Cote d'Ivoire ; la guerre des communicantes parisiennes
- ️ Challenges.fr
- ️Mon Oct 26 2020
C'est une autre bataille qui se joue en marge de l'élection présidentielle en Cote d'Ivoire, beaucoup plus feutrée. Celle des communicantes parisiennes, à l'instar d'Anne Méaux qui conseille de nombreux prestigieux clients africains. Enquête.
Article réservé aux abonnés
26 octobre 2020 à 07h35
Modifié le 16 décembre à 09h36
Aux tensions de la campagne pour la présidentielle du 31 octobre en Côte d’Ivoire s’ajoute une guerre à fleurets mouchetés entre les communicants des candidats en lice ou de personnalités de premier plan exclues du scrutin. Une affaire de femmes passionnées, rompues à l’Afrique, qui comptent déjà de prestigieux « clients » sur ce continent (chefs d’Etat, ministres en vue, leaders d’opposition...) bénéficiant du « pack » habituel de la communication politique : e-Réputation, veille digitale, éléments de langage, relation presse, cellule de gestion de crise si nécessaire.
Président sortant briguant un troisième mandat jugé illégal par ses adversaires, Alassane Dramane Ouattara, 78 ans, est sous contrat avec l’agence Image 7 d’Anne Meaux depuis son arrivée au pouvoir, en 2011. Dernier fait d’arme de celle qu’on surnomme la « patronne des patrons » : l’organisation à Beyrouth, au Liban, le 8 janvier, de la première prise de parole publique de Carlos Ghosn après son évasion du Japon. La gestion de l’image à l’international du chef de l’Etat ivoirien est plus précisément confiée à sa fidèle collaboratrice Marie-Luce Skraburski, laboureuse es-tous terrains africains par ailleurs communicante attitrée du président nigérien Mahamadou Issoufou depuis 2011, et ce jusqu’en avril prochain. Dans le cadre spécifique de l’élection ivoirienne Image 7 a été, en outre, chargée d’accompagner le Rassemblement des houphouetistes pour la paix et la démocratie (RHDP), la formation au pouvoir.
Pour cette agence, l’obtention de la Côte d’Ivoire dans son portefeuille est arrivée à point nommé après la perte quasi-concomitante de son contrat avec la présidence tunisienne sous Zine el-Abidine Ben Ali, emporté par une révolte populaire début 2011, suivie, quelques mois plus tard, de celui avec le président sénégalais, Abdoulaye Wade, au terme de sa mandature. Mais ce rapprochement avec Abidjan n’a pas coulé de source. Il a soulevé la colère de Patricia Balme, autre communicante réputée dans les cercles initiés. Colère dont l’écho raisonne toujours à l’heure actuelle. Fondatrice de la société PB Com International l’ex-rédactrice en chef de Jours de France qui, jeune, placardait les affiches de feu-le Rassemblement pour la République (RPR) avec ses amis Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux « coache » aujourd’hui Guillaume Soro. Un rapprochement stratégique. Recalé au scrutin du 31 octobre, l’ancien président de l’Assemblée nationale, en guerre totale avec le régime Ouattara, bénéficie d’un atout de taille : son âge. A 48 ans, il possède encore tout le loisir de s’imposer sur l’échiquier politique de son pays d’autant qu’il fut également plusieurs fois ministre (défense, communication …) et chef de gouvernement. Il constitue à ce titre une option sur l’avenir pour celle qui, jadis, organisa la campagne de Michèle Alliot-Marie pour la présidence du parti chiraquien avant d’intégrer le cabinet du ministre des PME, Renaud Dutreil. Mais la mission de Patricia Balme doit surtout se comprendre à la lumière de son amertume après avoir travaillé auprès d’Alassane Ouattara durant sa longue traversée du désert dans les années 2000. Exilé en France avec son épouse, Dominique, alors qu’il était opposant, l’ex-directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI) bénéficiera du carnet d’adresse bardé des meilleurs contacts de cette conseillère alors sous contrat depuis plusieurs années avec le président camerounais, Paul Biya. Une période durant laquelle elle présentera le couple à de nombreux « influenceurs » tout en travaillant à sa visibilité.
Malgré l’assurance d’un contrat en or massif pour services rendus le régime Ouattara se détournera de PB Com International au profit d’Image 7 dès sa victoire - contestée - à la présidentielle de 2010. Patricia Balme, dont le « palmarès » s’est enrichi entre temps du président sénégalais Macky Sall et du comorien Azali Assoumani, partage avec son nouveau client bien plus qu’un objectif commun. Tous deux sont animés du même sentiment de trahison. Elle s’en est d’ailleurs ouvert publiquement, le 17 septembre, lors d’une conférence de presse de Guillaume Soro à Paris, à l’hôtel Bristol, pointant la faculté d’Alassane Ouattara « à ne jamais tenir ses promesses ». Fraîchement débarquée dans ce « réseau » à la concurrence aiguisée où les contrats se chiffrent le plus souvent à plusieurs centaines de milliers d’euros, Geneviève Goëtzinger est entrée en Côte d’Ivoire par la porte Front populaire ivoirien (FPI). A la tête de sa société ImaGGe créée en 2019, elle s’occupe de Pascal Affi Nguessan, ancien premier ministre de Laurent Gbagbo investi en août. Un portefeuille appelé à se garnir à son tour au regard de l’expérience africaine au long cours de cette ancienne responsable de Radio France Internationale (RFI).
Frédéric Lejeal