La variante à dentale sourde caractérise, en Auvergne, la toponymie du « Nord de la Grande Limagne » (Billy 1997, 125). Notre bref livre la première attestation de cette variante ; cf. , pour l’appellatif, mlt. rég. contamina prob. déb. du xie siècle37. Ces mentions sont à ajouter à Billy (1997, 308-13) qui ne connaît que des formes en -d-. Dans la microtoponymie contemporaine, cette variante en -t- a été relevée au sud jusqu’à Beauregard-l’Évêque (Billy 1997, 232), à une faible distance de Cournon38. Pour la valeur du mot, cf. G. Fournier 1962, 297-8 (« grandes parcelles de labour restées indominicales après l’allotissement de la plus grande partie des terres39 »). On remarque que le champ de Contamina (20 sétérées) est, avec celui de Aizies [38], le plus vaste de ceux décrits dans le Breve. Sur le couple Contamina Clausum, v. ci-dessus s. v. Clausum.

37Cornonet [28]. — = Cornonet (l.-d., comm. de Cournon ; cadastre de 1825, section C du Bourg et G dite de la Ribeyre ; cf. rue du Cornonet, au sud de l’agglomération) ; le même lieu-dit est mentionné en 1743 sous la forme Cornonnet (Guilmoto 1887, I B 55), dans Provost Mennessier-Jouannet (1994, 2, 86) et sur la carte Clermont Riom Communautés de l’IGN sous la forme le Cournonet. Dérivé diminutif en -et sur le nom de Cournon, formation dénotant un dédoublement d’habitat. Sur ce procédé, qui se répand « à partir du xe siècle » dans la toponymie auvergnate, v. Fournier 1962, 316-7 (cf. aussi Chambon 2003, c).

  • 40 Les segmentations la-Calon ou l-Acalon semblent exclues ; un dérivé sur aocc. lac paraît fort peu p (...)

38Costa de Lacalon (la). — Non identifié. D’aocc. costa s. f. « pente qui forme un des flancs d’une colline » (FEW 2, 1248b ; DAO 168, 2-1 « coteau »). L’étymologie de Lacalon est obscure (faudrait-il couper Lac-Alon40 ?).

39Craveria (la) [24]. — Non identifié. Étymologie obscure : dérivé de type -īa ou forme latinisée du type āria ? Dans la seconde hypothèse, à rapprocher peut-être de la Gravière (l.-d., comm. de Cournon), « près de la gare de Sarliève » (Provost Mennessier-Jouannet 1994, 2, 85), les Gravières au cadastre de 1825 (section I du Petit Sarlieve). Dans ce cas, d’aocc. graviera s. f. « lieu couvert de gravier, rive, rivage » (FEW 4, 255a ; DAO 245a, 2-3).

40Croelico [64], v. ci-dessous s.v. Monte Croelico.

41Crosa (la) [18]. — Bien que le type soit ubiquiste, on relève la Croze, nom de lieu-dit (cadastre de 1825, section A dite de Bâne et section C du Bourg) et d’un quartier de Cournon (cadastre de 1825, section C du Bourg ; Pascuito 1978, 116 ; cf. rue de la Croze, op. cit., 17). D’aocc. croza s. f. »trou ; grotte » (FEW 2, 1363a ; DAO 182, 6-1 [un seul ex.]).

42Crucem [2, 5]. — Non identifié. Latinisation d’un toponyme basé sur aocc. crotz s. f. « croix » (FEW 2, 1374b).

  • 41 Ce terroir était nécessairement proche du domaine d’Herbet (comm. de Clermont-Ferrand), Erbers 1195 (...)

43Erbariag [66]. — Nom de terroir disparu attesté notamment ca 1215-1220 (Erbairat) dans le Mémorial de Jean Bernard (A. D. Puy-de-Dôme, 4 G 54, f. 1v) et en 1242 (Erbayrat, Erbairat) dans le Terrier Dogue (A. D. Puy-de-Dôme, 4 G 55, f. 45v, 106v-107, 113). D’après les autres mentions médiévales, ce terroir était situé dans les parages du lieu-dit actuel les Ronzières, comm. de Clermont-Ferrand (cf. dans notre censier la proximité du Puy de Crouelle). Nous devons ces indications à une aimable communication de M. Emmanuel Grélois. Dérivé en -ācu relevant d’un type non recensé par Dauzat (1939) et les autres ouvrages consultés41.

44Fontanilla [60]. — À rapprocher peut-être de la Fontanille (l.-d., comm. de Cournon ; cadastre de 1825, section H des Plaines ; cf. impasse de la Fontanille, à l’ouest de l’agglomération). À distinguer probablement de Fontanillas [57], q.v. D’aocc. fontanilha s. f. « petite fontaine » (FEW 3, 697a) ou antécesseur dont on connaît quelques représentants toponymiques (Haute-Garonne, Cantal, Dordogne) ; v. Gröhler 1913-1933, 2, 227 ; Vincent 1937, 228 ; Nègre 1990-1991, § § 20435 et 20450. L’absence d’article laisse supposer une formation ancienne (avant ca 700 ; v. ci-dessus n. 2).

45Fontanillas [57]. — Peut-être à identifier avec les Fontenilles (quartier, Le Cendre, cant. de Veyre-Monton ; IGN 1 :25 000, 2532 E et carte Clermont Riom Communautés de l’IGN). Même base étymologique que Fontanilla (ci-dessus).

46Fontas Nilas [47]. — Non identifié. Étymologie obscure. Rapport avec Fontanillas (ci-dessus) douteux.

47Frederia (ou Fiederia ?) [22]. — Non identifié. Étymologie incertaine, peut-être dérivé en -īa du nom de femme Fredera (Saint-Chaffre 804 dans Morlet 1971, 93).

  • 42 « in Cuciago solidos iiii de gardas » (A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 18, sac A, c. 7) ; cf. Cohen (...)
  • 43 Doniol 1864, no 951 ; pour la date, cf. G. Fournier 1962, 269 : « pourrait dater du xie siècle ».
  • 44 V. Niermeyer (1997, 1128) pour des attestations de latin médiéval tirées de textes provenant de la (...)

