Remarques sur la syntaxe du français de Tunisie - Persée
- ️Garmadi-Le Cloirec, Juliette
- ️Tue Apr 05 2016
Juliette Garmadi-LeCloirec, Université René-Descartes, Paris / C.E.S. G. Politzer, Montreuil.
REMARQUES SUR LA SYNTAXE DU FRANÇAIS DE TUNISIE
La première langue acquise par la majorité des Tunisiens au sein du groupe familial est le dialecte arabe local qui connaît, lui-même, des variétés régionales assez nettement différenciées \ sans que pour autant l'inter- compréhension soit sérieusement menacée à l'intérieur des frontières nationales. Cet arabe tunisien demeure par la suite, et pour la plupart de ses locuteurs, la langue du dialogue quotidien familier, et celle de l'affectivité. Mais ce dialecte est resté sans code écrit, aussi n'est-il pas devenu langue d'enseignement, et ce sont l'arabe littéraire et le français qui se partagent le domaine de l'éducation. La Tunisie est un État indépendant depuis presque vingt ans, et pendant cette dernière période, la scolarisation a tendu à se généraliser, même si elle n'est pas parvenue à être totale. L'enseignement primaire est assuré en arabe littéraire pendant les deux premières années, mais dès la troisième année l'enseignement du français et en français occupe environ la moitié du temps de présence à l'école. Le français est alors enseigné par des instituteurs ou des moniteurs eux-mêmes arabophones, et il est rare qu'aujourd'hui les élèves aient des enseignants français unilingues avant leurs premières années de scolarité secondaire, scolarité que, du reste, tous n'entreprendront pas. Pour la jeune génération, le français a donc un statut de seconde langue, acquise et parlée surtout dans le cadre d'une scolarité qui n'est pas obligatoirement longue. Pour la génération de ceux qui ont eu vingt ans au début des années 1950, la situation n'était pas radicalement différente. La politique linguistique du colonialisme français sans encourager l'enseignement des langues locales, ne visait pas non plus à généraliser la scolarisation des colonisés dans le cadre de l'enseignement français, et parmi les Tunisiens qui ont aujourd'hui plus de quarante ans, il y a certainement beaucoup moins de bilingues que dans la génération suivante, mais leur bilinguisme est sans doute, pour la moyenne des locuteurs, plus équilibré que ne l'est et ne le sera celui des plus jeunes.
1 . Les divergences phonologiques existant entre certaines des variétés régionales de l'arabe tunisien ont déjà été décrites, voir : Travaux de phonologie, parlera de Djemmal, Gabès, Mahdia..., Cahiers du CERES, Série Linguistique 2, Université de Tunis, 1969.
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