Peña Nieto, l'invité encombrant du 14 Juillet
- ️Celia Guillon
- ️Tue Jul 14 2015
La présence du président et de militaires mexicains sur les Champs-Elysées indigne les défenseurs des droits de l'homme.
François Hollande et son homologue mexicain Peña Nieto, sur les Champs-Elysées, mardi. (Photo Mal Langsdon. Reuters)
Dès avant l'arrivée du président Enrique Peña Nieto à Paris, lundi, des associations de défense des droits de l'homme avaient donné de la voix pour dénoncer cette visite officielle, notamment lors d'un rassemblement, dimanche, place du Trocadéro. Dans une lettre ouverte adressée le 4 mai à François Hollande, 80 associations et de nombreuses personnalités faisaient part de leur opposition à ce déplacement, au nom du respect des droits de l'homme : «Monsieur le Président, nous vous prions de ne pas rester indifférent aux préoccupations et aux demandes de la société civile mexicaine.» Parmi les signataires: José Bové, Toni Negri, Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon…
Amnesty International tire depuis de nombreuses années la sonnette d'alarme sur les dérapages de la police et de l'armée au Mexique. Geneviève Garrigos, présidente de la branche française de l'ONG, écrivait sur le site d'Amnesty, à la veille du défilé: «Les disparitions forcées, la torture et les détentions arbitraires sont des pratiques répandues parmi les forces de sécurité et de police mexicaines. Le 14 juillet, François Hollande doit rappeler à son invité que ces actes ne peuvent rester impunis.» Pourtant, lundi, Peña Nieto s'est vu remettre par le recteur de l'académie de Paris, François Weil, la médaille de l'université de la Sorbonne, avant la signature d'accords de coopération universitaire. Alors que le gouvernement mexicain a montré peu de zèle à éclaircir la disparition de 43 élèves-instituteurs à Iguala, dans l'Etat de Guerrero, en septembre 2014. Le massacre a révélé la connivence entre le monde politique, le crime organisé, la police et, selon plusieurs témoins, l'armée.
Ce n'est pas la seule affaire qui entache la réputation des militaires mexicains. La lettre au Président rappelle deux autres cas. «A Tlatlaya, au moins 15 personnes qui avaient rendu leurs armes lors d'un affrontement avec l'armée ont fait l'objet d'exécutions extrajudiciaires. A Apatzingán, 16 membres des forces rurales et des civils désarmés ont subi le même sort.» Les faits remontent respectivement au 30 juin 2014 et au 6 janvier dernier. Dans le cas d'Apatzingán, la journaliste Laura Castellanos affirme avoir entendu les soldats crier : «Abattez-les comme des chiens.»
Malgré tout, la relation entre Peña Nieto et Hollande semble au beau fixe, après la libération de Florence Cassez en 2013, puis la légion d'honneur remise au président mexicain en avril 2014, et enfin la création d'une Gendarmeria Nacional au Mexique, sur le modèle et sous l'impulsion de la France. Ce rapprochement devrait être célébré par l'achat d'hélicoptères Airbus Super Puma et la signature d'une soixantaine d'accords commerciaux. Pendant ce temps, Twitter résonne du hashtag #EPNEuropaTeRepudia («Enrique Peña Nieto l'Europe te rejette»).