48Garda (la) [17], Guarda (lla) [48]. — Il s’agit probablement de deux occurrences du même toponyme. Bien que le type soit très ubiquiste dans la région (cf. Welslau 1965, 135 : « in fast allen Gemeinden »), on peut signaler, en 1850, une rue de la Garde à Cournon (Pascuito 1978, 117 ; aujourd’hui rue des Gardes). D’aocc. garda s. f. dans un sens à déterminer : « lieu élevé, colline servant de poste d’observation » (DAO 168, 12-1 ; FEW 17, 510a), ou « redevance perçue comme prix de la protection accordée par un seigneur » (mil. xie siècle42 et p.-ê. xie siècle43 ; 1195, Brunel 1926, 47344) ?

  • 45 Sur l’histoire de la villa, puis de la Grange de Gergovie, v. G. Fournier 1950 et 1995.

49Gerioa [52]. — Non identifié ; leçon douteuse. Serait-ce une cacographie pour Gergoia = Gergovie (comm. de La Roche-Blanche45 ?)

50Guadesia (la) [23]. — Non identifié. Étymologie obscure (dérivé en -ía ?) ; cf. Gadesam prob. 1re m. xie siècle, nom de lieu non identifié près de Brenat (datation d’après G. Fournier 1962, 299 n. 17) ?

51Irboi [30]. — Toponyme non identifié et sans étymologie ; le passage est d’interprétation délicate (cf. ci-dessous § 6, s. v. Mala Muliere).

52Joizen [38], v. Arbert de Joizen [38], ci-dessous § 6.

53Lac (lo) [15]. — = le Lac (l.-d., comm. de Cournon, entre Cournon et Le Cendre ; cadastre de 1825, section G de la Ribeyre ; figure sur la carte Clermont Riom Communautés de l’IGN), le Lac 1720 — fin xviiie siècle (Guilmoto 1887, I B 55 et 56, III B 15, 16, 215 et 216) ; cf. la rue du Lac, non loin de la rue du Cornonet. D’aocc. lac s. m. « lac » (FEW 5, 126a ; DAO 242) référant à l’ancien lac de Sarliève (G. Fournier 1996, 8).

54Lacalon [4], v. ci-dessus s. v. Costa.

55Menaçvilla [13]. — Non identifié. Nous avons préféré éditer Menaçvilla plutôt que Menacvilla (ininterprétable). Le toponyme relève d’un type de composés en vīlla, qu’on date du haut Moyen Âge, très rare en Auvergne. Le premier terme, originellement au cas oblique dans ces formations (cf. Pitz 2002, 432-3), pourrait être le nom de personne du stock latin (ancien gentilice) Menacius (Schulze 1991, 361).

56Molmenico [67]. — Non identifié, non loin d’Aulnat d’après le cotexte. Le pré situé « inter Molmenico et Alnag » a des chances d’être l’un des deux prés mentionnés « ad Alnag » dans le beneficiale scriptum de l’évêque Étienne II (a. 959) ; l’un de ces prés est en effet à identifier sans doute au pratum unum qui dicitur Longum (= Pralong, dom., comm. de Clermont-Ferrand, proche d’Aulnat), mentionné dans le testament d’Étienne (ca 950-ca 960) ; v. Chambon Lauranson-Rosaz 2002, 362 et n. 74-6. Cf. Bernart de Montmergue (A. D. Puy-de-Dôme, 4 G 54, F. 3v), à Aulnat. L’étymologie de Molmenico est obscure ; même suffixe que dans Monte Croelico (q.v.).

57Monte Colno [1]. — Non identifié. Faudrait-il interpréter Colnó (le second constituant serait alors de forme occitane) ? et songer alors à établir un rapport avec Cournon ?

58Monte Croelico [64, 65, 66]. — Oronyme dont le second terme est un dérivé en -icu sur le nom de lieu-dit Crouelle (Clermont-Ferrand ; pour des formes anciennes, v. P.-F. Fournier, in : Desforges et al. 1970, 474 ; Chambon 1976, 56) et désignant probablement, par conséquent, le Puy de Crouelle. Formation ancienne sur le même modèle que Cantobennicus (mons) (Greg. Tur.) > Cantoennico 1065 > Chanturgue (hauteur au nord de Clermont-Ferrand), dérivé sur *Cantobennu > Chantoin (l.-d., Clermont-Ferrand) ; v. Dauzat 1939, 214 et P.-F. Fournier 1970, 322-3 et n. 5.

  • 46 Deux attestations dans FEW (DSèvres et Caut.), qui seraient à contrôler de manière critique ; ø DAO (...)
  • 47 Bouillet (1854, 206-7) relève en effet, dans le Puy-de-Dôme, 7 Montel et plus de 20 le Montel contr (...)

59Montel [37]. — = Monteix (l.-d., comm. de Cournon ; cadastre de 1825, section M d’Anzelle) ; cf. aussi Puy Monteix (même section). De lat. monticulu « petite montagne » (REW 5671 ; FEW 6/3, 120b), attesté depuis le ive siècle, mais à peine continué dans le lexique galloroman46 ; moins probablement de monte + -ellu47.

60Montel (lo) [59]. — Non identifié. Pourrait avoir désigné le même lieu que Montel (q.v.).

61Planca (la) [29]. — Non identifié. D’aocc. planc(h)a s. f., probablement au sens de « Steg, kleine Brücke » bien documenté par Lv (6, 35-7) et Rn (4, 553), mais omis par FEW (8, 351a) qui n’atteste cette valeur que dans les parlers modernes (dont Vinz., FEW 8, 351b). Sur les issues du mot dans la toponymie de la France, v. en dernier lieu Nègre 1990-1991, §§ 25446-25451 et 25453.

62Pozarot [54], v. Iohannes de Pozarot, ci-dessous § 6.

63Razago [63]. — Ancien terroir de la banlieue clermontoise, Raciacum 893-899 (Tessier 1967, no 4) etc. (v. P.-F. Fournier, in : Desforges et al. 1970, 479-80), dont le souvenir est conservé dans le chemin du Rassat, débouchant dans la rue de l’Oradou (comm. de Clermont-Ferrand). Pour l’étymologie (*Raciācu), v. Dauzat 1939, 287 et n. 1 (avec une identification erronée, rectifiée par P.-F. Fournier, in : Desforges et al. 1970, 479).

64Roncavolp [20]. — = Ronchavaux (l.-d., comm. de Cournon ; cadastre de 1825, section M d’Anzelle) ; cf. impasse de Ronchavaux, à l’ouest de l’agglomération. Composé du thème ou de l’impératif d’aocc. ronc(h)ar v. intr. « ronfler » (FEW 10, 455a) + volp s. f. « renard » (FEW 14, 645b).

