Le conflit des pêches françaises en 1980 : essai de socio-géographie halieutique - Persée
- ️Corlay, Jean-Pierre
- ️Fri Oct 18 2019
Norois, n° 121, Poitiers, janvier-mars 1984.
Le conflit des pêches françaises en 1980 : essai de socio-géographie halieutique
par Jean-Pierre CORLAY
Université de Nantes et E.R.A. 345 du C.N.R.S. (1)
Pendant le mois d'août de l'année 1980, le littoral français est le siège d'événements spectaculaires qui tranchent avec l'activité balnéaire cou- tumière : le monde de la pêche est en révolte. La crise frappe par son ampleur : les 6000 km de côtes sont touchés dans leur quasi-totalité. Ses manifestations sont originales comparées à celles des mouvements sociaux de « terriens » : blocus maritime des ports de plaisance, paralysie des complexes portuaires marchands, affrontements physiques en mer. Son retentissement à court et moyen terme surprend quand on constate la faiblesse relative des forces sociales directement impliquées pour un mouvement d'ampleur nationale — 20 000 marins-pêcheurs — , et les conséquences lointaines peuvent surprendre. Par exemple en novembre 1983, le tribunal administratif de Nantes examine une requête déposée par un armateur qui demande une indemnisation à l'Etat français pour l'immobilisation de son navire aux Sables-d'Olonne en août 1980.
En première analyse, la crise peut être réduite à un conflit d'ensemble du secteur halieutique ; mais une étude plus fine, à différentes échelles spatiales, révèle l'extrême diversité des situations conflictuelles en fonction des lieux d'observation. La méthodologie adoptée découle de l'originalité de l'objet d'étude : la brutalité de l'explosion, sa relative brièveté, son déroulement estival excluent l'analyse « à chaud ». La méthode a donc consisté en un dépouillement poussé de la presse nationale, des quotidiens régionaux, des organes d'information professionnels et spécialisés (Le Marin, France-Pêche, la Pêche Maritime) et de quelques journaux étrangers (Fishing News International, Dansk Fiskeri Tidende = Le Journal des Pêcheurs Danois). La seconde source d'information provient des rapports collectés auprès de certains organismes professionnels. Enfin, l'enquête de terrain a permis de récolter de précieuses données sur le vécu et le perçu de la crise. Cette méthode a été expérimentée dans un travail précédent (2), consacré à la crise sur un secteur littoral limité.