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« Nul n'est censé ignorer la loi ». La publication au Journal officiel : genèse d'un mode d'universalisation de la « puissance publique » - Persée

  • ️Gougeon, Pascal
  • ️Thu Sep 14 2017

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« Nul n'est censé ignorer la loi »

La publication au Journal officiel :

genèse d'un mode d'universalisation

de la « puissance publique »

Pascal Gougeon

Groupe d'analyse politique Université Paris X

LA PRATIQUE de la publication au Journal officiel représente aujourd'hui une forme « naturelle » parmi d'autres d'objectivation de la « puissance publique ». Pourtant, il suffit de se pencher quelque peu sur l'histoire de ce processus de naturalisation pour mesurer combien il aura été à la fois long, progressif et mouvementé ; pour ne devenir que très tardivement cet acquis du pouvoir politique, mais aussi des légistes, qui bénéficie du poids (patiemment construit) de l'évidence. La pratique de la publication au Journal officiel apparaît tout d'abord comme un enjeu politique lors des événements qui présideront à l'avènement de la Ile République. C'est ainsi que le 26 février 1848, quatre jours après le début de l'émeute parisienne, la rédaction du Moniteur universel cède à la pression des républicains et lui adjoint le sous- titre de Journal officiel de la République française. Cette opération marque le passage de la monarchie constitutionnelle à la République, avant même que les républicains n'aient été assurés de son établissement. Une telle prise de pouvoir symbolique n'est pas unique sous cette forme, puisqu'un fait analogue va se produire quelques années plus tard. Dès les premières heures du coup d'État, le 2 décembre 1851, les agents de Louis Bonaparte imposent aux dirigeants du Moniteur universel le remplacement du sous-titre évoquant la République, par celui de Journal officiel de l'Empire français. De cette manière, la substitution de l'Empire à la République paraît dans une publication à vocation officielle alors que le nouveau régime n'a pas encore été proclamé solennellement, avant même qu'il ait été l'objet d'une mise en forme constitutionnelle (la promulgation de la nouvelle constitution devant avoir lieu un mois et demi plus tard, le 14 janvier 1852). Une pratique similaire se reproduira lors de Commune de Paris1 et, plus encore, pendant la seconde guerre mondiale2.

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