  • 48 Sur ce dossier de textes, v. G. Fournier 1996, 2.

65Sarlegua [36]. — Toponyme identique au nom de l’ancien lac de Sarliève (v. Vergnette 1927 et G. Fournier 1996), remis en eaux entre les iiie-ive siècles et le xe siècle, asséché au xviie siècle, et s’appliquant à un espace riverain (toute la rive occidentale et une partie de la rive sud dépendaient autrefois de Cournon ; v. G. Fournier 1995, 30 et 1996, 8, 11 et n. 36). Cf. les mentions les plus anciennes du lac : Sarlega 954-986 (Doniol 1864, nos 229, 233), 994-1049 (op. cit., nos 262 et 398)48. Sarliève désigne aujourd’hui un lieu-dit et un château situés dans la commune de Cournon (cadastre de 1825, section du Château de Sarliève) ; cf. aussi (le) Petit-Sarliève (dom., même commune, plus au sud ; cadastre de 1825, section I du Petit Sarlieve). En 1188, un toponyme homonyme (Sarleva) désignait une grange des religieux de Saint-André de Clermont créée dans le dernier quart du xie siècle, grange qui se trouvait au nord du lac et qui adopta plus tard le nom de Fontentige (G. Fournier 1996, 12). L’étymologie de Sarliève est inconnue.

66Sarlegira (ou Farlegira ?) [32]. — La proximité textuelle entre Sarlegira et Sarlegua [36] (v. ci-dessus s.v.) conduit à penser que le premier nom est en rapport avec le second. Mais la leçon -ira étant assurée, nous ne parvenons pas à identifier un éventuel suffixe.

67Se(...)derium [8]. — Non identifié. Passage de lecture difficile.

68Suciac [25]. — Non identifié. Un rapport avec Seiciac (ci-dessus § 4.1.) serait très douteux. Peut-être encore nom d’un domaine vers le début du xviiie siècle : Guilmoto (1887, III B 2) analyse en effet des « quittances des droits de cens et d’indemnités données à l’Hôpital Général [de Clermont] », entre 1698 et 1720, notamment par le chapitre de la cathédrale « pour les domaines de Clermont, Aubière, Epinet et Sussac ». — De *Sūciācu, sur le gentilice Sucius ; exemplaire à ajouter à Dauzat 1939, 293, no 519.

69Sumlau [35]. — Composé issu de lat. summu lacu (« le haut du lac ») et ayant désigné une des extrémités de l’ancien lac de Sarliève, probablement l’extrémité méridionale. V. Chambon Trément 2004.

70Toll (lo) [33].— Non identifié. Étymologie obscure.

71Vinea Aldolfania [51]. — Non identifié. Le déterminant est formé sur le nom de tenancier *Aldolf (cf. Morlet 1971, 31). Comme les quatre autres noms de lieux complexes en Vinea + nom de personne + suffixe -esca qu’on lira ci-dessous, il s’agit sans doute davantage, le plus souvent, d’un nom de parcelle que d’un nom de terroir : on ne s’étonnera pas que ces dénominations n’aient pas été continuées.

72Vinea Girardesca [50]. — Non identifié. Le déterminant adjectival est formé du nom de tenancier Girard (Morlet 1971, 99 ; Baudot Baudot 1935, 156) + suffixe -esc(h)a.

73Vinea Guidonesha [39], Vinea Guidonesca [43]. — Non identifié. Le déterminant adjectival est formé du nom de tenancier *Guido(n) (Morlet 1971, 222 ; Doniol 1864, 707 ; Baudot Baudot 1935, 157) + suffixe -esc(h)a.

74Vinea (...) Guinabaldesca [43]. — Non identifié. Le déterminant adjectival est formé du nom de tenancier du type Guinbaldus (Morlet 1971, 226) + suffixe -esc(h)a.

75Vinea Gunbertesca [56]. — Non identifié. Le déterminant adjectival est formé du nom de tenancier *Gun(t)bert (Morlet 1971, 116-7) + suffixe -esc(h)a.

76Vinea Iudea [6, 19, 40, 41, 45]. — Non identifié. Pour l’étymologie, transparente, cf. les lieux-dits (comm. de Clermont-Ferrand) Fontgiève < fonte jūdaea et Montjuzet < monte jūdaicu (cf. P.-F. Fournier, in : Desforges et al. 1970, 481-3), voisins l’un de l’autre et tous deux liés au « quartier juif de la tardive Antiquité » (Fray 2000, 18 ; P.-F. Fournier 1970, 330-3, qui place ces toponymes à l’ » époque franque »). Sans remonter nécessairement aussi haut, le microtoponyme Vinea Iudea, dont la formation ne peut être datée avec précision, pourrait être indicatif de la présence de juifs dans la région clermontoise entre le vie siècle, date après laquelle « le silence se fait [...] dans les sources pour plusieurs siècles » (Fray 2000, 23), et « la « seconde » présence juive à Clermont et en Auvergne (xiiie et xive siècles) » (Tauban 2000). P.-F. Fournier (1970, 332 et n. 3) indique que « l’auteur de la première Vie de Stremonius (vers les ixe-xe siècles) prétend qu’il n’y a pas de Juifs en Auvergne de son temps ».

77Vinea Vetula [44]. — Non identifié. Latinisation d’un *Vinha Velha. D’aocc. vinha s. f. « vigne » (FEW 14, 471b) + velha adj. « qui existe depuis longtemps, vieille » FEW 14, 360a).

  • 49 Longnon 1929, § 178 (sans étymologie) ; Vincent 1937, § 217 (de vīnea) ; Nègre 1990-1991, § 2879, 2 (...)
  • 50 La culture de la vigne en Auvergne est bien attestée aux ve et vie siècles (G. Fournier 1962, 88, 2 (...)
  • 51 Villoutreix 1992, 106. L’auteur propose, sans doute au vu des nombreuses formes anciennes en <n>, v (...)

78Vinojol [42]. — = Vignol (l.-d., comm. de Cournon, cadastre de 1825, section D des Bertauds) Composé hybride *Vīnóialu (plusieurs exemplaires dans le Centre et la région parisienne49) ou plutôt, compte tenu des habitudes graphiques de l’époque (<n> représente couramment [ñ] ; Grafström 1958, 212, 213), *Vīneóialu, dont le premier terme est lat. vīnum « vin » ou vīnea « vigne » et le second, le formant d’origine gauloise *-ialu (à ajouter à l’inventaire des formations de ce type dans Dauzat 1939, 211). La mention par le Breve d’un très vaste clausum de 100 œuvres rend manifeste la vocation agricole de ce terroir, vocation qui, d’après l’origine du nom, remonte à l’Antiquité50. L’identification qu’on propose se base sur des exemples régionaux de développement -óialu > -iol (Chambon Grélois, à paraître, notamment § 2.4.) ; cf. encore Vinogilo xe s. > Vignols (Corrèze)51.

