Vive Cabu !

Dans le Dictionnaire culturel en langue française (Le Robert), si vous cherchez la définition du "beauf", voilà ce que vous pouvez lire : 1. Beau-frère ; 2. "D'après une bande-dessinée de Cabu (...), petit-bourgeois aux idées étroites, conservateur et phallocrate". Les auteurs ont joint cet extrait de Mon beauf, la chanson de Renaud : "On choisit ses copains mais rar'ment sa famille/Y a un gonze mine de rien qu'a marié ma frangine/Il est dev'nu mon beauf un beauf à la Cabu/Imbécile et facho mais heureusement coco". Peu de gens peuvent se targuer d'avoir ainsi inspiré un mot du dictionnaire et une chanson populaire. Cabu si. Un magnifique ouvrage, publié aux éditions des Arènes (360 pages, 39,80 €) offre un panorama de toute son oeuvre (dessins érotiques compris). Tout Cabu, ça s'appelle. Frédéric Pagès, alias Carla B. - les lecteurs du Canard comprendront - l'a préfacé ; et c'est Jacques Lamalle qui a choisi les mille dessins qui y figurent.

Pagès a raison : Cabu n'est pas un dessinateur qui travaille dans les journaux (Le Canard enchaîné, Charlie Hebdo...), c'est un journaliste qui dessine. Tout le temps, partout, comme s'il en allait de sa vie. Outre le Beauf, on lui doit quelques personnages fameux, entrés aujourd'hui dans notre patrimoine : le Grand Duduche - "Goscinny m'a dit : c'est lui votre personnage, trouvez-lui un nom. Je me souvenais d'un copain de lycée qui s'appelait Duché. Duduche était né" - ; Catherine - "C'était une fille dont j'étais amoureux à Châlons. Elle était brune, mais je l'ai faite blonde parce que c'est plus rapide à dessiner que les brunes " - ; l'adjudant Kronenbourg - "Je l'ai connu pendant mon service en Algérie. Tout le monde l'appelait comme ça, parce qu'il était bourré dès 9 heures du matin".

Et puis il y a aussi les hommes politiques. A force de les aimer, Cabu est parvenu à en faire de vrais personnages qu'on est impatient de retrouver chaque semaine. Sarkozy ? "Il a un côté vivant, il veut tout tout de suite comme un gosse, il n'a pas ce côté compassé qu'avaient Mitterrand et même Chirac, lequel perdait tout naturel dès qu'il était en représentation." A propos de sa petite taille, il ajoute, un rien perfide : "Mitterrand, lui, s'en foutait, bien qu'il fût à peine plus grand que Sarko." Quant à Carla, elle est, dit-il, un personnage facile à dessiner : "Tu dessines une saucisse et pour les cheveux tu rajoutes de la choucroute. Et tu obtiens la 8^e merguez du monde."

Il est comme ça, Cabu, parfois potache, le plus souvent génial. On regarde ses dessins et l'on entend son rire. Il aime Chirac parce que, dit-il, quand un quidam l'insulte lors d'un bain de foule, il ne dit pas "casse toi pauv'con !",mais "merci du compliment !". Son "beauf" incarne toute la connerie du monde (aux dernières nouvelles, il faisait le "Dakar"...), mais Cabu, lui, n'a finalement qu'un seul mot d'ordre : "A bas les cons !"