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Moscou à la manœuvre à Madagascar

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  • ️Wed Apr 17 2019

La Russie poursuit son offensive en Afrique. Et s'attaque à une nouvelle chasse gardée française : Madagascar. Une enquête de la BBC relate la manière dont Moscou finance la classe politique locale pour tenter de faire valoir ses intérêts. En ligne de mire, les énormes ressources du pays en nickel, en cobalt, en uranium.

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Neuf mois avant l'élection présidentielle de décembre 2018, voilà donc une brochette d'experts russes munis de visas touristiques débarquant parmi les équipes des candidats. Ils approchent entre six et huit prétendants au poste suprême. Ils se présentent par leur prénom, se prétendent spécialistes des élections en Afrique et proposent aux intéressés de confortables enveloppes pour mener campagne. Le pasteur André Mailhol fait partie de leurs cibles. Il admet tout ignorer de ses généreux donateurs, hormis leur nationalité. Et raconte avoir reçu 12 000 euros pour le règlement de ses frais d'inscription et 5000 euros en cash. On lui assure aussi le financement de sa couverture médiatique. « Je ne savais pas qui les envoyait, je savais seulement qu'ils venaient me soutenir, alors, j'ai pas cherché midi à 14 heures », raconte-t-il. Ses sponsors lui demandent néanmoins une chose : signer un document dans lequel il s'engage à soutenir le candidat des Russes qui arriverait en tête. « Je me suis dit que ce serait moi, alors, j'ai signé », poursuit le pasteur.

L'ancien Premier ministre Jean-Omer Beriziky figure aussi la liste des visiteurs russes. Il se voit offrir 2 millions de dollars. La contrepartie ? « Ouvrir la diplomatie de Madagascar à d'autres horizons. » « J'ai dit oui, bien évidemment. Ils m'ont même dit que 2 millions, c'était insuffisant et qu'il faudrait peut-être un peu plus. »

Ingérence

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Parmi les porteurs de valises russes trois noms apparaissent : Andreï Kramar, Roman Pozdnyakov et Vladimir Boyarichev, chacun évoluant dans la politique, le milieu des affaires, et même le négoce de diamants pour le dernier d'entre eux. Tous partagent un point commun : ils sont issus de Saint-Pétersbourg, la ville où officie leur grand patron soupçonné d'être à la manœuvre. En effet, depuis des mois, un oligarque proche de Vladimir Poutine avance ses pions sur le continent africain : Evgueni Prigojine, 58 ans, placé sur la liste des sanctions américaines et à la tête du groupe de mercenaires Wagner. Il offre ses services en Libye, au Soudan, en République démocratique du Congo, en Angola, au Mozambique, au Zimbabwe. Récemment, c'est lui qui a dépêché ses troupes en Centrafrique, non loin de gisements d'or et de diamants. De quoi agacer l'ancienne puissance coloniale française. « S'il m'entend, qu'il sache qu'on le connaît bien », lui a lancé le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.

Or, le voilà à nouveau en terre francophone. Prêt à jouer des coudes dans les cercles du pouvoir, même s'il dément toute ingérence. Ses hommes de main auraient ainsi cherché à soudoyer le futur vainqueur Andry Rajoelina. À la veille de l'élection, ils demandent aussi aux autres concurrents de se désister en sa faveur. « Je ne suis le candidat d'aucun pays », se défend pourtant le président Rajoelina. Moscou n'a pas fini d'envoyer des valises de cash sur la grande île.