6 Index des noms propres de personne

79Airaldus [55]. — Morlet 1971, 127 (six attestations de Airaldus -audus, toutes méridionales, dont Brioude) ; Baudot Baudot 1935, 148 (Airaldus et -audus, 5 occurrences) ; Lauranson-Rosaz 1987, 173 ; Brunel 1926, 347 et 1952, 180.

80Arbert de Joizen [38]. — Morlet 1971, 125 ; Doniol 1864, 699 ; Baudot Baudot 1935, 149 (Aribertus) ; Lauranson-Rosaz 1987, 173 ; Brunel 1926, 350 et 1952, 181. Éponyme non identifié.

81Ema (nom de femme) [53]. — Morlet 1971, 84 ; Doniol 1864, 703 (Ema et Emma, 4 occurrences) ; Baudot Baudot 1935, 154 (2 occurrences) ; Brunel 1952, 195.

82Guilelme [26]. — Morlet 1971, 225 ; Doniol 1864, 707 (Guillelmus) ; Baudot Baudot 1935, 157 (Guillelmus) ; Lauranson-Rosaz 1987, 173, 174 ; Brunel 1926, 390-3.

83Gunzaldus [40]. — Morlet 1971, 118 (une attestation dans Cluny, en 959) ; Doniol 1864, 706 (Goncialdus Gonsaldus, deux occurrences dans deux chartes livradoises, nos 437, 439, respectivement 954-986 et peut-être ca 1060, selon Boy 1986, 115).

84Iohannes de Pozarot [54]. — Morlet 1972, 65-6 ; Doniol 1864, 709 ; Baudot Baudot 1935, 159 (Joannes). Éponyme non identifié. Un ancien quartier du Puy, dont le nom s’est maintenu dans celui de la rue du Pouzarot (carreria de Pozarot 1372), est attesté sous la forme Posarot en 1186 (Jacotin 1923, 40). Il s’agit probablement d’un homonyme.

85Joseph [27]. — Morlet 1972, 66 ; Doniol 1864, 709 ; Baudot Baudot 1935, 159.

86Mala Muliere (nom de femme) [30]. — Dans un passage d’interprétation difficile (ms. « ad irboidemala muliere »). On pourrait interpréter Mala comme anthroponyme autonome d’origine germanique (cf. le masculin Mallo) avec muliere en apposition, mais un tel anthroponyme n’est pas attesté dans les sources que nous avons consultées. Aussi est-il préférable de comprendre Mala Muliere comme un sobriquet entrant dans le paradigme des noms de famille français Malefene (Mens ; < aocc. mala fenna), Maumary, Male(n)fant, Malfille, Malfrère, Malfillâtre Maufillâtre, Maugendre (Fordant 1999) ; cf. encore Mauparent (La Corme-Royale 1141-1151, Fexer 1978, 415).

87Stephanus [53]. — Morlet 1972, 108 ; Doniol 1864, 714-5 ; Baudot Baudot 1935, 162-3 ; Lauranson-Rosaz 1987, 173, 174.

7 Noms de lieux vs noms de personne : les derniers esclaves ?

7.1

88Nous avons déjà dit que les items de la section II du document contiennent généralement en tête un élément localisateur constitué par ou contenant un nom propre de lieu, avec ou sans préposition. À l’intérieur de ce patron homogène, on remarque qu’à trois reprises (sur 60 articles), un ou des nom(s) de personne vient occuper la position qui est habituellement celle d’un nom de lieu. Les anthroponymes apparaissent alors au nominatif, comme c’est souvent le cas, dans cette section, des noms de lieux : [53] « Stephanus et Ema, xii operas », [54] « Iohannes de Pozarot, iiii operas », [55] « Airaldus, vi operas » ; comme les toponymes, ils sont toujours suivis de l’indication de la superficie. Noms de lieux et noms de personne entrent donc exactement dans le même paradigme.

7.2

  • 52 V.  Chambon 2004, 163-4 (le document a été publié par Doniol 1864, no 13).
  • 53 Où le groupement le plus nombreux correspond au centre de la curtis, la localité de Sauxillanges el (...)
  • 54 Sur un domaine comtal (Lauranson-Rosaz 1987, 394).
  • 55 Esclaves donnés à Cluny (G. Fournier 1961, 370-1 ; Lauranson-Rosaz 1987, 391 n. 294).
  • 56 Doniol no 405 : manse donné avec l’esclave (= dominicus [éd. Dominicus]) qui le cultive (v. Fournie (...)
  • 57 Doniol no 406 (étroitement lié au no 405, cf. Hillebrandt 2002, 265). Un bon nombre des seniores in (...)

89Le Breve ayant recours à deux procédés de repérage distincts, il est naturel de supposer que l’emploi de procédés concurrents n’est pas dépourvu de signification. Ces deux techniques sont également employées dans le censier interpolé dans la charte de fondation de Sauxillanges (ca 946). En ce qui concerne ce dernier document, l’un d’entre nous propose l’hypothèse selon laquelle le repérage toponymique dénote les biens fonciers tenus par des hommes libres, tandis que le repérage anthroponymique dénote au contraire les cas où les tenanciers sont des non-libres52. Il serait tentant d’étendre cette hypothèse au censier de Saint-Martin de Cournon. Dans celui-ci, les items à anthroponymes forment d’ailleurs une séquence textuelle [53-55] qui pouvait correspondre sur le terrain, comme cela est certainement le cas dans la curtis de Sauxillanges53, à un groupement d’esclaves chasés. L’hypothèse de l’existence d’un petit nombre de tenanciers serviles au xie siècle (probablement avant 1053) sur une terre du chapitre cathédral de Clermont, ne peut surprendre : les dernières mentions d’esclaves dans la région datent en effet à la première moitié du xie siècle (103154, 103655, 1032-104956, 1033-ca 106057).

7.3

  • 58 Un bac épiscopal (navem... episcopi) sur l’Allier est signalé à Cournon en 1452 (G. Fournier 1999, (...)
  • 59 Chambon 2004, 160 (cf. 121 et n. 58 pour la critique des vues de Billy, qui a pris victrarius pour (...)

