Au Mexique, où sont les « quarante-trois » ?
- ️Benjamin Fernandez
- ️Sun Mar 01 2020
Les cartels et l’État unis dans la violence
Un chiffre a été élevé au rang de symbole au Mexique. Quarante-trois : le nombre d’étudiants assassinés à Ayotzinapa en 2014. Il résume l’insécurité, l’impunité et la collusion des pouvoirs qui accablent les Mexicains depuis des décennies. Élu en 2018, le président Andrés Manuel López Obrador avait promis de faire la lumière sur cette affaire. Le pays attend toujours.
«Où sont les quarante-trois ? » La question, inscrite ici et là sur les murs des villes mexicaines, tourmente sans répit un pays que le sous-secrétaire aux droits de l’homme, M. Alejandro Encinas Rodríguez, a décrit comme une « immense fosse commune clandestine ». L’interrogation porte sur la disparition de quarante-trois élèves de l’école normale rurale connue sous le nom d’Ayotzinapa, ainsi que sur l’assassinat de six personnes dans la ville d’Iguala (État de Guerrero), le 26 septembre 2014. Et elle en implique une autre : qui est responsable ? Tous les enquêteurs indépendants aboutissent à la même réponse — l’État mexicain — et soulignent l’implication des forces fédérales dans les événements. De sorte que, dans l’esprit des Mexicains, le chiffre « 43 » est devenu le symbole de l’impunité et des dysfonctionnements de la justice de leur pays.
Retour sur les faits. Depuis longtemps, les étudiants de ce type d’école pratiquent la « réquisition » de bus privés pour se déplacer. La technique est courante, et fait même l’objet de négociations avec les compagnies de bus. Cette nuit-là, les étudiants réquisitionnent donc plusieurs véhicules pour se rendre dans la ville d’Iguala et récolter de l’argent afin d’assister à une commémoration du massacre d’étudiants à Tlatelolco en 1968 — une tradition de cette école qui forme les instituteurs des zones rurales de la région, l’une des plus pauvres du Mexique.
L’enquête officielle conclut rapidement que le maire d’Iguala, M. José Luis Abarca Velázquez, un caïd local notoirement lié au crime organisé, a ordonné à la police municipale d’intercepter les étudiants de peur qu’ils ne perturbent un événement politique organisé par son épouse. La police les aurait ensuite remis à un groupe de trafiquants de drogue local, les Guerreros Unidos, qui les auraient tués avant de brûler leurs corps dans une décharge de la petite ville voisine de Cocula. Ce récit s’appuie sur les aveux de membres présumés du groupe criminel arrêtés et sur une trace d’ADN de l’un des étudiants, Alexander Mora Venancio, (...)
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