Cabu, le grand Duduche assassiné
Le dessinateur fait partie des victimes de l'attentat contre la rédaction de “Charlie Hebdo”. Il avait initié la relance de l'hebdomadaire en 1992.
Publié le 07 janvier 2015 à 16h00
Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h26
La légende le disait capable de crayonner sur un carnet, au fond de sa poche, sans même regarder. Son rêve de jeunesse, pourtant, était d’être batteur dans l’orchestre de Cab Calloway. Jean Cabut, dit Cabu, était finalement devenu dessinateur. Né en 1938 à Châlons-sur-Marne, il œuvra d’abord dans le journal de son lycée, avant d’être publié par L’Union de Reims. Après des études à l’école Estienne, il effectue son service militaire en Algérie. « A l'époque, c'était pour moi le symbole de l'horreur, expliquait-il en 1996 à Libération. En 1958, au milieu de la guerre d'Algérie, je suis parti deuxième classe au 9e régiment des zouaves, dans le Constantinois. J'aurais dû dire non. Essayer de m'échapper. Mais, en âge mental, je n'avais pas mes 20 ans. Je ne connaissais rien à la politique. Cela a été la révélation, quelque chose de terrible, dont je n'aime pas parler. »
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A son retour, ce grand timide, qui se disait « nul à l’oral », collabore à Hara-Kiri (1960-1983), Pilote (1962-1972), ou au Figaro (1966-1971). Entre 1977 et 1987, il participe à l’émission Récré A2. « Ils cherchaient quelqu’un de rapide pour dessiner en direct sur des scénarios d’enfant. (...) On s’étonnait de ma présence chez Dorothée. Mais pour un dessinateur, c’est le public idéal. Tous les enfants dessinent jusqu’à 12 ans. Dorothée, c’était comme leur grande sœur, elle avait beaucoup d’humour » (dans une interview au JDD). C’est que l’éclectique Cabu officie en même temps chez Charlie Hebdo, qu’il participera à relancer en 1992, et signe depuis 1982 au Canard Enchaîné.
Deux personnages de l’artiste ont marqué les esprits. D’abord le Grand Duduche, imaginé en 1962 pour Pilote. « J’avais présenté à René Goscinny, alors rédacteur en chef, des dessins de mes années lycée, racontait-il en 2006 au micro de Patrice Tourne, pour A voix nue sur France Culture. Il a aimé et m’a conseillé de mieux exploiter un grand personnage caché dans le fond. » Un échalas maladroit, qui tente vainement de conquérir la fille du proviseur. Physiquement proche de son créateur, l’ado devient dans les années 70 antimilitariste, plus engagé. En 1975 débarque le « beauf », qui incarne selon Cavanna « les relents de pastis, la pétanque, la connerie morne ». Dix ans plus tard, l’antihéros qu’on aime mépriser entre dans le dictionnaire, et devient au fil du temps un « nouveau beauf », adoptant la vulgarité des nouveaux riches des années 90.
Âgé de 76 ans, l’humaniste tendre, père de Mano Solo, s’était exprimé il y a quelques semaines sur les ondes de France Bleu Gironde. « On a toujours été à la pointe d’un combat contre les fanatiques », avait-il assuré. Empli d’incompréhension par la haine que pouvaient provoquer de simples dessins.
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