90On relève encore un troisième procédé par lequel les tenanciers sont exceptionnellement désignés par un nom commun de métier au pluriel ; ce procédé n’apparaît qu’en [25] : « In Suciac, vi s. de feu ad nauterios ». L’identification lexicale de nauterios est claire : il s’agit d’un dérivé de nauta attesté (sous la forme nautarius) dans un document bayonnais de 1213 (FEW 7, 57b). L’étymologie et le sens de « nautonier » qu’elle implique recommandent de considérer nauterios comme un nom commun et non comme un nom de lieu (une localisation en deux temps, à l’aide de deux toponymes, serait d’ailleurs sans exemple dans le document). Le terme nauterios s’appliquerait par conséquent à une famille ou à une petite communauté de bateliers (de passeurs ?), probablement établis sur Allier, d’après le contexte géographique58. On retrouve le même procédé dans le censier interpolé de Sauxillanges où il s’applique à des esclaves chasés, pêcheurs ou verrier59.

91LA PART DE L’OCCITAN

  • 60 Pour un aperçu sur cette période dans la région, v. Chambon 2000, b.

92Le bref de Saint-Martin de Cournon permet de préciser nos connaissances sur la période cruciale de son histoire où la langue d’oc accède à l’écriture60 et sur l’état phonique graphique et lexical du premier occitan écrit dans la région.

8 Deux modalités de transition à la scripturalité diplomatique occitane

8.1 Sections I et II

93Les deux premières sections de notre document se présentent comme un texte mixte où alternent latin et occitan. L’alternance des deux codes est réglée au niveau lexical : tout ce passe comme si chaque entrée lexicale ou onomastique possédait dans le Dictionnaire ou bien une forme latine ou bien une forme occitane. Parmi les unités récurrentes, les substantifs campo [5, 6, 7, 8, 13, 14], clausum (comme nom commun [42, 46] ou comme nom propre de lieu [10, 12]), Crucem [2, 5], operas [42-61], le nom d’église Sancti Iuliani [19, 38], sumptus [39, 40], uinea (comme nom commun [48, 61] ou comme nom propre de lieu [39, 43, 44, 50, 51, 52, 56], notamment dans Vinea Iudea [6, 19, 40, 41, 45]), la préposition in [1-11, 13, 14, 16, 18, 21-27, 41], la conjonction et [8, 13, 14, 21, 28, 53, 61] et les formules (avec propositions relatives) (in) loco qui dicitur uocatur [3, 21] sont toujours de forme latine. En revanche, les deux occurrences de feu [25, 40] et de olch(i)a [26, 27] sont de forme occitane. Les cas de chevauchement tiennent à des ambiguïtés formelles, qui demeurent raisonnablement décidables en fonction des contextes à droite : ainsi ad (v. ci-dessous § 9.3.), de, terra, uia. Par ailleurs, le latin des sections I et II se caractérise par l’emploi de l’accusatif singulier en -m ([2, 5, 8, 10 (accusatif !), 19 (2)] contre muliere [30]), du génitif en -i [19, 38], de l’ablatif pluriel en -is ([1] et [61]), du neutre en -um [42, 46] ; les têtes d’items non précédées d’une préposition locative et placées hors syntaxe sont traitées au nominatif, qu’il s’agisse d’animés (Airaldus [55], Iohannes [54], Stephanus et Ema [53]) ou d’inanimés (Clausum [46], sumptus [39, 40], Vinea [39, 40, 43-45, 48, 50-52, 56]). De son côté, l’occitan apparaît dans des mots isolés (par exemple Combas [21]), dans de courts syntagmes nominaux présentant l’article (toponyme la Crosa [18], par exemple) ou prépositionnels (a Chirols [49], alla Garda [17], par exemple) ainsi que dans des constructions déterminé-déterminant (olchia Guilelme [26], par exemple). L’occitan sature en grande partie quelques articles (« In la Costa de Lacalon, i eminada » [4]), exceptionnellement tout un article (« A Montel, iii quartaladas » [37]). Si elle reste essentiellement fragmentaire, la part de l’occitan n’en est pas moins considérable dans les sections I et II. Au total, on a affaire dans ces deux sections à la juxtaposition, réglée dans le Dictionnaire, d’un latin qui s’efforce d’être normatif et d’un occitan en émergence.

8.2 Section III

  • 61 Pour d’autres exemples dans la même région, v. Chambon 1998, b et 2000, d, 67-8 ; Chambon Olivier 2 (...)

94La variété linguistique employée dans la troisième section offre des caractéristiques différentes. D’une part, les têtes d’items non précédés d’une préposition locative et placées hors syntaxe ne sont pas traitées au nominatif. Elles se terminent en -as (pl. classe I : operas [62, 65]), en -o (sg. classe II : campo [62], prato [67]) et en -e (sg. classe III : mansione [63]). Un marquage identique s’observe dans les substantifs régis par des prépositions, qu’elles gouvernent classiquement l’ablatif (cum ou de) ou l’accusatif (ad et sa forme occitane a) : sg. I -a (cum uinea [63], de uinea [62, 64, 65, 66]) ; pl. I -as (de operas [63], de situriadas [67]) ; sg. II -o (a Razago [63], a Monte Croelico [64], in Monte Croelico [65], in ipso Monte Croelico [66], inter Molmenico [66]) ; sg. III -e (a Monte Croelico [64], in Monte Croelico [65], in ipso Monte Croelico [66]) ; pl. III -es (ad illas Claues [62]). On observe donc dans la section III l’usage d’un seul cas, l’oblique, y compris quand les substantifs têtes d’items supportent une proposition relative [62, 66] ou une proposition verbale coordonnée [67]. Les singuliers à finale vocalique (-a, -o, -e) sont dépourvus de marque ; le pluriel est univoquement marqué en -s. Ce fonctionnement de l’oblique est celui de la scripta latina rustica (Sabatini 1996, 99 sqq., 219 sqq.). D’autre part, les signifiants proprement occitans ne sont que trois : la préposition a [63, 4], qui alterne avec ad devant voyelle [62], et deux toponymes : Erbariag [66] et Alnag [67] ; les occitanismes sont généralement intégrés sur le plan formel, qu’ils soient de nature grapho-phonétique (-g- dans Razago [63]), grammaticale (article ille dans ad illas Claues [62], comparer les articles occitans de I et II) ou lexicale (situriadas [67]). Contrairement à ce qu’on observe dans les sections I et II, on n’est donc pas en présence de la juxtaposition de deux variétés linguistiques, mais d’une variété intermédiaire sui generis, la scripta latina rustica61. Cette différence linguistique recoupe les autres caractéristiques qui distinguent les deux premières sections du document de la section III, tant dans le contenu (localisation des biens) que dans le style formulaire (items introduits par Et) ; cf. ci-dessus § 2.1. et 3.3.

