La presse romande passe à l’action avec le langage inclusif
- ️Thu Feb 11 2021
Égalité entre les sexes
La presse romande passe à l’action avec le langage inclusifLa RTS est l’un des premiers médias en Suisse romande à adopter officiellement le langage épicène, qui a pour but d’éviter toute discrimination sexiste. D’autres, tel que «Le Courrier», songent à franchir le pas.
Publié: 11.02.2021, 18h17

L’écriture inclusive ne préoccupe pas tous les journaux au même titre.
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La RTS vient d’adopter un guide du langage inclusif pour ses antennes et vecteurs de communication. Avec elle, une partie de la presse romande a décidé de passer à l’action.
La RTS est l’un des premiers médias en Suisse romande à adopter officiellement le langage inclusif, bien après d’autres sphères de la société comme les écoles, les métiers et les administrations. Elle l’a fait savoir mercredi par un tweet et un post sur LinkedIn. L’engagement de la RTS ne concerne toutefois pas les autres unités de la SSR, a précisé Lauranne Peman, porte-parole de la direction générale de la SSR.
«Donc l’idée aujourd’hui, c’est d’avoir une sensibilisation au langage épicène – c’est-à-dire qui vaut pour le masculin et le féminin – sur les antennes de la RTS, explique Béatrice Jéquier, adjointe à la direction du département de l’actualité et des sports, dans une petite vidéo.
On ne dit pas: «Bonjour à tous»
Elle poursuit: «On ne dit pas: "Bonjour à tous", mais "Bonjour à toutes et à tous". La gageure est de ne pas non plus perdre de la spontanéité, ni la capacité d’avoir de bonne formule à l’antenne. Mais "Bonjour à toutes et à tous", cela ne prend que deux secondes de plus» et les femmes se sentent davantage prises en compte.
«Une chose encore plus inclusive que l›on peut dire, poursuit Valérie Vuille, directrice de DécadréE, un institut de recherche et de formation sur l’égalité dans les médias, c’est simplement "Bonjour et bienvenue". On a ici une formulation qui s’adresse à tout le monde et aussi aux personnes qui ne se reconnaîtraient pas derrière l’identité de femme et d’homme.»
Le défi existe aussi bien évidemment à l’écrit. «Le doublet – la candidate et le candidat – ou le point médian – les professeur.e.s – ne sont pas toujours la bonne solution. On peut trouver des termes épicènes, comme une personne ou un individu, relève Valérie Vuille. Cette contrainte pousse à la créativité, qui permet aussi un nouveau regard sur la société».
«Ce qu’on observe, c’est qu’il y a eu une ouverture sur ces questions ces dernières années, explique-t-elle à Keystone-ATS. De plus en plus, les entreprises, les structures s’interrogent sur ce point.» Les universités et les administrations ont joué un rôle d’exemplarité depuis le début des années 2000. Mais au-delà des médias et des institutions, c’est la société civile qui a changé, poursuit la Fribourgeoise.
Être en phase avec les lecteurs
«Et les médias suivent cette évolution-là. Cela paraît logique qu’ils réagissent à une transformation de la société, parce que ce qui leur importe, c’est d’être en phase avec leur lectorat et ne pas le choquer. C’est une préoccupation que l’on entend beaucoup», souligne la spécialiste
«Le Courrier» va bientôt franchir le pas. Il va informer ses lecteurs sur l’écriture inclusive le 5 mars, à l’occasion d’un numéro consacré au 8 mars, journée internationale des femmes. «C’est une réflexion qui s’inscrit dans la durée, explique Philippe Bach, rédacteur en chef du «Courrier». On a remarqué que chaque journaliste y allait de sa petite méthode personnelle et que c’était un peu confus.»
Une séance du personnel sur cette question est prévue d’ici au 5 mars «pour essayer d’accorder nos violons, pour voir ce qui est faisable ou non». Le journal papier a des contraintes comme le nombre de caractères pour un titre, limité par la taille de la maquette ou les dépêches d’agence, qui n’utilisent pas le langage épicène.
«On admettra que le passage à l’écriture inclusive sera donc partiel», dit Philippe Bach, qui pour résumer parle de work in progress. Mais pour la production maison, c’est-à-dire plus de la moitié du journal, cette règle s’appliquera désormais.
Charte de l’égalité des genres
«Le Temps» avait lui adopté en 2019 une charte de l’égalité des genres. «Nous avons sensibilisé la rédaction aux questions de genre dans la langue, en organisant plusieurs rencontres et débats. Nous féminisons les noms de métiers et nous avons rendu les journalistes attentifs aux possibilités qu’offrent le langage épicène et l’usage des doublets, sans pour autant fixer de règle», explique Eléonore Sulzer, rédactrice en chef adjointe.
«Évidemment, la question se pose très différemment à l’écrit et à l’oral, poursuit-elle. S’agissant des tribunes rédigées par des personnes extérieures au «Temps», nous respectons leurs choix de vocabulaire et de typographie en matière d’écriture inclusive.»
L’écriture inclusive ne préoccupe pas tous les journaux au même titre. «Nous n’avons pas eu de débat sur la question», a dit le rédacteur en chef de La Liberté, Serge Gumy. À «24 heures», le rédacteur en chef Claude Ansermoz répond qu’«à ce jour, nous n’avons pas de politique officielle sur le langage épicène.»
«Néanmoins et à titre personnel, poursuit-il, j’essaie autant que faire se peut de mettre les deux formes, féminines et masculines, notamment quand j’écris un éditorial ou une manchette. Ceci dit, si la forme linguistique est importante, elle ne me paraît pas suffisante. Je suis convaincu que l’égalité des genres ou la défense de certaines minorités passe également par des choix éditoriaux forts qui relatent l’évolution de la société.»
Caractères typographiques
D’autres vont déjà plus loin et s’attaquent aux lettres mêmes de la langue française via les caractères typographiques. Un Genevois de 24 ans a créé de nouvelles lettres pour un alphabet plus neutre à l’occasion d’un travail de bachelor à la Haute École d’Art et de Design (HEAD) à Genève.
La démarche graphique de Tristan Bartolini s’inscrit dans un mouvement de typographes, de graphistes, de designers qui veulent rendre l’écriture plus inclusive.
Le genre de procédé graphique qu’il utilise existe aussi dans d’autres langues. En espagnol par exemple, où le «a» désigne le plus souvent le féminin et le «o» le masculin, le caractère «@» qui ressemble à un «a» et un «o» mélangés est utilisé par des militants comme genre neutre: todos/todas/tod@s.
ATS
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