8.3 Bilan

  • 62 Chambon Olivier 2000, 106-7.
  • 63 Chambon 2001, 242-3.

95On vient de constater l’emploi côte à côte, dans la même pièce, de deux modalités de langue écrite : juxtaposition de latin et d’occitan fragmentaires, d’une part, scripta latina rustica, d’autre part. Ce sont ces deux formules qui font précisément office, comme l’un d’entre nous a eu l’occasion de l’indiquer62, de filières de transition dans le procès d’accession de l’occitan à la scripturalité. La date du Breve (xie siècle, avant 1053 et vraisemblablement ca 1031-ca 1053 ; v. § 4) est cohérente avec les faits similaires déjà signalés marquant les progrès de la langue d’oc écrite dans les documents de la région63. Le censier de Saint-Martin fournit par conséquent une image en raccourci de la complexité de la période de transition et il permet de saisir un moment où toutes les conditions sont en place pour l’emploi exclusif de la langue d’oc dans les listes des censiers, mais où l’occitan ne s’est pourtant pas encore autonomisé comme langue écrite diplomatique à part entière.

9 Les traits vernaculaires remarquables

9.1 Traits graphiques et phonétiques

96Sifflantes. — L’affriquée sourde /ts/ est représentée par <z> dans Razago [63], probablement par <c> dans <Menacvilla> [13] (= Menaçvilla) ; notation latinisante <ci> (devant consonne) dans Suciac [25]. Dans Pozarot [54], <z> pourrait noter la sonore /dz/ s’il s’agissait d’un dérivé de puteu. La valeur phonétique (sourde ou sonore) du graphème n’est pas décidable dans Aizies [38], Bertuz [59] et Joizen [38] dont on ne connaît ni les bases étymologiques ni les issues contemporaines. — <s> note généralement la fricative sourde /s/ (à l’initiale, en position interne préconsonantique et en fin de mot), sauf à l’intervocalique où elle représente certainement la sonore /z/ dans la Crosa [18] et, assez probablement, dans la Guadesia [23].

97Chuintantes. — L’affriquée chuintante /č/ (issue de k devant a) est représentée par trois graphies : <ch> dans Chirols [49] et olcha [27] ; <chi> dans olchia [26] ; <h> dans la séquence <sh> de Guidonesha [39]. Au contraire, dans des cas plus nombreux, on n’observe pas de notation spécifique : on trouve <c> dans la Calm [7], Cambaleva [3], Girardesca [50], Guidonesca [43], Guinabaldesca [43], Gunbertesca [56], la Planca [29], Roncavolp [20]. On ne peut préciser la valeur de <c> dans Lacalon [4] (toponyme d’origine inconnue). — La sonore /ǧ/ est représentée par trois graphies : <g> dans Girardesca [50] ; <i> dans mojada [61], semojadas [38] et Vinojol [42].

98Vélaires. — /k/ devant /a/ est noté par <qu> (quartalada [37]), graphie qui pourrait être d’inspiration étymologique. /g/ devant /a/ semble représenté parallèlement par <gu> dans Sarlegua [36], lla-Guarda [48] (contre <g> dans la Garda [17]) et la Guadesia [23]. — /g/ devant /i/ est aussi rendu par <gu> dans Guidonescha [39] et Guidonesca [43].

99Neutralisation de l’opposition sourde vs sonore en fin de mot. — La consonne vélaire ayant subi la sonorisation, puis devenue finale, est notée comme sourde dans Lac [15] et Suciac [25] (section I), mais encore comme sonore dans Erbariag [66] et Alnag [67] (section III). La valeur sourde ou sonore de <z> dans Bertuz [58] est indécidable.

100n caduc. — /n/ pourrait être noté en fin de mot dans Lacalon [4] et, devant /s/ final, dans Arplans [9] et Allafans [14] (mais ces trois toponymes sont d’origine obscure).

101Nasale palatale. — Dans l’hypothèse présentée ci-dessus (§ 5, s. v. Vinojol), <n> représenterait /ñ/ dans Vinojol [42].

102Latérales. — <l> représente généralement /l/, mais // dans Guilelme [26], probablement dans Montel [37] et lo Montel [59]. La palatale est également représentée par <ll> dans Fontanilla [60] et Fontanillas [57]. Valeur inconnue dans et Fontas Nilas [47]. — D’autre part, <ll> semble noter la gémination syntaxique dans alla [17] et peut-être dans lla Guarda [46] (= alla Guarda ?) ; le digramme représente en outre /l/ simple dans Allsandra [16]. Dans Al Toll [33], la valeur de <ll> ne peut être établie, faute d’étymologie et de successeur.

103Vocalisme. — <u> note /o/ dans Sumlau [35] et dans situriada [67] (un latinisme est exclu dans le dernier cas). — Il paraît que la diphtongue /ai/ est réduite à /i/ en protonie dans Chirols [49] et de même /ei/ dans situriada [67].

104Crase. — V. ci-dessous § 9.2.

9.2 Article défini

105Fém. sg. : la [4, 7, 18, 29 et probablement 23, 24]. — Formes asyllabiques (enclise) dans al [15, 33, 59] et alla [17]. — lla [48] représente sans doute alla (crase sur le mot précédent qui se termine en -a, Vinea).

9.3 Prépositions

106a « (exprimant la position dans un lieu) » [20, 28, 29, 32, 35, 36, 37, 38, 42, 49, 57, 58, 60, 63, 64] alterne avec ad [16, 30, 31, 34] ; v. encore ci-dessus § 9.2. À l’exception de a Aizies [38] (dont l’analyse et même la segmentation restent douteuse), tous les exemples de la forme univoquement occitane a se trouvent devant un toponyme de forme occitane et à initiale consonantique. Bien que les distributions de a et de ad ne soient pas entièrement complémentaires, on peut donc considérer l’emploi de ad devant un toponyme de forme occitane à initiale vocalique dans ad Allsandra [16], Ad Altariba [31], Ad Alairat [34] et Ad Irboi [30] comme une allomorphie occitane (v. Grafström 1958, 225-6 ; Grafström 1968, 156 ; Jensen 1986, § 953). — de introduit un complément adnominal (nom commun [-animé] ou nom propre de lieu) [4, 38 (2), 46, 54, 61] ; de uersus « vers (sans idée de mouvement) » [66] calque occ. deve(r)s (FEW 14, 313a et cf. 313b).

9.4 Construction asyndétique du complément adnominal

107Dans olchia Guilelme [26], olcha Ioseph [27], et terra Arbert de Joizen [38], les noms de personne compléments déterminatifs sont construits sans préposition au cas oblique (Jensen 1994, § 30). Dans feu Gunzaldus [40], l’anthroponyme latin déterminant est au nominatif (!).

9.5 Les dérivés en -esca

108Dans plusieurs microtoponymes dont le premier terme est Vinea (Vinea Girardesca [50], Vinea Guidonesha [39] Vinea Guidonesca [43], Vinea (...) Guinabaldesca [43], Vinea Gunbertesca [56]), le suffixe -esca -esha < -isc- (Ronjat 1930-1941, 3, § 701) sert à dériver un adjectif d’appartenance sur un anthroponyme (nom de tenancier ou d’ancien tenancier) ; pour des exemples auvergnats de même époque, cf. Vineam Acardesca 994-1049 ou Vinea Abonesca 994-1049 (Doniol 1864, nos 272, 717) ; pour l’emploi de ce suffixe dans la toponymie majeure, v. Wolf 1985. Bien que, d’une part, ces syntagmes ne soient pas introduits par une préposition, le déterminé conservant quelque chose du statut de nom commun, et que, d’autre part, leur figement ne soit pas entièrement acquis (cf. la mise en facteur commun du substantif dans [43] « Vinea Guidonesca et Guinabaldesca », ainsi que des mentions approximativement contemporaines comme « uineas II, una plantada et alia Rodulfisca » ca 959 ou « uinea I que dicitur Iohannisca » 1re m. xie s., A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, respectivement arm. 18, sac A, c. 33 et arm. 9, sac J, c. 2), le statut de nom propre de lieu (et non de désignation ad hoc d’un lieu) est assuré en [39] où l’on constate que le terroir dit Vinea Guidonesha comprend aussi un champ de trois éminées. La construction directe de l’anthroponyme dans olchia Guilelme [26] et olcha Ioseph [27] (ci-dessus § 9.4.) caractérise probablement, au contraire, des désignations occasionnelles situées en-deçà du seuil du nom propre.

9.6 Le lexique

109À son échelle, notre document témoigne de manière intéressante des orientations lexicales de l’occitan auvergnat du xie siècle en offrant quelques mots connus jusqu’à présent dans le sud du domaine occitan seulement (mojada et semojada) et d’autres mots caractéristiques ou surtout caractéristiques de zones septentrionales de la Galloromania (olch(i)a, quartalada) ou plus particulièrement du francoprovençal et de ses marges (situriada)

110eminada s. f. « mesure de terre qu’on peut ensemencer avec une hémine (demi-setier) » [4] ; abrégé en emi. dans toutes les autres occurrences [8, 10, 13 etc.]. — Type assez largement répandu dans la Galloromania (notamment Toulouse 1275 ; Cahors 1278 ; avel. 1408) et continué dans les parlers auvergnats contemporains ainsi que dans le français de la région. V. FEW 4, 402a ; Rn ; Lv ; Bambeck 1968, 82. Cf. encore mlt. rég. eminada (xie s., A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 9, sac J, c. 2 ; Doniol 1864, no 951), æminada (xie s., A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 18, sac B, c. 1).

111feu s. m. « domaine relevant d’un suzerain, fief » [25, 40]. — FEW 15/2, 116a ; Brunel 1926, 471 ; Brunel 1952, 243.

112mojada s. f. « mesure de terre qu’on peut ensemencer avec un muid » [61]. — Mot relevé sporadiquement en ancien occitan de 1102 à 1401 (FEW 6/3, 12a), jusqu’ici dans des régions plus méridionales que l’Auvergne (Narbonne, Rouergue, Avignon) où une première attestation se trouve cependant dès 1016 dans un document du fonds du chapitre cathédral de Clermont (« mojadas VI de terra aradura », A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 18, sac A, c. 12).

113olcha s. f. « terre de labour » [27], olchia [26]. — Premières attestations en occitan d’Auvergne (cf. 1195 dans FEW 7, 339b) d’un type lexical très largement représenté dès le Moyen Âge en langue d’oïl (à l’exception du domaine wallon), en francoprovençal et dans le nord du domaine d’oc, mais absent « in einem grossen teil des occit., südlich einer Linie, die etwa von Bordeaux ziemlich genau ostwärts bis an die Rhone, dannn kurz nach süden bis zur mündung der Ardèche und von da wiederum genau ostwärts bis an den Alpenkamm verlaüft » (FEW 7, 339-40). V. aussi Doniol 1864, nos 175, 366, 559, 881 (mlt. olca, olcha) ; Baudot Baudot 1935, 186 ; Bambeck 1968, 98 ; G. Fournier 1951, b, 88-91 et 1962, 278-80 (mlt. olia [= olja] 2 qu. du xie siècle). On remarque que les deux olch(i)as sont décrites l’une à la suite de l’autre dans le Breve et que le mot est déterminé par le nom des tenanciers.

114quartalada s. f. « mesure de terre qu’on peut ensemencer avec un quart de setier (plus probablement que de muid) » [37] ; abréviation : quarta. [29]. — Type attesté en français médiéval (pic. poit. orl. bourbonn.) depuis le xiiie siècle, en ancien bressan et dans des documents latins du Lyonnais depuis 970 ; continué en sav. for. mdauph., à Lallé, mais aussi dans le français de Clermont-Ferrand (au sens de « quatrième partie de la septérée »). V. FEW 2, 1423b ; Bambeck 1968, 76 ; aj. aauv. quartalada (Mémorial Jean Bernard, f. 23r ; document daté de 1223 par Lodge 1995, 421, des xiiie-xive siècles par Dauzat 1928, 75 ; du début du xive s. par P.-F., in : Desforges et al. 1970, 131).

  • 64 Avec un commentaire contestable chez Brunel. Rappelons que le supposé « Censier des seigneurs de Pe (...)

115semojada s. f. « mesure de terre qu’on peut ensemencer avec un demi-muid » [38]. — Dérivé inédit formé (parallèlement à mojada q.v.) sur le simple semoig « demi-muid » (FEW 11, 672a), ce dernier étant attesté à la fin du xiie siècle en Rouergue (FEW l.c. ; Pfister 1963, 9, cf. Brunel 1960, 4364). Le simple est aussi représenté en Auvergne par mlt. semodius « mesure pour le vin » dans une charte du fonds du chapitre cathédral (1037, A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G., arm. 18, sac A, c. 19).

116situriada s. f. « mesure agraire pour les prés (ce qu’un faucheur fauche en une journée) » [67]. — Première attestation d’un type connu en ancien occitan dans le sud du Massif Central (Rouergue 1180 ; Velay 1408), mais avant tout caractéristique du domaine francoprovençal et de l’amphizone — vaudois et Hautes-Alpes (v. FEW 11, 380b et n. 3 ; M « ancienne mesure de superficie, environ 30 ares, dans les Hautes-Alpes » = à tort « npr. » dans FEW). Attesté aussi en Auvergne sous la forme de mlt. sectoriada dans un document du fonds du chapitre cathédral datant probablement du milieu du xie siècle (« pratos del fevi Guido sectoriadas V », A. D. du Puy-de-Dôme, 3 G, arm. 18, sac A, c. 7). Le mot de base (< sector sectōre) est typiquement francoprovençal et amphizonique, mais FEW relève aussi Limagne sitre et Ussel saitour (FEW 11, 380ab et 382a) ; hors de la Galloromania, le même type s’étend en piémontais, en romanche, en ladin et en frioulan (FEW 11, 381-2).

117terra s. f. « champ labouré (par opp. aux vignes) » [38 (2), 61]. — FEW (13/1, 245a) n’atteste qu’aocc. terra « champ » (Livron 1368) ; le mot ne figure pas aux glossaires de Brunel (1926, 1952) ; le sens est absent de Rn et Lv.

118tres adj. numér. « deux plus un » [38]. — FEW 13/2, 247b.

119vinea s. f. « plantation de vigne » [48] (et Vinea dans plusieurs noms de lieux ; v. ci-dessus § 5). — Brunel (1926, 495) remarque que dans les plus anciens documents en langue occitane, la forme vinea « se rencontr[e] si souvent dans des textes qui ne mélangent pas le latin au provençal, [qu’]on est forcé de la considérer comme un mot d’usage vulgaire » (cf. encore Brunel 1952, 258).

120Note annexe sur le temporel de l’église Saint-Martin de Cournon

121Sauf erreur de notre part, le bref de l’église Saint-Martin est le seul censier auvergnat des xe et xie siècles à comporter des indications relatives aux superficies.

  • 65 Pascuito 1978, 61.

122À Cournon et dans les environs immédiats, selon le bref lui-même [61], l’église Saint-Martin possédait 10 muiées de labours et 350 œuvres de vignes, distribuées entre 41 champs et 20 vignes. La vérification du décompte des œuvres de vignes ne fait apparaître qu’un très léger écart (347 œuvres et non 350). Plutôt que d’une erreur, cette différence résulte sans doute de la volonté du rédacteur de parvenir à des estimations globales en chiffres ronds (cf. les 10 muiées de terre). Selon Charbonnier (1990, 231), l’œuvre de vigne équivalait à Cournon, à la fin de l’Ancien Régime, à 4,2796 ares (à Clermont : à 3,7962 ares). Si l’on prend cette valeur comme base d’un calcul approximatif, l’église Saint-Martin aurait possédé environ 15 ha en vignoble. En ce qui concerne les champs, la situation est plus complexe en raison de l’utilisation de plusieurs unités de surface (setier, héminée, quartelée, muiée et demi-muiée). On connaît les relations entre les trois premières, mais non entre celles-ci et la muiée, unité dans laquelle le rédacteur a exprimé la superficie totale des champs. La comparaison entre ce total (10 muiées) et la somme des surfaces exprimées dans le document en setiers ou sous-multiples (113,5 setiers), somme à laquelle s’ajoutent 3 demi-muiées ([38]), permet d’évaluer le rapport des deux unités : 1 muiée = 13,35 sétérées. Même en admettant que le total de 10 muiées représente un chiffre arrondi, le rapport des deux unités ne peut pas s’écarter beaucoup de l’intervalle 13-13,5. Selon Charbonnier (1990, 229), la sétérée équivalait à Cournon, à la fin de l’Ancien Régime, à 34,1552 ares (à Clermont : 30,3699 ares). Sur cette base, on peut estimer que l’église Saint-Martin possédait environ (38,8 + 6,8 =) 45,6 ha. En 1791, les biens du chapitre Saint-Martin comprenaient « 144 œuvres de vignes ; 2 éminées ; 48 cartonnées et 4 coupées. Soit 8 ha65 ».

123On remarque que les deux champs les plus vastes (Contamina et Aizies [11, 38]) auraient eu une superficie de 6,8 ha ; les plus petits (la Costa de Lacalon et la Guadesia [4, 23]), de 0,17 ha ; les deux ouches [26, 27], de 0,34 ha ; la surface moyenne des champs se serait établie à 1,11 ha. La vigne la plus vaste (Vinojol) aurait mesuré 4,27 ha ; les plus petites (Vinea Atgerioa et la vigne de Jean de Pozarot), 0,13 ha ; la surface moyenne des vignes se serait établie à 0,74 ha. On peut observer également que le terroir de Contamina [11, 46], indominical ou d’origine indominicale (où le chapitre de Clermont n’était peut-être pas le seul propriétaire), apparaît comme le plus vaste (9,4 ha, dont 6,8 ha de champ et 2,6 ha de vignes). Si l’on admettait l’hypothèse émise ci-dessus (n. 1, s.v. Clausum), on obtiendrait un ensemble indominical de 12,2 ha. Ces chiffres sont à comparer avec ceux donnés par Billy (1997, 99, 100, 101 et 160-3).

124À Tallende et dans le sud-est de la banlieue de Clermont-Ferrand (section III), les possessions relevant de Saint-Martin de Cournon étaient beaucoup plus modestes : sur les bases de calcul employées ci-dessus, un peu plus d’un ha à Tallende (un champ de 1 ha environ et 0,13 ha en vignes) et environ 0,77 ha en vignes (plus un pré) dans la banlieue clermontoise.